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EL VENCEDOR EDICIONES

HISTORIE DIVINE DE JÉSUS CHRIST

LIBRAIRIE FRANÇAISE

FRENCH DOOR

 

 
 

 

HISTOIRE DE L'EMPIRE OTTOMAN

LIVRE VI

 

BAJESID, FRATRICIDE, MONTE SUR LE TRONE.  PREMIER SIÈGE DE CONSTANTINOPLE PAR LES TURCS. — PREMIÈRE INVASION TURQUE EN HONGRIE.—CONQUÊTE DES ÉTATS DE KARAMANH, DE BURDANEDDIN ET DE KOETURUM.— CORRUPTION DES MOEURS ET DES JUGES. — FONDATIONS ET CONSTRUCTIONS. — BATAILLE DE NICOPOLIS ET MASSACRE DE DIX MILLE PRISONNIERS.— MOSQUÉE ET KADI A CONSTANTINOPLE. — NOUVELLES CONQUÊTES EN ASIE ET EN GRÈCE.

 

Le règne de Bayezid-Ildirim, c’est-à-dire la foudre, commence comme l'histoire du monde par un fratricide. A peine son père avait rendu le dernier soupir, Bayezid fit mettre A mort son unique frère Jakub, en raison, dit l'historiographe de l’empire, de cette maxime du Koran: la sédition est pire que l’exécution. Il considérait aussi le mauvais exemple de conjuration et de révolte donné par sou frère Sandschi, et la nécessité de prévenir l'envie de l’imiter. Enfin, à l’exemple de Dieu lui-même qui règne seul et sans rival, celui qui est l’ombre de Dieu sur la terre, le chef des vrais croyants, devait, semblable à Dieu et délivré de tout rival, s'asseoir seul sur le trône. La politique des sultans successeurs de Bayezid trouva ses motifs si puissants, que l'imitation de sa conduite fut regardée par eux comme un devoir, et que dans la suite Mohammed le Conquérant proclama publiquement comme loi de l’empire, que chaque nouveau sultan devait immoler ses frères à son avènement. Les historiographes ottomans pour qui ce fratricide parait une tache à la mémoire de leur héros, malgré leur accord à le regarder comme une nécessité politique, prétendent que l'exécution de Jakub eut lieu à l’insu d'Ildirim et d'après l'unanime décision des begs. Les historiens européens, qui se plaisent à exagérer les horreurs comme les ottomans à exagérer les éloges, portent jusqu'à sept le nombre de frères que Bayezid fit exécuter, bien qu'il n'en ait jamais eu que deux, et qu'il ne lui en restait plus qu'un seul lorsqu'il devint maître du pouvoir suprême.

Après avoir envoyé en Asie les notifications nécessaires sur la victoire de Kossovo et sur son élévation trône, Bayezid s’occupa d'abord de mettre ordre aux affaires de Servie. Il ordonna à Jigit-Beg de faire des courses en Bosnie, et à Firus-Beg de pousser des partis du côté de Vidin; il prit ensuite possession des mines d'argent de Karatova, et peupla Skopi de colons turcs. Après cela, (1389), Étienne, fils de Lazare étant venu lui prêter serment de fidélité, il conclut avec lui un traité par lequel le despote s’engageait à suivre Bayezid comme allié dans toutes ses guerres, à lui donner sa sœur en mariage, et à lui payer un tribut annuel sur ses mines d’argent. Ildirim humilia davantage les Paléologues qui se disputaient le trône byzantin. Andronicus et Jean, fils et petit-fils de Jean, l'empereur régnant, qui avait trouvé contre eux un allié dans Mourad, comme auparavant il avait rencontré un appui dans Urchan contre Cantacuzène avaient dû, sur l'injonction de Mourad, à cause de leur conjuration avec Sandschi son fils, avoir les yeux brûlés puis être jetés en prison; mais les ordres pour le supplice n'avaient pas été tellement bien exécutés que les deux princes fussent entièrement privés de la vue, et qu'ils n'eussent conservé quelque espoir de monter un jour sur le trône; leur garde n'était pas si sévère qu'ils n'eussent pu trouver moyen de s’adresser à Bayezid, et de réaliser par lui leurs espérances. Bayezid saisit avidement l’occasion qui lui était offerte de semer de nouveaux troubles; il se réjouit comme le loup lorsque le vent soulève la poussière. Ainsi s’exprime Phranzes faisant allusion sans doute au loup qui se trouvait dans les anciennes armoiries turques. Le sultan vint donc à Constantinople au secours des princes avec six mille cavaliers et quatre mille fantassins; il arracha du palais des fontaines l’empereur Jean et son fils Manuel, les enferma dans la tour d’Anemas, et les remit à la garde sévère d’Andronicus, qui monta sur le trône de son père. Pour prix d’un tel service, Andronicus paya chaque année à Bayezid plusieurs quintaux d'argent et d’or; toutefois, il n’écouta pas les conseils répétés du sultan d'immoler son père et son frère. L’empereur Jean et Manuel, par le secours des Génois, réussirent à échapper aux soldats bulgares qui gardaient la tour d’Anemas et se réfugièrent auprès de Bayezid. Celui-ci qui avait souvent pressé Andronicus de les mettre à mort maintenant résolut de tirer parti de leur existence, ou châtier la désobéissance de son protégé Andronicus. Réveillant le souvenir de l’ancienne amitié du vieil empereur avec son père Murad et son aïeul Urchan, Bayezid prêta l’oreille aux proportions de Jean, qui lui offrait d’être son vassal. Celui-ci promit de payer pour la captivité du fils le tribut que le fils avait payé jusqu’alors pour celle du père, de se mettre chaque printemps au service du souverain des Ottomans avec douze mille hommes, cavaliers et fantassins, et de se regarder comme l’ami de ses amis et l’ennemi de ses ennemis. Cet accord fut des deux côtés scellé par un serment (1390). Bayezid envoya un messager à Constantinople pour s’informer des habitants lequel des deux fils de l’empereur, Andronicus ou Manuel, ils étaient disposés à reconnaître comme son successeur au trône. Le rapport ayant été favorable à Manuel, Bayezid lui prêta le secours promis, et une armée turque le replaça sur le trône, comme elle l’en avait arraché deux ans auparavant. Mais Andronicus ne retourna pas en prison; il conserva ce qui restait encore de l’empire byzantin hors des murs de la capitale, savoir: Selymbria, Heraklea, Rhaidesios, Danias et Panidossur la Propontic, ainsi que Thessalonique. Manuel fut couronné comme successeur et co-régent de l’empereur Jean, qui parut deux ans encore assis sur le trône, où la pitié des princes ottomans Urchan, Mourad et Bayezid, le maintint pendant la durée d’un demi-siècle.

Bayezid, ayant conclu la paix de Servie, avant de partir pour l’Asie, jeta à Andrinople les fondements d’une mosquée, dans cette partie de la ville que l’on nomme encore aujourd'hui le quartier d'Ildirimchan. Cette mosquée dont la coupole repose sur quatre arceaux, et qui pour cela est appelée mosquée de la coupole, avec un minaret y attenant, ne fut achevée que dans l’espace de quatorze ans. Saridsche-Pacha, appelé souvent général des Asabes, bâti une autre mosquée dans cette résidence. Comme commandant de la flotte, il captura a l’entrée des Dardanelles un vaisseau franc, sur lequel se trouvait une princesse destinée à l'empereur de Byzance. La belle fiancée impériale dont le nom est resté inconnu, entra dans le harem de Bayezid, qui, déjà se trouvant marié avec la fille du seigneur de Kermian, avec la princesse de Byzance, et celle de Servie, comptait maintenant quatre princesses pour ses femmes légitimes. Afin de subvenir aux frais nécessaires à l’achèvement de la mosquée qu’il venait de fonder, il entreprit une expédition en Asie, et résolut de conquérir Alaschehr (Philadelphia); cette ville, située en re les pays soumis aux Ottomans et ceux du prince d’Aidin dont elle était l’alliée, était la seule possession que les Grecs eussent conservée dans toute l'Asie. Pour faire cette conquête le sultan réclama les troupes de ses nouveaux alliés de Servie de Byzance [1391]. Le commandant grec d’Alascheur répondit à la sommation de Manuel de recevoir un juge et un préfet turcs, qu’il n'était pas disposé à livrer la ville à un barbare. Ildirim, transporté de terreur, fit investir la place par les troupes grecques placées sous les ordres de Jean et de Manuel en personne, qui reçurent pour les services rendus dans ce siège une récompense d’Ildirim, à qui le fidèle vassal avait refusé de livrer la ville; et, ce qui paraîtra plus incroyable, c’est que les deux empereurs montèrent les premiers à l’assaut de leur propre ville pour la mettre au pouvoir des barbares. Philadelphie est restée plus fameuse dans l’histoire par cette étrange manière de passer aux mains des musulmans, que par la conquête précédente qu’en avaient faite les Seldschuks, les Byzantins, les croisés et les Karamaniens, à qui les Catalans, sous la conduite de Roger, avaient tenté de l’enlever. Anciennement elle s’appelait Kallatebos; Hérodote en parle à propos de la marche de Xerxès à cause de ses gâteaux de miel; aujourd'hui même l’Halwa, c'est-à-dire le gâteau du miel d'Alaschehr, ainsi que celui de Konia, sont renommés dans toute l’Asie Mineure. Bayezid y bâtit une mosquée, une école et des bains, et affecta les revenus delà ville à l’érection et à l’entretien de la mosquée qu’il avait commencée à Andrinople. Le prince d'Aidin, dont la protection avait soutenu jusqu'alors Alaschehr, l'unique ville grecque d’Asie, vint prêter serment au vainqueur; non-seulement il se désista du droit souverain de frapper monnaie et de faire dire la prière publique dans tout son territoire, mais il céda encore Éphèse, jusqu’alors sa capitale, et transporta le siège de son pouvoir à Tire, aujourd'hui renommée par ses tapis et ses étoffes de coton. Avec la principauté d'Aidin, celles de Ssaru-Chan et de Mentesche furent incorporées à l’empire ottoman, et les princes de ces pays cherchèrent et trouvèrent un refuge contre la puissance de Bayezid-lldirim (la foudre), auprès de Kœturum-Bayezid, c'est-à-dire Bayezid le Perclus, seigneur de Kastemuni et de Sinope. Ildirim fit de ses nouvelles conquête un sandschak qu'il donna à son fils Ertoghrul. Ainsi des dix principautés formées des débris de l'empire seldjoukide, déjà sept étaient venues s'engloutir dans le gouffre toujours béant de la puissance ottomane; au nord et au sud de l'Asie Mineure, les deux princes seuls de Kastemuni et de Karamanie bravaient encore sa puissance. Depuis la paix renouvelée par Urchan, des relations d'amitié s'étaient formée avec le dernier; mais le vassal de Hamid éleva des plaintes contre lui à Bayezid, après avoir entièrement soumis Kermian et Tekke, et placé Firus-Beg à la tête de ce nouveau sandschak, se tourna contre la Karamanie, dont le prince Alaeddin se réfugia dans les rochers de la Cilicie Pétrée. Bayezid investit Konia, qu’avait assiégée son père Mourad; il eut les mêmes égards pour les habitants de la contrée; il usa de la même discipline rigoureuse qui avait autrefois excité des mécontentements dans les troupes auxiliaires de Servie. Les citoyens de la ville eux-mêmes furent ainsi encouragés à transporter du blé dans le camp ottoman; et, quand ils eu avaient reçu le prix, ils étaient reconduits en sûreté par des tschauschs. Séduites par de tels procédés, les villes karamaniennes d’Akschehr, de Nikde, d'Akserai, ouvrirent elles-mêmes leurs portes, et le commandement en fut donne au beglerberg Timurtasch. Le prince de Karamanie, pour ne pas perdre tousses États, en sacrifia une partie [1390], et la paix fut conclue à la condition qu'à l’avenir le fleuve Tschehars-chenbe servirait de limite entre les Ottomans et les Karamaniens.

Après avoir rétabli la tranquillité et l’ordre en Asie, Bayezid-Chan se tourna vers l'Europe avec toutes ses forces. Il commença par fortifier la clef de ses États européens, Gallipoli, détruite jadis par les Catalans et les Ottomans eux-mêmes; il y construisit un port sûr pour les galères, et une énorme tour pur arrêter les attaques des ennemis. Son regard se tourna en même temps vers l'Archipel, vers Byzance, la Bosnie, la Hongrie et la Valachie; il réclama de l’empereur byzantin le tribut et les secours convenus, et le successeur et co-régent Manuel parut à la tête de cent hommes, comme allié et vassal, dans le camp turc. Le sultan défendit l’exportation des blés de l'Asie dans les îles de Lesbos, Lemnos, Rhodes et Chios; il envoya contre cette dernière soixante longs vaisseaux, et réduisit en cendres la ville et les villages qui, dans les quatre-vingt-quatre ans écoulés depuis la première dévastation turque, étaient sortis de leurs ruines. L'Eubée et une partie de l’Attique furent aussi ravagées. L’empereur Jean, qui, sous les ordres de Bayezid, était monté le premier avec son fils à l'assaut delà ville grecque de Philadelphie, songea alors, mais trop tard, à défendre sa capitale par de nouvelles fortifications. Comme il manquait de pierres de construction, il démolit trois des plus belles églises fondées par ses devanciers: celle des Quarante-Martyrs, construite par l’empereur Marcian; celle de Tous les Saints, par Léon le Grand, et celle de Saint Moccius, par Constantin le Grand. Avec les blocs de marbre qu’il tira de ces temples, il éleva, à la porte borée, deux grandes tours carrées, les plus grandes et les plus belles des Sept-Tours, si fameuses. Bayezid arrivait dans ce moment à Brusa, de retour de l'expédition d'Asie, et il songeait à passer en Europe, lorsque, de Brusa, où Manuel servait à sa porte, il envoya l'ordre à l’empereur de raser son nouvel ouvrage, s'il ne voulait voir revenir son fils les yeux crevés. Le vieux empereur obéit; tremblant pour la vie de son fils, et accablé de terreur et de chagrin, il détruisit ce qu’il avait fait [1391]. Cette nouvelle arriva à l’héritier du trône à Brusa, en même temps que celle de la mort de son père; il s’enfuit aussitôt à Constantinople. Bayezid, irrité contre les siens â qui était confiée la garde de Paléologue, et contre Manuel lui-même, lui envoya un messager pour lui dire qu’à l’avenir un kadi réglerait à Constantinople les affaires des vrais croyants; qu’il n’était pas juste que les musulmans, attirés à Constantinople par le commerce ou pour d'autres motifs, fussent obligés de comparaître devant les tribunaux des giaurs; que s’il refusait, les abords de la ville seraient fermés dans toute la contrée environnante déjà soumise à la puissance ottomane. Le messager fut suivi de l’armée, qui passa de la Bithynie en Thrace, ravageant tous les villages depuis Panidos jusqu'aux murs de la ville, et emmenant les habitants en esclavage.

Dès ce moment commença le premier siège ou plutôt le premier blocus de Constantinople par les Turcs. Il dura sept automnes; un corps de troupes se tint toujours en observation. Le reste de l’armée turque envahit la Bulgarie, la Valachie, la Bosnie et la Hongrie. Mirtsche, prince de Valachie, se reconnut vassal et tributaire du vainqueur; et c’est depuis cette année que la Valachie est inscrite comme tributaire sur les registres de la Porte [1391]. Ce fut aussi cette année que Tokatmisch, chan de la grande Tatarie, fut entièrement défait par Timur-Chan et vit son empire abattu: l’émigration des Tatares du Kiptschak vers les deux rives du Danube, c’est-à-dire en Bessarabie et dans la Tatarie-Dobruze, eut aussi lieu dans ce temps. Une partie de l'armée turque inonda la Bosnie jusqu’à Naglazinze; mais, à la prière de Dabischia, successeur de ThwarkoGoyko-Manarvitius, avec des troupes hongroises, vint poser une barrière, un terme aux courses de l’armée turque. Une partie de cette armée musulmane tomba sur le pays de Sirmium, et se battit à Nagy Oloszou Francovilla contre les Hongrois, commandés par Jean de Maroth; une autre division conquit Galamboz et tout le pays de Machov, jusqu'à ce que Pierre de Perenv la contraignit à la retraite et reprit le château de Galamboz, situé sur une haute montagne, prés de la rive du Danube appartenant à la Servie. Telle fut la première invasion des Turcs en Hongrie, après un message infructueux que le roi Sigismond avait envoyé à Bayezid-Chan; et ce fut seulement quatre siècles après que les frontières de la Hongrie et de la Turquie furent définitivement fixées par la paix de Sistov [1392]. L'année suivante, Sigismond marcha dans la Bulgarie contre les Turcs alliés à Myrtsche, les battit, et s’empara, après un siège pénible, du Petit-Nicopolis, forteresse située sur le Danube. La supériorité numérique des Turcs le força de se retirer, et Blaise-Cserei garantit le roi du sabre d'un sipahi, comme dans sa fuite il lui procura les aliments nécessaires. Ce fut pendant cette retraite que le roi Sigismond, se trouvant dans le comitat d’Hunyade, s'éprit d’amour pour la belle Élisabeth Morsinay: le fruit de cette liaison passagère fut Hunyade le Grand, qui développa si brillamment le germe de valeur qu’il avait reçu de son père, se distingua comme un heureux aventurier, par sou ardeur guerrière contre les Turcs, par ses actions chevaleresques et ses nombreuses victoires.

Pendant que Bayezid était occupé de tous les côtés en Europe, le prince de Karamanie s'agitait encore en Asie. Par une attaque imprévue, il pénétra jusqu'à Angora et Brusa, et fit même prisonnier le beglerbeg Timurtasch; Bayezid en personne marcha contre lui. L'ambassade de Karamanie qui vint à Brusa implorer la paix et le pardon du prince, fut renvoyée avec cette réponse: que le glaive seul devait décider entre eux; ce fut en effet le glaive qui décida en faveur des Ottomans dans la grande plaine d'Aktsehai, au pays de Kermian. Alaeddin, prince de Karamanie, fut pris avec ses deux fils, Ali et Mohammed, et confié à la garde de son ennemi personnel, Timurtasch. Celui-ci avait été mis en liberté et renvoyé avec de riches présents avant qu'on en vint aux mains, et dès la première nouvelle de la marche de Bayezid; mais il n'était pas pour cela réconcilié avec Alaeddin: il ne vit pas plutôt ce prime entre ses mains, qu'il le fit pendre sans l’ordre et même contre la volonté de Bayezid. Le sultan irrité, du moins en apparence, écouta cependant les excuses du beglerbeg, fondées sur des motifs politiques; il le remit aussitôt en faveur, alléguant quels perte d'un prince était moins importante que celle d’une province: maxime qui, dans la suite, légitima plus d'une fois la mort des princes vaincus, exécutés par l’ordre des sultans. Bientôt furent conquises les villes de Konia, Akschehr, Akserai et Larenda, et toute la Karamanie fut incorporée aux États ottomans.

Ayant soumis à son empire le sud de l’Asie Mineure, Bayezid poussa son armée dévastatrice vers l’est et le nord, afin de traverser ces pays en conquérant, comme il avait fait pour ceux du sud et de l’ouest. A l’orient, dans le pays qui forme aujourd'hui le gouvernement de Siwas, entre cette ville (l’ancienne Sebaste) et Kaiszarije (Césarée), régnait alors Ahmed Kasi-Burhaneddin, c’est-à-dire le juge-preuve de la foi. Ce prince, distingué par son savoir autant que par ses talents politiques, avait établi sa domination sur les restes de plusieurs tribus tatares autrefois soumises aux Dschengisides; il était en même temps brouillé avec Bayezid et Kara-Juluk. Bayezid, content d’avoir trouvé dans h dynastie du Mouton-Blanc un prince dont le bras s’employât contre les ennemis des Ottomans, voulait d’abord laisser au fils de BurhaneddinSeinol-Aabidin, les terres de son père; mais comme les principaux du pays trouvèrent plus prudent d’envoyer le jeune prince auprès de Naszireddin-Beg, de la dynastie de Sulkadr, prince voisin et son parent, et invitèrent Bayezid à prendre possession du pays, celui-ci accepta volontiers l’invitation, et, en conséquence, il s'empara des villes de Siwas, Tokat et Kaiszarije [1392].

Au nord-ouest de cette partie de l’ancienne Cappadoce, s’étend aujourd'hui le gouvernement de Kastemuni, qui comprend l’ancienne Paphlagonie presque tout entière. Quelque temps après la chute de l'empire des Seldschuks, le dernier rejeton de cette famille exerça dans ces lieux une infâme piraterie; de son temps, ou immédiatement après lui, les fils d’Ilsfendiar avaient régné sur ces contrées: l'un d’entre eux, Kœturum-Bayezid (le perclus), occupait alors le pouvoir, mais il ne put s’y maintenir contre Bayezid-Ildirim (la foudre). Les principales villes du pays de Kastemuni, SsamszunDschanik et Osmandschik, avec les riches mines de cuivre, tombèrent entre les mains du conquérant. Kœturum-Bayezid se réfugia à Sinope, extrême forteresse de ses États et port de mer; de là il négocia avec le vainqueur. Bayezid lui laissa la ville de Sinope et son territoire; il exigea qu'on lui livrât les fils des princes de Mentesche et d’Aidin, mais ceux ci se réfugièrent auprès de Timur, et furent bientôt suivis par Isfendiar lui-même. Kastemuni fut donnée comme gouvernement au prince Suleyman: ce pays est le plus abondant en mines de tout l'empire ottoman; ses richesses naturelles et son industrie l’avaient placé dans l’état le plus prospère. Kastemuni, la capitale, renferme plusieurs mosquées remarquables; on y convertissait autrefois en vaisselle de cuivre une partie des riches produits des mines voisines, mais aujourd'hui elle ne possède plus de manufactures, bien qu'habitée par douze mille Turcs, trois cents Grecs, et cinquante familles arméniennes. La ville est située dans une vallée profonde, au milieu de laquelle se dresse un rocher escarpé couronné d'un ancien château, autrefois forteresse appartenant aux Comnènes, et plus tard aux Turkmans; elle renferme le tombeau d un saint, et a donné naissance à plusieurs poètes et à la fameuse SeinebDschanik, l'ancienne résidence des tzanes, dont le nom se reconnaît encore aujourd'hui dans celui du pays, est fameuse par l'âpreté de ses montagnes et la rudesse des Turkmans qui y habitent dispersés. Ssamszun, l'ancienne Amisus, peuplée d’abord par les Milésiens, lorsqu’ils possédaient la Cappadoce, ensuite par des colonies athéniennes; plus tard gouvernée par des rois, en bel lieu par plusieurs d’entre eux, surtout par Eupator et Mithridates: enlevée à Pharnace par Lucullus après un siège opiniâtre; déclarée libre par Jules César; de nouveau soumise à des rois par Antoine; maltraitée par le tyran Sirabo; rendue à la liberté par l’empereur Auguste, après la victoire d’Actium, et de plus érigée en capitale de toutes les villes du Pont; plus tard, une des principales villes de l’empire des Comnènes; enfin, passant des mains de Bayezid le Perclus à celles de Bayezid la Foudre, n’est plus aujourd'hui peuplée que de deux mille habitants, et entourée de murs à demi ruinés. Les marins turcs estiment surtout surtout sa poix, son goudron, ses cordes et ses câbles. A l’orient de Ssamszun s'étend la plaine de Phanaræa, arrosée par l’Iris, et plus loin celle de Themiskyra, qui, traversée par le Thermodon, était le pays des Amazones. Sur les bords de l’iris, aujourd’hui Tscheharschen-bessuji, c’est-à-dire eau du mercredi, se trouve Amasia, dont le nom (chose merveilleuse!) s’est conservé intact jusqu'à nos jours, en passant à travers tant de siècles, et par la bouche de tant de peuples barbares. Enlevée aux Grecs par les Danischmendes, à ceux-ci par les Seldjoukides, aux Seldjoukides par les Isfendiars, aux Isfendiars par les Ottomans, elle est surtout remarquable par les ruines de l’ancien château royal, les tombeaux des rois qui y sont creusés dans le roc, par les anciens aqueducs et le palais d'Isfendiar. Tant d’avantages l’ont fait généralement appeler la Bagdad de Rum.

Bientôt après la conquête faite par IldirimAmasia brava pendant sept mois, derrière ses fortifications, toute la puissance de Timur, qui fut obligé de lever le siège. Plus tard, pendant les révoltes de Karajasidschi et de Karasaid, ce fut le refuge assuré de tous les biens meubles de la contrée. Parmi plusieurs mosquées, on distingue surtout celle de Bayezid, non pas de Bayezid 1er, la Foudre, mais de Bayezid II, le Pieux; elle a cent pieds carrés: on y remarque les sculptures élégantes de la chaire et de l’autel, et sa coupole. Le même prince construisit aussi le tombeau du scheich Pir-Elias, lieu fameux de pèlerinage. Pir-Elias, contemporain de Bayezid la Foudre et connu de Timur, se retira à Amasia; il est enseveli dans le site ravissant de Suwadije, à côté du couvent des Chalweti, fondé par Bayezid II. Non loin de là est un autre lieu de pèlerinage fréquenté par les musulmans: c'est le tombeau du gendre et successeur d'Elias, du scheich Hosameddin, qui, recevant la visite des trois fils de Mourad Ier, permit à deux d’entre eux de lui baiser la main; mais il se jeta aux pieds du troisième, Mohammed, qui fut ensuite sultan, et le conjura en présence de ses frères de veiller aux intérêts de l’islam. Les musulmans pieux s'arrêtent devant ces deux tombeaux; mais l'ami de la poésie est attiré par celui du poète Mumin, vizir du prince Ahmed, gouverneur de Bagdad, et surtout par celui de Mihri, la sapho des Ottomans, qui consacra à l'amour ses poèmes et sa vie passionnée. Les beautés turkmanes d’Amasia trouvent de puissants aliments à leur imagination ardente, à leur passion pour les aventures extraordinaires, dans le roman de Ferhad et Schirin, dont les scènes se sont, dit-on, passées dans cette ville. D'après la tradition turque, l'ancien aqueduc serait le canal creusé dans le roc par Ferhad pour recevoir le lait des bergeries de Schirin, et la promenade de Kanli-Binar (fontaine sanglante) serait le lieu où Ferhad apprit d'une vieille femme la fausse nouvelle de la mort de Schirin, et se précipita sur sa hache pour se tuer. Cette nouvelle tradition suffit aux Amasiennes, et a remplacé celle de leurs anciennes voisines, les Amazones, qu'elles ont entièrement oubliée. Amisus et Amasia forment un triangle avec Osmandschik, une des principales villes du pays de Kastemuni, nouvellement conquise et confié eau gouvernement du prince Suleyman. Elle occupe une situation pittoresque sur le Kisilirmak (l'Halys), dans une plaine fertile en vin et en blé. Près du grand pont jeté sur le fleuve et supporté par dix-neuf arches, l'un des plus beaux de l’empire ottoman, construit par le sultan Bayezid II, on voit le tombeau du saint Burhandede. Mais dans la ville même d'Osmandschik se trouve le mausolée bien plus célèbre du saint Kujunbaba, c'est-à-dire Père-Mouton, compagnon du scheich des janissaires Hadschi-Begtasch. Il reçut ce surnom parce qu’il ne parlait point, et se bornait cinq fois par jour, aux heures de la prière, â faire entendre un bruit semblable au bêlement d'un mouton. Le sultan Bayezid II, surnommé lui-même le Pieux ou le Saint, construisit au saint Père-Mouton, qui lui était apparu en songe, un magnifique tombeau et un cloître avec des étables, des cuisines, et de nombreux appartements pour recevoir et entretenir gratuitement les voyageurs; c'est un des plus beaux et des plus riches couvents de l'empire.

Bayezid, emporté sur les ailes de la victoire et enivré par ses conquêtes, commença à négliger son royaume et ses propres devoirs. Le premier des princes ottomans, il transgressa la loi de l'islam qui défend l'usage du vin, et il se montra indulgent pour le luxe et les débauches monstrueuses de son vizir Ali-Pacha. C'était la princesse servianne, son épouse, qui lui avait inspiré sa passion pour les orgies. Pour satisfaire ses honteux plaisirs, le vizir ne fit plus seulement servir les nombreux enfants chrétiens à recruter le corps des janissaires, mais ceux d'entre eux qui se distinguaient le plus par leur beauté et leur esprit étaient employés comme pages (Itschogblan) au service intérieur de la cour. En quittant ces infâmes fonctions, ils entraient en possession d'un fief, où ils étaient promus aux premiers emplois militaires et civils. Ainsi les habitudes contre nature de la corruption orientale, dont les Perses et les Grecs se sont jadis mutuellement reproché l'origine, se glissèrent dans l’empire ottoman, et se propagèrent, non-seulement par l’exemple des sultans et des vizirs, mais encore par ceux des jurisconsultes. Bientôt ce vice devint dominant à la cour, à l'armée et parmi le peuple; il fut le moyen le plus sûr de parvenir aux honneurs et aux richesses, et même souvent ce fut la véritable cause des guerres contre les chrétiens; car le butin promettait de remplir les rangs éclaircis des recrues et des pages, et de donner un nouvel accroissement au pouvoir et aux plaisirs. Quoique la loi de l'islam ne puisse être interprétée en faveur d'une pareille monstruosité, puisqu'elle la condamne comme un crime contre nature, cependant dès lors la corruption de l'empire turc a publiquement bravé cette loi. Si l'amour honteux pour les garçons tire son origine de la Perse ou plutôt de la Médie, comme on n'en peut douter d’après le témoignage d’Hérodote et d'autres historiens, si ce vice, joint au luxe des eunuques et aux robes flottantes des Mèdes, énerva aussi les Perses, les Turcs ont du moins le mérite d'avoir établi une distinction moins abrutissante. Ils détruisirent le lien qui dans l'origine, chez les Mèdes, unissait les favoris et les eunuques; et ces deux classes furent séparément organisées, l'une pour le service du harem, l’autre pour ce­lui de l’État. Les Mèdes et les Perses privaient les plus beaux enfants de leur qualité d'homme, et les destinaient non-seulement à la garde du harem, mais à servir d'instrument à leurs plaisirs honteux; ils commettaient ainsi un double crime contre la liberté de la femme et la dignité de l'homme. Les anciens Grecs avaient ennobli ce crime dans la troupe thébaine des Amants et dans le corps macédonien des Immortels, dans le but d'attacher les jeunes gens aux idées plus hautes et plus pures de liberté et de patrie. Les Turcs imitèrent cette dernière institution en créant le corps des janissaires, qu'ils rabaissèrent au rang de pages; mais, à peu d'exceptions près, ces jeunes gens conservaient leur qualité d’homme, et la troupe des eunuques blancs fut le plus souvent entièrement composée d’esclaves géorgiens et circassiens, mais non d'Européens. Les jeunes garçons grecs, servians, bulgares et hongrois, n'étaient pas traités comme les eunuques, mais seulement circoncis comme les musulmans, exercés au maniement des armes, et, après qu’ils avaient servi aux passions de leurs seigneurs et maîtres, la faveur ou l’habileté leur ouvrait le chemin aux premières places de l’État et de l’armée: c’est de pareilles écoles que sont sortis les plus grands hommes de l'empire ottoman. Aussi longtemps que dura la levée annuelle des enfants chrétiens, et que les excursions des Ottomans produisirent chaque année un revenu d'esclaves, leurs hommes d’État et leurs généraux les plus célèbres furent le plus souvent des Grecs, bosniens, Albanais de naissance, et rarement des Turcs. Ainsi le despotisme turc renouvelait ses forces dans le sang de la chrétienté, et, par cette ingénieuse institution, la Grèce était forcée à déchirer son propre sein par les mains de ses enfants. Ce n’est que dans les derniers temps que les rôles ont été changés, et seulement dans les derniers troubles de la Servie, les vieux Turcs ont pu se consoler de leur défaite en pensant qu’ils tombaient sous les coups de leurs propres fils, puisque les mères de leurs vainqueurs avaient servi comme esclaves aux plaisirs des vaincus.

La corruption des mœurs que Bayezid et Ali-Pacha, modèles d'intempérance et de débauche, répandirent l’un par ses orgies, l'autre par ses amours infâmes, s’étendit partout, non-seulement dans l’armée, dont la discipline était sévère et souvent cruelle, mais parmi les jurisconsultes et surtout dans le corps des juges. Bayezid, si indulgent pour lui-même, entrait dans une affreuse colère à chaque faute des pages et a chaque nouvelle prévarication des magistrats. Un page accusé par une vieille femme de lui avoir bu son lait fut éventré; quatre-vingts juges contre lesquels s’élevaient des plaintes pour sentences iniques et corruption, furent enfermés dans une maison à Begschehri, et condamnés par le sultan à être brûlés. Déjà l'ordre était donné, lorsque le vizir, qui n'osait lui-même faire aucune représentation, gagna le bouffon de Bayezid, Arabe de naissance, en lui promettant mille ducats s'il parvenait à changer la résolution de son maître; le bouffon parut devant Bayezid, le priant de vouloir bien l'envoyer en ambassade à Constantinople.

— Pourquoi? dit le sultan.

—Afin de demander à l’empereur des moines pour nous juger.

— Comment cela?

— Puisque nous brûlons nos juges qui n’ont point fait d’études, il faut les remplacer par des moines grecs qui ont beaucoup lu, afin de travailler par leur moyen à la propagation de l’Evangile.

La satire produisit son effet; le vizir fut appelé et interrogé sur les causes qui rendaient les juges si accessibles à la corruption, malgré leur science profonde. Le vizir donna pour principale raison l’incertitude qui avait jusqu'alors existé dans leurs émoluments, et proposa de leur accorder à l’avenir un traitement fixe, au moyen de taxes et d’autres droits éventuels. Ainsi ils obtinrent comme droits de justice deux pourcent sur les sommes en litige, et deux aspres pour la rédaction d’un acte judiciaire. Ali-Pacha, à qui l’administration de la justice fut redevable de cette amélioration essentielle, en introduisit une autre dans les monnaies, en en faisant frapper de nouvelles et en retirant les anciennes de la circulation.

Bayezid, non content d'avoir inspiré aux juges une terreur salutaire, pensa aussi à effacer par une meilleure conduite le souvenir des mauvais exemples qu’il avait donnés au peuple. Exhorté au repentir et à la pénitence par le grand scheich Buchara (ainsi appelé du nom de sa patrie, mais généralement connu sous le nom d'Emir-Sultan), il se montra disposé à suivre ses conseils, et construisit, pour l'expiation de ses fautes, deux mosquées à Brusa. L’une s’élève hors de la ville, dans un site solitaire et pittoresque, prés du torrent d’Aktschaghlan (à l’écume blanche); la seconde, dans le quartier de la ville nommé encore aujourd’hui Emir-Sul­tan, fut bâtie pour le scheich, qui sut s’attirer non-seulement la bienveillance de Bayezid, mais encore l’amour d’une de ses sœurs qu’il épousa. Cette mosquée a été plus d une fois réduite en cendres dans les nombreux incendies de Brusa; mais la première, garantie par la solitude où elle est située des dévastations du fer et du feu, s’offre encore aujourd’hui dans son état primitif, monument intact et précieux de l’architecture sarrasin vers la fin du XIVe siècle. Pendant que l'on construisait la mosquée d'Emir-Sultan, un des plus grands mystiques de l’Orient, le scheich Seid-Ali-Hamadani, arriva pour rendre visite au scheich Buchara; Bayezid lui donna comme présent de bienvenue le triple du salaire des ouvriers employés à la mosquée. Le scheich Buchara-Emir-Sultan portait dans l’empire spirituel le même titre que son beau-frère dans l’empire temporel: le calife d'Egypte, qui, s'il n’était pas l’ombre de Dieu, était au moins l'ombre du califat sur la terre, avait accordé à Bayezid, sur sa demande, le titre de sultan. Buchara possédait donc le droit de ceindre le glaive à l'émir-sultan Bayezid-Ildirim chaque fois qu'il entrait en campagne; cette cérémonie remplaça dans la suite celle du couronnement. Non-seulement Bayezid orna Brusa de mosquées, mais il la mil à l’abri d une attaque imprévue en l'entourant de murs; et tout en élevant les mosquées et les murs de Brusa, il fit construire un fort sur la rive asiatique du Bosphore: c’est le château d’Anatolie, qui porte à juste titre le nom de Güseldschchiszar, c’est-à-dire le joli château. Ce fut à l'embouchure du Goekzu (l’eau céleste), l’Arétas, qui arrose la plus délicieuse vallée de la contrée, à l’endroit le plus resserré du Bosphore, que le nouveau fort fut élevé pour presser plus étroitement la ville de Constantinople. L’entreprise du sultan contre Thessalonique eut un succès bien plus prompt que ses plans contre la capitale, dont les limites étaient celles de l'empire byzantin. Après une victoire remportée sur la flotte alliée des croisés chrétiens qui étaient accourus au secours de la citadelle, Thessalonique tomba pour la seconde fois entre les mains des Turcs. Déjà Chaireddin-Pacha s'en était emparé à la fin du règne de Mourad Ier, mais il l'avait rendue au prince repentant Manuel. Cette fois les Turcs ne la gardèrent pas non plus; ce ne fut que plus tard qu’ils la conquirent définitivement sur les Vénitiens, après de sanglants combats.

Détournons maintenant nos regards des frontières méridionales de l’empire ottoman en Europe, pour les porter au nord, vers la Bulgarie, la Hongrie a la Valachie. La Bulgarie, en partie avant eu partie après la bataille de Kosovo, avait été soumise â des gouverneurs turcs. Sistow et Vidin, Nicopolis et Silistria, les plus fortes places de ce pays sur le Danube, résistèrent encore quelque temps. Le Kral Sisman, enfermé dans Nicopolis, avait pu facilement braver plus longtemps le pouvoir des Turcs, encore inexpérimentés dans l'art de conduire un siège; mais lui et son fils parurent devant le général assiégeant, Ali-Pacha, avec un linceul autour du cou pour implorer la vie. Sisman fut ennoyé captif à Philippopolis, où il fut bientôt tué, ou bien gardé jusqu'à sa mort naturelle. Son fils, aussi appelé Sisman, conserva la vie en embrassant l'islam, et reçut en récompense le gouvernement de Ssamszum (Amisus), nouvellement conquis en Asie. Vidin se rendit sur la promesse qu’on laisserait librement sortir sa garnison, mais les soldats furent taillés en pièces sur l’ordre de Ferif BegSilistria et Nicopolis furent prises à l'aide de ce même stratagème de marchands déguisés, que les Karamaniens employèrent avec autant de succès à la prise d’Ermenak et de Tripolis sur le Méandre. L'ambassade hongroise que le roi Sigismond envoya à Bayezid fut reçue pur celui-ci dans une salle ornée d’armes et de trophées bulgares, et, pour toute réponse, le sultan montra aux envoyés les arcs et les flèches appendus aux murs comme ses titres à la possession de la Bulgarie (1394).

Sigismond chercha maintenant des alliés au loin comme autour de lui, afin de pouvoir tenir tète aux forces supérieures de Bayezid. Par son envoyé Nicolas de Kanischa, il demanda le recours du roi de France. Il conclut une nouvelle ligue avec Mirtsche, voivode de Valachie et vassal du royaume de Hongrie, qui depuis environ deux ans avait payé un tribut à la Porte; il conduisit ensuite son armée sur le Danube, et reprit après un siège opiniâtre le Petit-Nicopolis. Dans cette campagne, cinq à six cents cavaliers français combattaient déjà avec Sigismond, sous les ordres du connétable de France, le comte d’Eu. Comme ce secours ne suffisait pas, l'année suivante parut une armée de mille chevaliers français, avec autant d'écuyers, et six mille mercenaires. A leur tète marchaient le comte de Nevers, le vaillant fils du duc de Bourgogne, seigneur de Flandre et oncle de Charles VI; le sire de Bourbon, comte de la Marche, Henri et Philippe de Bar, tous trois cousins du roi; Philippe d'Artois; le comte d’Eu, prince du sang, connétable; Jean de Vienne, amiral; le maréchal Boucicault, qui, à son retour d’Orient, traversant la Hongrie, avait excité le courage du roi Sigismond à de nouvelles entreprises contre les Turcs; le sire de Coucy, un des meilleurs et des plus anciens généraux de la chrétienté; Guy de la Trémouille; les seigneurs de Boye, Saint-Paul, Monturel et Sampi. A cette fleur de la chevalerie française se réunirent à son passage en Allemagne Friedrich, comte de Hohenzollern, grand prieur de l’Allemagne, à la tète des chevaliers teutoniques, et le grand maître Philibert de Naillac, qui arriva de Rhodes dans le camp de Sigismond, suivi d'un grand nombre de chevaliers de Saint-Jean. Outre les troupes auxiliaires françaises et celles des ordres de chevalerie, l'armée de Sigismond fut grossie par des chevaliers bavarois, sous la conduite de l’électeur palatin et du comte Mumpelgard, châtelain de Nuremberg, par des chevaliers styriens sous les ordres d'Hermann II, comte de Chili, et des troupes valaques commandées par Mirtsche, prince de Valachie [1396]. Vers la Pentecôte, il y eut une réunion à Vienne d’où l'on envoya soixante-dix grands vaisseaux qui descendirent le Danube chargés de vin, de faune et d’avoine. L'armée hongroise signala par le pillage sa marche à travers la Servie; les troupes auxiliaires françaises traversèrent la Transylvanie et la Valachie. Le roi Sigismond passa le défilé de la Porte de fer, et occupa Vidin et Orsova: la première avec trois cents, la seconde avec deux cents hommes. Vidin s’était rendue volontairement; Orsova se défendit cinq jours, au bout desquels les habitants chrétiens chassèrent la garnison turque. Baco fut cernée, et la garnison, après s’être rendue, fut égorgée. L’armée alliée forte de soixante mille hommes se réunit à Nicopolis, qui fut assiégée pendant six jours par terre et par eau. Toghan-Beg se défendit avec opiniâtreté, certain qu'il ne tarderait pas à être secouru. Les alliés et surtout les Français, confiant dans leur supériorité, s’abandonnaient sans mesure au vin et à la débauche avec des courtisanes qu’ils avaient amenées avec eux. Ils ne parlaient de Bayezid qu'avec le plus grand mépris, et doutaient qu’il eût le courage de passer le Bosphore. Ils ne voulurent pas même croire aux courriers qui leur apportèrent la nouvelle que l’armée turque n'était éloignée que de six lieues; le maréchal Boucicault menaça les messagers de leur faire couper les oreilles pour avoir répandu une fausse alarme. Les chevaliers poussaient l'extravagance jusqu'à dire que si le ciel tombait ils le soutiendraient sur leurs lances. Fier de ses succès, Bayezid pouvait paraître moins présomptueux en faisant cette menace: «Bientôt je ferai manger l'avoine à mon cheval sur le maître-autel de Saint-Pierre à Rome.» Aussitôt que les premiers coureurs turcs, les Asabes, couvrirent la plaine, le courage impétueux du comte de Nevers lui fit demander le poste d’honneur à la première attaque par la cavalerie française; le roi Sigismond, habitué à la guerre contre les Turcs et connaissant leur manière de combattre, lui représenta que des troupes légères suffisaient pour dissiper cette canaille mal armée, mais qu'il fallait réserver le noyau de l’armée chrétienne pour l’opposer au noyau de l'armée turque, les janissaires, les sipahis. Le sire de Coucy et l'amiral Jean devienne furent de l’avis du roi; mais le connétable et le maréchal de France blessés dans leur orgueil de ce que Sigismond avait consulté l’amiral et le sire de Coucy avant de demander leur opinion, embrassèrent avec vivacité l'opinion contraire, et s’écrièrent que la cavalerie française ne céderait jamais le pas à l'infanterie hongroise, que le poste d'honneur appartenait de droit aux Français dans la bataille. A ces paroles, toute la jeunesse française répondit par des acclamations, et leur folle témérité se changea en sauvage barbarie lorsqu'ils égorgèrent dans le camp des prisonniers turcs qui s’étaient livrés sur parole.

Après ce sanglant prélude commença la bataille, dont l'issue fut si tragique (22 sept. 1396). Les Asabes composant l’avant-garde turque ne résistèrent pas à l'impétuosité de la cavalerie française; les Janis Charès eux-mêmes furent enfoncés, et lorsque dix mille d’entre eux couvraient déjà lé champ de bataille de leurs cadavres, le reste chercha un refuse derrière les sipahis; alors les Chevaliers français se précipitent avec une force invincible sur la cavalerie turque, dont cinq mille hommes sont tués. La victoire était aux Français s'ils avaient suivi l'avis du sire de Coucy et de l'amiral, qui conseillaient de faire halte, de remettre l'ordre dans les escadrons, et d'attendre l’infanterie hongroise. Mais dans l'emportement de leur imprudent courage et voyant les sipahis fuir devant eux, ils coururent et montèrent jusqu’au sommet d'une hauteur, où ils espéraient achever le reste de l’armée turque. Quel fut leur étonnement lorsqu'ils virent l’élite des forces de Bayezid, leur présenter une forêt de quarante mille lances. Au premier étonnement succéda une terreur panique, et à la valeur la plus emportée le découragement le plus complet. Tout s'enfuit ou se dispersa, la cavalerie de Bayezid coupa la retraite. L’amiral Jean de Vienne avait déjà fait un mouvement en arrière, lorsque, fidèle à l'honneur, il s’écria aux douze chevaliers qui l'entouraient: «Dieu nous garde de sauver notre vie aux dépens dé notre gloire, c’est ici qu’il faut se défendre ou mourir au champ d’honneur.» A ces mots, ils se précipitèrent ensemble sur les lances des ennemis, et moururent en chevaliers français. Le duc et vingt-quatre de ses compagnons furent pris: parmi eux étaient le prince Henri de Bar, les sires de Coucy et de la Trémouille. A mille pas seulement derrière les Français, l'armée hongroise était rangée en bataille. A l’aile droite étaient les Hongrois commandés par Étienne Lazkvich; à la gauche les Valaques sous les ordres de leur prince Mirtsche; au centre Hermann de Cilli avec les Styriens et les Bavarois, le palatin Gara et Sigismond en personne. Aussitôt que la témérité des Français se fut brisée sur le corps de l'armée de Bayezid, les deux ailes de Sigismond prirent la fuite: Étienne Lazkovich, ennemi secret, s'enfuit avec les Hongrois, et Mirtsche, allié infidèle, avec les Valaques. Le centre seul, les troupes fidèles du roi commandées par Gara, les Styriens sous Hermann de Cilli, et les Bavarois, sous l'électeur palatin, recueillirent les fuyards français, et au nombre de douze mille hommes marchèrent courageusement à l’ennemi. Déjà les janissaires étaient hors de combat, déjà les sipahis étaient à demi ébranlés, lorsque le despote de Servie, qui combattait dans les rangs de Bayezid, accourut à son secours avec cinq mille de ses vaillants soldats, et décida la victoire en sa faveur. Ceux qui suivaient la bannière de Sigismond furent taillés en pièces; les chevaliers styriens et tous les chevaliers bavarois ensemble tombèrent pour la défendre. Hermann de Cilli et le burgrave de Nuremberg entourèrent le roi, l’arrachèrent au combat et le mirent sur un bateau, où il monta avec l’archevêque de Gran et son frère Étienne de Kanischa; Hermann de Cilli et Nicolas de Gara, le palatin, les suivirent sur un autre barque, lis atteignirent heureusement avec le grand-maître des chevaliers de Saint-Jean la flotte réunie des croisés vénitiens et rhodiens qui mouillait à l’embouchure du Danube. Cette flotte les transporta jusqu’en Dalmatie, en passant par Constantinople et Rhodes.

Après la victoire, Bayezid campa devant Nicopolis et retourna ensuite contempler le champ de bataille. lorsqu’il vit le grand nombre de morts que son armée avait perdu, et qui se montait, dit-on, à soixante mille, il versa des larmes de rage, et jura de venger dans le sang des giaours le martyre que les musulmans avaient subi, soit dans la bataille, soit dans le camp français, lorsqu'on avait égorgé les prisonniers. L'ordre cruel fut donné de faire comparaître le lendemain matin tous les prisonniers devant le sultan. Dix mille furent traînés avec des cordes jusqu'en sa présence. Parmi eux se trouvait l’écuyer bavarois Schiltberger, jeune homme qui n'avait pas encore seize ans, et qui, échappé par miracle au massacre, a décrit fidèlement, de retour dans sa patrie, les horreurs de cette journée et les souffrances d’un esclavage de trente-quatre ans. Le sultan fit venir le comte de Nevers afin qu'il fût témoin de la vengeance épouvantable qu’il allait tirer des chrétiens, pour satisfaire aux mânes de ses sujets. Le prince demanda la vie pour lui et quelques-uns des siens : elle lui fut accordée ainsi qu’à vingt-quatre des principaux chevaliers. Alors fut donné l’ordre du massacre général. Chaque soldat prisonnier, témoin obligé de la mort de ses compagnons, dut les voir décapités ou assommés à coups de massue. Quand vint le tour de Schiltberger, qui avait déjà vu tomber les têtes de trois de ses compagnons d’armes, le fils de Bayezid fit remarquer à son père la jeunesse de l’esclave, car on n’exécutait personne au-dessous de vingt ans: il fut gracié et associé à d'autres jeunes gens. Sous ses yeux, cinq seigneurs bavarois, entre autres Jean Greif, furent traînés avec une corde. Greif s'écria d’une voix forte: «Adieu! nous versons notre sang pour la foi chrétienne, et aujourd'hui même, si Dieu le veut, nous serons des enfants du ciel.» Aussitôt sa tête roula sur la poussière avec celles de ses quatre compagnons. Le carnage dura sans interruption depuis le lever du soleil jusqu’à quatre heures du soir. Alors, les grands de l’État se jetèrent aux pieds du sultan et le prièrent de suspendre le massacre. La soif de vengeance du tyran était pour le moment assouvie dans le sang de tant de chrétiens; il laissa les autres à ceux qui les avaient fait prisonniers, après avoir choisi le cinquième qui lui appartenait: dans cette part se trouva Schiltberger. Les captifs réservés furent, avec le duc de Bourgogne et les vingt-quatre chevaliers, enfermés dans la tour de Gallipoli. Pendant qu'ils y étaient chargés de chaînes, le roi Sigismond passa sur les vaisseaux rhodiens, venant de Constantinople; les Turcs, dont les petits navires ne pouvaient rien entreprendre de sérieux contre la flotte des croisés, rangèrent leurs prisonniers comme en spectacle sur le bord de la mer, et crièrent au roi d'un ton railleur de venir les racheter. Cette ironie des ennemis n'était pas nécessaire pour engager l’honneur de Sigismond au rachat des chevaliers, ses alliés. En vertu d’un traité de subsides avec Venise, la république devait lui payer par an 7.000 ducats. Il consacra le versement opéré au commencement de l'année à racheter les chevaliers français. Les rois de France et de Chypre se réunirent à celui de Hongrie pour envoyer dans ce même but des ambassadeurs avec des présents. Lusignan envoya une salière d'or d'un travail merveilleux et 10.000 ducats en espèces; Charles VI, par les Hongrois, une volée de faucons norvégiens, la charge de six chevaux en écarlate, de la toile fine de Reims et des tapis d’Arras, sur lesquels étaient représentées les batailles d'Alexandre le Grand. Enfin, moyennant une somme de 200,000 ducats, les chevaliers furent mis en liberté à Brusa où ils étaient durement gardés près du palais du sultan. L'amiral de France avait péri dans la bataille, le connétable et le sire de Coucy étaient morts à Brusa en prison; mais le maréchal Boucicault et Guy de la Trémouille furent au nombre de ceux qui survécurent a leur captivité. Lorsque la rançon fut payée, le sultan congédia le comte de Nevers en lui disant: « Je te relève de ton serment de ne jamais porter les armes contre moi; si tu as de l'honneur, je te conjure, au contraire, de les reprendre le plus tôt que tu pourras, et de réunir pour me combattre toutes les forces de la chrétienté, tu ne peux me faire un plus grand plaisir que de me procurer une nouvelle occasion d'acquérir de la gloire.» Avant le départ des captifs étrangers, Bayezid, amateur passionné de la chasse, leur donna le spectacle d'une chasse au faucon, et les étonna par la magnificence de son cortège, qui se composait de sept mille fauconniers et six mille valets de chiens. Les fauconniers ont formé depuis Ion la masse du train de chasse du sultan; ils se divisaient en quatre classes: les chasseurs au faucon, les chasseurs au milan, les chasseurs au vautour, et les chasseurs à l'épervier. De leur côté, les valets de chiens (segbans) plus tard incorporés aux janissaires, formaient trente-trois régiments, sans compter les trois régiments des samsundschis (garde-dogues), des sagardschis (garde-bassets) et des lurnadschi (garde-cigognes). Leurs quatre commandants étaient récemment encore les quatre lieutenants-généraux de l’aga des janissaires. Selon nos idées militaires, leurs officiers supérieurs auraient été avilis; mais, d'après celles à l'ancien Orient, ils étaient, au contraire, honorés par des dénominations empruntées à la chasse, comme les bas officiers par celles empruntées à la cuisine. En effet, les vivres sou; le nerf de la guerre, et la chasse en est le plus noble prélude.

De Brusa, Bayezid fit remplir toute l’Asie de bruit de sa victoire. Les messagers, qui en portèrent la relation au sultan d’Égypte, aux princes de l'Irak arabe et persan, au khan des Tatares et aux dynasties d'Arménie, y joignirent pour preuve des esclaves pris dans la bataille, dont ils leur firent présent. C'est ainsi que le sultan d'Égypte reçut soixante page prisonniers, et parmi eux un magnat hongrois. La défaite de Nicopolis eut pour conséquent immédiate la prise de Mitroviz sur la Save (1393), et la première irruption dévastatrice des Turcs dans la Styrie. Bayezid s’y jeta dès le troisième jour après la bataille, pénétra jusqu’à Pettau, brûla entièrement la ville et emmena seize mil prisonniers. Le traître Lazkovich, qui, dans la bataille de Nicopolis avait, le premier, pris la fuite avec l'aile droite de l’armée, se chargea de l'irruption en Styrie. Il avait depuis lors négocié un mariage entre la fille de Bayezid et Ladislas de Naples, dans le but de placer celui ci sur le trône de Sigismond par le secours du sultan. Jean de Maroth battit, il est vrai, Posega, et fit retirer l'armée turque qui avait passé la Save, venant de Bosnie; mais les Turcs en ravagèrent pas moins toute la presqu’île située entre la Save, la Drave et le Danube, et des ruines des villes indiquaient seules l’ancienne prospérité du pays. Ils pénétrèrent aussi en Bosnie jusqu’à Zwornik, et, malgré la valeur de Mirtsch, sa résistance dans les forets de chênes de la Valachie, Ewrenos sut soutenir en ces lieux la puissance des Ottomans, établissant un camp retranché, ce qui maintint son importance et sa haute faveur auprès du sultan.

Alors Bayezid tourna ses regards du côté de Constantinople que ses troupes tenaient bloquée depuis la mort de Jean Paléologue, il y ait déjà vingt-cinq ans. Pour reprendre le fil historique des rapports de Byzance avec Bayezid, il faut remonter jusqu’à l’avènement de Manuel qui provoqua la colère de Bayezid et la demande d’une mosquée et d’un kadi à Constantinople. Chalcondylas et Phranzes racontent plus exactement que Ducas la circonstance qui donna lieu à une rupture plus éclatante entre sultan et son vassal l’empereur Manuel. Celui-ci, peu de temps après son avènement, parut à Serès, où le sultan demeurait alors, avec son frère Théodore et d’autres princes vassaux de Bayezid, ainsi qu’Étienne, despote de Servie, Constantin, fils de Thwarko et frère de Dragases, seigneur de la contrée située sur le Wardar Axios, et Paulus Marnas, seigneur d’Epidamnus ou Monembasia. Celui-ci, en préséance de Bayezid, accusa Théodore, frère de Manuel, de lui avoir enlevé sa ville de vive voce. La colère du sultan, déjà enflammée, fut encore excitée par Jean, fils d’Andronicus, qui servait â la porte du sultan comme seigneur de Selymbria, et qui n'avait pas oublié le traitement que son père et lui avaient subi. Le sultan, dans sa fureur, voulait tuer Théodore de sa propre main, au milieu d’une entrevue; cependant il se contint et abandonna ce soin à son vizir Ali-Pacha. Celui-ci, comblé de présents par Théodore, l’en récompensa plus tard par une mort violente. A celte conférence de Serès, Manuel et Constantin, fils de Thwarko, se jurèrent mutuellement de ne plus retourner à la porte du sultan. Pour gage de sa foi, Constantin promit sa fille en mariage à l'empereur de Byzance, à la place de la princesse de Trébizonde. veuve du Turc Alaeddin, que son père Jean Paléologue lui avait enlevée, quoiqu’il ne put se tenir debout, rongé par la goutte. Les conjurés se séparèrent ainsi pour retourner; Constantin dans son pays sur le Wardar, Théodore, frère de Manuel, dans le Péloponnèse, et Manuel lui-même à Constantinople. Le vizir Ali-Pacha revint devant les murs de la capitale, demandant à l’empereur d’aller faire son service à la porte du sultan. Il s’acquitta publiquement de sa commission, mais en secret il conseilla à l’empereur de se conformer en apparence et non par le fait à l’ordre de Bayezid. Celui-ci, voyant que Paléologue n’avait pas sérieusement l’intention de continuer ce service, reprit le siège de Constantinople, commencé avant la victoire de Nicopolis, et l'on serra la ville de plus près. La plupart des habitants murmurait et aimait mieux se livrer aux Turcs que de souffrir plus longtemps la faim. Bayezid, qui voulait enlever Selymbria à Jean, fils d’Andronicus, le recommanda aux habitants de Constantinople pour l’élire empereur â la place de son oncle Manuel; celui-ci, forcé de se soumettre, s'entendit, à l'insu de Bayezid, avec son neveu Jean; il promit, pourvu qu’on le laissât librement sortir, de lui céder le reste de l'empire byzantin, limité aux murs de la capitale affamée, et de se contenter du Péloponnèse. Il s’embarqua sur une galère, laissa son épouse et son jeune fils Théodore dans le Péloponnèse et partit de là pour aller, dans des voyages infructueuses, implorer des secours contre les Turcs à Milan, Gènes, Florence, en France et en Allemagne. Son neveu Jean régnait en attendant à Constantinople, et le premier exercice de son autorité obtenue par l'entremise du sultan fut d'accorder l'établissement d'une mosquée et d'un kadi à Constantinople, avec un tribut annuel de 10,000 ducats pour le sultan et dix poissons remplis d'or et d'argent pour le vizir Ali-Pacha, dont la vénalité retarda cette fois encore la chute de la capital. C'était la quatrième mosquée que tolérait la faiblesse des empereurs chrétiens depuis l'envahissement de l'islam dans les murs de leur métropole. Avant Bayezid, le calife Suleyman, le Seldschuk Ertoghrul, le Kurde Ssalaheddin avaient déjà demandé et obtenu le libre exercice du culte des musulmans par une mosquée consacrée à cet effet dans le sein de la capitale. Mais il étai réservé au sultan des Ottomans d'ériger à côté de la mosquée une mehkeme (cour de justice) et d'établir à côté de l'imam un kadi à Constantinople; il peupla même un faubourg de la ville d’une colonie turkmène venue de Bithynie, des bords de la mer Noire: ce furent les habitants de Koinik et de Jenidsche-Tarakdschi qui, â la chute de Bayezid, furent chassés avec l'imam, le kadi et tout ce qui leur appartenait, et se transportèrent à Kinikli, village bien connu encore aujourd'hui dans le voisinage de Constantinople.

Après avoir ainsi humilié l’empereur dans sa capitale, Bayezid poursuivit le cours rapide de ses conquêtes en Asie par son général Timurtasch, qui étendit sa domination au nord et à l'est, tandis que lui-même en personne poussait les masses ottomanes en Europe au sud et à l’ouest. Timurtasch s'empara de Kanghri ou Gangra, l'ancienne résidence des rois paphlagoniens, capitale de la Paphlagonie depuis le IVe siècle, située entre les deux petites rivières Schirinszu (eau douce) et Adschiszu (eau amère),qui se jettent dans l’Halys. Diwrigi, à deux jours de marche à l’est de Siwas, enfermée du côté de l'orient par la montagne Tschilschektaghi (montagne de fleurs, l’ancien Scædissus) et du côté de l'occident par la montagne d’Hasan (l'Antitaurus), se trouve à l’extrémité d’une vallée formée de rochers stériles, c'est l'ancienne Nicopolis, c’est-à dire ville à la victoire, bâtie par Pompée à l’endroit où il vainquit la première fois Mithridate. Devrende, à deux journées au sud de Diwrigi, limite du pays de Malatia, est adossée à une montagne qui s’ouvre pour donner passage au fleuve Akszu (eau blanche); Ia ville de Behens, avec un district du même nom, sur le chemin de Meraasch (l’ancienne Gemanica)  à Kaizarige (Césarée), est entourée de nombre jardins arrosés par un petit fleuve. Malais l'ancienne Melitène, non loin de l'Euphrate, sur les bords de la petite rivière Deir-Meszih (cloitre du Messie), qui, avec un autre cours d'eau, le Benarbaschi (tète des sources), arrose la magnifique promenade d'Uspusi, est fameuse par la grande bataille livrée entre Justinien et Chosroes-Nuschirwan, par la naissance du premier cid, le hèros Sid Albattal (le champion), et par la résidence de la dynastie des Danischmends. Enfin, la forteresse frontière de Kumach, dont le nom rappelle encore l'ancien nom du pays de Gumathène, sur les bords de l'Euphrate, une des plus forts places de l'empire ottoman, est aussi célèbre par la toile qui s'y fabrique, que la ville voisine Ersendschan, par ses brebis, et Baiburd par la beauté de ses femmes.

 Pendant que Timurtasch portait de ce coté ses étendards victorieux jusqu'à l'Euphrate qui avait été si longtemps la limite naturel des Romains et des Perses, Bayezid tombait sur la Grèce comme la foudre. L’évêque de Phokis, doublement traitre à sa patrie et à sa foi, invita à quitter son quartier de Karaferia où il construisait une mosquée, pour venir dans l'Hellade. Connaissant le goût du sultan pour la chasse, il lui dépeignait la Grèce comme une magnifique réserve peuplée de grues, réjouissante de verdure. Bayezid s'avança en Thessalie dont il occupa les villes principales: Venischehr, l’ancienne Larissa; Tirhala, autrefois Trikka, déjà connue sous ce nom par les guerres des Romains avec Philippe de Macédoine, et par les talents stratégiques de  Boemond et d'Alexis Comnène, qui, dans la défilé voisin, s'efforcèrent mutuellement de lui surprendre; Domakia (Domeniska), abandonnée par son seigneur le duc Kernaios, qui prit la fuite; Pavas (aujourd'hui Badradschik), dans une plaine à pied des montagnes locriennes; enfin Pharsale, appartenant comme Domakia à la famillie des Kernaioi. Pharsale, si fameuse dans histoire par deux batailles décisives, dans lesquelles Philippe, roi de Macédoine, fut abattu par Quinctius Flaminius et Pompée par César, tomba sans coup férir au pouvoir du conquérant. Ce fut aussi sans avoir à forcer d'obstacles que Bayezid, comme autrefois Alaric avec ses Goths, pénétra dans l’immortel défilé des Thermopyles, sans prendre la peine de tourner l’ennemi, comme les Perses l’avaient fait à l’égard des lacédémoniens et les Romains à l’égard des Macédoniens. La ville des Thermopyles, Seitun, (l’ancienne Lamia), autant illustrée par le siège de Philippe de Macédoine que par celui qu'Antipater y soutint dans la guerre appelée du nom de cette ville, ouvra ses portes avec toute la Phocide aux Barbares conduits par l'évêque grec. Ce prélat avait accusé auprès de Bayezid la duchesse Trudeluda, épouse de Delwos, duc de Delphes, d'entretenir un commerce illégitime avec le Grec Strates, d'opprimer horriblement les habitants, et d’en avoir fait périr plusieurs; son époux, issu du sang royal d’Espagne, était mort depuis peu, et l’amant était accusé d’avoir trompé la duchesse et plusieurs autres femmes par des enchantements et des artifices diaboliques. Il est possible que cette accusation ait déterminé la duchesse à aller au-devant du vainqueur avec des présents et sa fille nubile déjà fiancée, pour lui offrir ses trésors, son pays, sa fille et elle-même. Bayezid laissa à la mère la liberté de sa personne et de sa religion; mais il accepta avec plaisir la fille et la contrée, à laquelle il donna un gouverneur. Maître de la Doride, de la Locride et de la Phocide, le sultan confia la conquête du Péloponnèse à ses généraux Jakub et Ewrenos. Celui-ci parcourut l'ouest de la péninsule jusqu'à la pointe méridionale, et ravagea les cantons de Modon et de Coron; celui-là assiégea Argos, l’ancienne capitale du Péloponnèse. Il attaqua la ville à la fois par la droite et la gauche, et pendant que les habitants se portaient tous sur le premier point, trompés par le faux bruit que la place était prise de ce côté, les ennemis escaladèrent à la gauche les murs abandonnés par leurs défenseurs [juin 1397]. Les trésors de la ville furent pillés, et ses habitants au nombre de trente mille, devenus esclaves, furent transportés en Asie. En échange, Bayezid fit venir d'Asie en Europe des colonies turkmanes et tatares, suivant entièrement le système des conquérants asiatiques, qui, dès les plus anciens temps, ont regardé la translation de toute une ville ou de toute une population d'un bout de leur empire à l'autre bout comme le moyen le plus efficace de consolider leur pouvoir despotique. Déjà Darius avait transplanté les habitants des déserts de Barka, de Libye en Bactriane : les Pœoniens, d'Europe en Asie; les Miléniens de l’Asie Mineure à Suse en Perse; il avait aussi voulu transporter les Ioniens en Phénicie et les Phéniciens en Ionie. A son exemple, Bayezid fit passer les Turkmans du pays de Ssaruchan, des plaines de Mennen dans le canton de Philippopolis; d'autres vinrent des contrées asiatiques du Méandre, du Scamandre et du Kaistros sur les bords de l’Axios, en Europe; et les habitants de Therma furent poussés jusqu'à Zagora et Sofia.

Les historiens ottomans s'accordent tous à placer aussi dans la dernière année du VIIIe siècle de l’hégire (1397) la conquête d'Athènes, qu'ils nomment constamment eux-mêmes la ville des philosophes. Quoique elle n’ait été conquise d’une manière définitive que soixante ans plus tard par Mohammed II, on ne peut cependant pas plus contester pour cette ville que pour Thessalonique son occupation antérieure par les musulmans. Quels flots d’événements se pressent entre les premiers témoignages historiques du père de l’histoire, qui appelle les Athéniens les plus sages parmi les Grecs, et ceux de l’historiographe de l’empire ottoman, Seadeddin, qui ne peut refuser à leur cité le nom de ville des sages! Athènes, fondée par Cécrops, qui y transporta de Sais le culte de Neilh sous le nom d’Athéné; Athènes, dont les plus anciens habitants se vantaient d’être les seuls parmi les Grecs qui n'eussent jamais abandonné le sol paternel; qui, du temps d'Ilion, avait envoyé à sa conquête l'homme le plus capable d’organiser une armée, et avait fourni à Marathon les défenseurs de la liberté grecque; Athènes, où les descendants des Phéniciens, les Géphyrœens apportèrent l’écriture, et qui vit leurs petits-fils Harmodius et Aristogiton la délivrer de la tyrannie d’Hipparque, fils du tyran Pisistrate; Athènes deux fois conquise par les Perses, incendiée par Xerxès et Mardonius, subjuguée par les Spartiates, délivrée de ses trente tyrans par Trasybule, soumise aux Macédoniens après la bataille de Chéronée, ravagée du temps des Romains par Philippe, roi de Macédoine, avait fini à jouir longtemps encore d’une ombre de liberté grâce à cette fameuse décision par laquelle le sénat romain rendit l’indépendance à toute Grèce. Sous les empereurs romains, elle fut embellie par Hérodes Atticus et par Adrien même de nouveaux monuments d’architecture que détruisirent en grande partie plus tard les Goths sous Alaric. Mais avant que cette heureuse ville eût été la proie des Goths elle avait subi les dévastations du roi grec Philip de Macédoine; ce monarque impie avait ravagé le bois de Kynosarge, le Lycée et tout ce que pouvait reposer agréablement la vue; il avait abattu depuis les toits des maisons jusqu’a les pierres des tombeaux. Sous l'empire byzantin, la cité de Minerve fut un lieu de ralliement pour les flottes, et, après la division de cet empire, elle forma avec Thèbes un grand duché échu en partage à un noble bourguignon Othon de La Roche. De cette famille, elle passa par un mariage à celle de Gauthier de Brien. Ce prince, avec sept cents chevaliers, six mil quatre cents cavaliers et huit mille fantassins marcha contre les Catalans, qui le battirent complètement sur les bords du Céphissus, en Boétie. L’Attique et la Béotie restèrent en proie aux victorieux Catalans, qui, sous le titre de Grande société (de la rapine), furent pendant quatorze ans la terreur de la Grèce. Ils reconnurent enfin la souveraineté de la maison d’Aragon, et les rois de Sicile firent d’Athènes gouvernement ou fief. Après les Francs et Catalans, sur le trône du grand duché s’assis la famille italienne des Aciaioli, plébéiens á Florence, tout puissants à Naples, souverains absolues en Grèce : Athènes, ornée d’édifices, devint capitale d’un État qui s'étendit sur Thèbes, Argos, Corinthe et une partie de la Thessalie. A la seconde prise d’Athènes par les Turcs, par Mohammed II, le dernier prince de cette maison fut pendu d’après l’exemple que Timurtash avait donné à l’égard du prince de Karaman. La patrie de Solon et de Périclès, de Socrate d’Alcibiade, où, sous les portiques et dans les jardins de l’Académie, Platon, Aristote, Zénon, Épicure, enseignaient la sagesse avec tant charmes; où, sur la scène, Sophocle et Euripide savaient émouvoir les passions, Aristophane et Ménandre excitaient le rire de leurs concitoyens; où, du haut de la tribune, Eschine et Démosthène exercèrent le pouvoir de leur éloquence; la ville de Minerve et de Neptune, avec ses temples et ses académies, avec son Parthénon, son Panthéon, son Pandroson, son Erechthéon, avec les temples de Pallas Polias, de Thésée, de Thémis et d’Aphrodite, avec le Cynosarge et l'Olympion, avec l’Aréopage et le Pnyx, avec le Pirée et l’Acropolis,avec le Lycée, le Musée, l’Odéon et le Prytanée, avec le Poikile et les Propylées, avec le Gymnase, le Stade, avec le théâtre d’Hérode, avec les longs murs et les vastes salles, avec lare de triomphe d’Adrien, la Tour des vents, le monument de victoire de Philopappos, avec les cavernes de Pan et de Phœbus, avec l’Ilissus et la source d'Enneacrynos, avec les tombeaux de Thalès cl de Thémistocle; cet unique sanctuaire des sciences et des arts, en proie tour à tour aux incendies, aux déprédations, aux ravages des Barbares, des Perses, des Goths, des Catalans, tomba avec les débris de toutes ces grandeurs dans les mains d'autres barbares, qui, du moins, conservèrent les ruines de la ville des philosophes dans l'état où ils les avaient trouvées. Pendant ces événements, surtout après la perte de ces mêmes conquêtes dans le Péloponnèse, pendant qu’Ewrenos et Jakub souillaient le sol de la Grèce par les premières incursions turques (en supposant que cette expédition n’ait eu lieu qu’après la bataille de Nicopolis), l’empereur Manuel parcourait l’Europe, faisant entendre d’inutiles prières aux puissances chrétiennes, et son neveu, Jean, régnait alors dans l’enceinte de Constantinople; car la banlieue même de la ville, entourée par la grande muraille d’Anastase qui commençait à Selymbria, était tombée au pouvoir des Turcs avec cette dernière ville. Les Turcs étaient logés dans l’intérieur de ces longs murs, et des colons turkmans établissaient leur demeure dans les faubourgs de la capitale, et, dans le sein même de Constantinople, l’imam priait dans sa mosquée, le kadi siégeait sur son tribunal.

Ainsi s’écoulèrent quelques années dans le calme de la honte. Pendant ce temps, dit l’historien Docas, Bayezid se tenait â Brusa, où ne lui manquait aucune jouissance: animaux de forme extraordinaire, métaux précieux, tout ce que Dieu a créé dans ce monde pour satisfaire la vue, tout se trouvait dans ses palais. Des esclaves des deux sexes, choisis entre des milliers pour leurs grâces et leur beauté, se tenaient sans cesse autour de lui. Il y avait des Grecs, des Valaques, des Servians, des Albanais, des Hongrois, des Saxons, des Bulgares et des Latins, qui tous devaient chanter dans leur langue, selon sa volonté; pour lui, au milieu de cette foule, il se livrait sans cesse à la volupté dans les bras de ses femmes. Tout à coup il fut tiré de ce sommeil de l’indolence par un message de Timur, dont le nom remplissait alors le monde. Bayezid crut l’effrayer par une réponse insultante; et arrêter sa marche en allant conquérir Ersendschan en Arménie (1400). Ensuite il revint à Brusa, puis franchissant l’Hellespont, de sa résidence d’Andrinople, il fit dire à l’empereur Jean : «Quand j’ai jeté ton prédécesseur Manuel hors de sa ville, ce n’était pas dans ton intérêt, mais dans le mien. Si tu veux rester notre ami, quitte la place et je te donnerai le gouvernement qui te plaira; si tu refuses, je jure par Dieu et son prophète, que je n’épargnerai personne, et que vous serez tous exterminés». Les Byzantins, s’étant pourvus de vivres pour un long siège, firent à l’ambassadeur cette réponse pleine d’une confiance toute chrétienne: «Allez dire à votre maître que faibles comme nous sommes, nous ne connaissons nulle puissance à laquelle nous puissions avoir recours, sinon à Dieu, qui soutient les faibles et abat les forts. Maintenant que le sultan fasse ce qui lui plaira». Macs la conquête d’Ersendschan et le massacre de Siwas, empêchèrent la poursuite du second siège dont les Byzantins étaient menacés, et Bayezid courut d’Europe en Asie où se roulaient les flots de Tatares qui allaient l’emporter.

 

 

LIVRE VII.

Histoire de Timour. — Ses expéditions contre les Gètes, le Khuarezm, le Khorassan et contre Tokatmisch; contre la Perse, l'Inde, la Syrie et contre Bayezid — Massacre de Siwas. — Echange d’ambassades entre Timour et Bayezid. — Bataille d'Angora. — Captivité du sultan.