THE FRENCH DOOR |
HISTOIRE DES CAROLINGIENS
SECTION SECONDE ORGANISATION POLITIQUE DU
ROYAUME DES FRANCS.
1.
DE LA ROYAUTÉ.
Nous avons déjà vu que la
royauté était chez les Francs une institution ancienne, remontant au berceau de
leur union politique. Les noms de Theodomer, de Marcomir, de Pharamond, de Chlogion ou Chlodion peuvent sembler appartenir plutôt aux traditions nationales qu’à
l’histoire proprement dite; mais l’existence de Childeric est constatée de manière
indubitable; Mérovée aussi doit avoir vécu, puisque son nom s’est perpétué en
devenant celui de la première dynastie. Dans le principe, cette royauté se
présente telle que Tacite l’a définie: Germani reges ex nobilitate sumunt. Cela est tellement vrai que la famille des rois
chevelus paraît avoir été la seule réputée noble parmi le Francs. Elle fut pendant
des siècles considérée comme ayant seule le droit d’occuper le trône, enfin,
pour nous servir d’une expression moderne, comme la famille royale légitime.
Il fallut une révolution et un pouvoir autorisé par le droit pour lui
substituer, en 752, une dynastie nouvelle.
Après la conquête, l’état
social des provinces romaines de la Gaule se trouva compliqué de trois éléments:
la société romaine des anciens habitants du sol, la société germanique des
conquérants, la société chrétienne ou l’Église embrassant les deux autres. L’élément
romain perdit bientôt son importance politique, tout en conservant son
influence morale et civilisatrice; en Belgique cet élément était nul, malgré
l’existence de quelques villes romaines, dont l’organisation municipale avait
fait place à un régime nouveau. L’opinion de Savigny, que le régime municipal
romain s’était maintenu dans les villes, a trouvé beaucoup de contradicteurs;
elle est aujourd’hui à peu près abandonnée. Il est certain que dans le nord de
la Gaule et sur les bords du Rhin, ce régime disparut entièrement après
l’occupation des Francs.
Le caractère de la royauté
était essentiellement germanique. Le roi était le chef d’une grande association
d’hommes libres, tous possesseurs de terres et guerriers. La première invasion
des Francs dans le nord de la Gaule avait été celle d’une bonne partie de la
population abandonnant ses foyers pour en chercher de meilleurs. Le territoire
conquis s’était annexé à la patrie primitive où une autre partie de la population
était restée. Mais les irruptions qui eurent lieu sous Childeric et sous
Chlovis furent, comme nous l’avons déjà dit, des expéditions de bandes
guerrières, unies par les liens du compagnonnage et conduites par le roi
lui-même. Les conquêtes de ces bandes se faisaient pour le chef; le pays
conquis lui appartenait, sauf les parcelles distribuées à ses compagnons d’armes,
qui tous obtinrent des espèces de seigneuries. Le roi était propriétaire du
reste du territoire; c’est ce qui explique la possibilité de faire tant de donations
aux églises épiscopales et aux monastères. Quant aux anciens habitants, ils
devinrent tributaires des maîtres du sol, à l’exception d’un petit nombre de romani possessores qui, par privilège ou par grâce,
conservèrent leurs propriétés, et d’un plus petit nombre encore de convivoe régis que le prince, en les
admettant auprès de sa personne, couvrit de sa protection.
Vis-à-vis des anciens
habitants, devenus sujets et soumis à l’impôt, le pouvoir du roi était tout
autre qu’à l’égard des Francs. Ceux-ci jouissaient de la liberté politique la
plus étendue; ils étaient exempts de tout impôt direct, et ne pouvaient être
jugés que par leurs pairs, soit dans le plaid de leur gau ou pagus, soit dans le grand placite national. La charge qui leur incombait était le service militaire, car le
royaume des Francs était un État en même temps militaire et aristocratique.
Quoique le roi eût nominalement un pouvoir souverain, l’exercice de ce pouvoir
dépendait de l’assentiment de ce que nous appellerons l’élite de la population
franque, surtout lorsqu’il s’agissait de guerres à entreprendre contre les
peuples voisins. Le pouvoir du roi, assez étendu relativement aux Gaulois,
était limité de droit et de fait à l’égard des Francs: de droit, par les placites généraux auxquels tous les hommes libres
pouvaient assister.—Ils étaient même obligés d’y assister, au moins une fois
l’an, quand se tenait la grande assemblée du champ de Mars, qui était, dans les
pays conquis, une sorte de revue militaire où chacun devait apporter un don au
roi.—De fait, le pouvoir royal était limité par l’influence des hommes les plus
puissants, les plus considérés du royaume, de ceux enfin qu’on distinguait
sous les noms de proceres, optimates,
principes, seniores. Au nombre de ces
seigneurs se trouvaient aussi, mais en petit nombre, des hommes d’origine
gallo-romaine, les uns à titre de convivio regis, les autres comme grands propriétaires, comtes,
etc.
Malgré ces restrictions, les
rois mérovingiens n’avaient pas seulement le règne; ils étaient les chefs
effectifs du gouvernement de l’État. Ils exerçaient leur pouvoir de deux
manières, suivant la nature des affaires: ou avec le concours du peuple franc,
c’est-à-dire des membres du placite général,
ou par l’intervention des fonctionnaires de la cour. Au placite général on rendait la justice civile et criminelle dans les causes déférées à
cette haute juridiction; on y traitait aussi de la guerre et de la paix, des
alliances avec les nations étrangères et d’autres affaires d'intérêt général.
Les fonctionnaires de la cour, qui formaient le conseil du roi, étaient
chargés, selon les circonstances, de toutes sortes de missions. M. Guizot a
dit avec raison: «La puissance des rois était variable et déréglée, aujourd’hui
immense, demain nulle, souveraine ici, ignorée ailleurs, presque toujours et à
peu près partout en guerre avec ceux sur qui elle devait s’exercer»
Les empereurs de
Constantinople, en reconnaissant le pouvoir de Chlovis et de ses fils, le légitimèrent
vis-à-vis des populations gallo-romaines. Le caractère de la royauté se trouva
en quelque sorte modifié par cette reconnaissance, et plus d’un successeur de
Chlovis voulurent en tirer avantage pour soumettre les Francs à l’impôt, comme
leurs sujets gaulois. On explique en partie par ces tentatives les luttes
sanglantes du sixième siècle. Il y a cependant de l’exagération dans ce que dit
M. de Lasteyrie: «Cette royauté formidable plane sur
la société comme l’oiseau de proie dans les airs; elle spolie pour s’alimenter,
et tue pour spolier. Là s’arrête son action: elle n’administre ni ne gouverne;
elle n’est maîtresse que du point qu’elle occupe en personne; elle n’est
maîtresse que de l’acte du jour». Nous pensons qu’une pareille royauté n’aurait
pas été respectée par les Francs et tenue pour inviolable. M. Pertz nous paraît être beaucoup plus près de la vérité,
lorsqu’il dit que les Gaulois et les Romains trouvaient dans le prince un
protecteur contre leurs ennemis du dedans et du dehors. Mais il est vrai aussi
qu’ils payaient cher cette protection: des contributions étaient établies sur
leurs biens tant civils qu’ecclésiastiques; ils payaient en outre la capitation
pour eux-mêmes et pour leurs esclaves; des droits se percevaient le long des
routes, sur les fleuves et dans les ports; la justice rapportait des sommes
considérables, ainsi que les corvées, les impôts extraordinaires et les
exactions, fruits de la violence. Ce ne fut pas assez pour les rois, dit M. Pertz, d’entrer en possession de plusieurs centaines de
domaines les plus productifs et les plus considérables ; ce ne fut pas assez
d’être par là même les plus riches propriétaires des Gaules, ils s’arrogèrent encore
sur tous les Gaulois,—à l’exception de ceux que d’autres Francs avaient réduits
en servitude,—les droits les plus étendus qu’un roi, qu’un maître puisse
exercer. A l’exemple des Romains, ils établirent des juges et des gouverneurs,
levèrent des impôts, érigèrent leurs volontés en lois.
On conçoit que le caractère
de la royauté germanique ait dû s’altérer, même à l’égard des Francs, sous
l’influence de cette situation; mais ce qui y contribua le plus, ce fut la
doctrine chrétienne du pouvoir royal, telle que l’enseigne le Vieux Testament,
où ce pouvoir est à la fois oriental, autocratique et de droit divin. Cette
doctrine triompha promptement chez les Visigoths et imprima à leur gouvernement
un caractère théocratique; elle ne réagit pas avec autant de facilité sur
l’état politique du royaume des Francs, quoiqu’elle fût assez ouvertement
proclamée sous Charlemagne.
2.
DES LEUDES.
Tous les historiens, depuis
Montesquieu ont pensé, que les leudes formaient une classe particulière
de sujets du roi, et que les plus éminents des antrustions étaient compris dans
cette classe. On considérait les leudes comme des hommes de guerre liés
au roi par des concessions de bénéfices, c’est-à-dire d’usufruits révocables ou
viagers. Ils prêtaient, croyait-on, un serment particulier appelé leudosamum ou juramentum fidelitatis; c’était avec leurs leudes respectifs
que les rois d’Austrasie et de Neustrie se faisaient la guerre. Les royaumes
mérovingiens étaient donc, selon celte opinion, des États féodaux, comme plus
tard ceux des Carolingiens; le pouvoir du roi ne reposait que sur l’assistance
des vassaux. Les plus haut placés parmi eux étaient les antrustions,
chefs militaires ayant des sous-vassaux; un serment plus sacré encore que celui
des autres leudes liait les antrustions au roi, qui les
favorisait aussi d’une protection spéciale. Le reste des hommes libres était
compris sous la dénomination de fideles. Une
troisième classe, plus puissante que les deux autres, était celle des proceres, si souvent mentionnés dans les historiens
francs et dans les chroniqueurs.
M. Guérard a tâché de prouver la vérité de ce système, dans son commentaire sur le
polyptique d’Irminon. «Le roi, dit-il à la fin de son
résumé, était donc le roi de ses fidèles, le seigneur de ses leudes, le
protecteur de ses antrustions et le premier des proceres».
M. Waitz lui-même s’est prononcé dans le même sens.
II est assez étonnant que M. Guérard n’ait pas
découvert la vérité; il doit cependant l’avoir entrevue, car tous les documents
historiques qu’il cite sont contraires à son opinion.
Un autre auteur allemand, M.
Roth, aujourd’hui professeur de droit germanique à l’université de Marbourg, a
complètement renversé cette théorie de la constitution politique des royaumes
mérovingiens. Dans un livre devenu célèbre, il a prouvé que tout le système
généralement adopté depuis Montesquieu est erroné. Les rois donnaient, à la
vérité, des biens en bénéfice ou jouissance usufruitière, mais non sous la
condition de vassalité. Les bénéfices de ce temps n’étaient autre chose que des
concessions de l’espèce connue sous le nom de precaria;
ils ne se donnaient pas seulement aux guerriers, pour les récompenser de
services militaires, mais encore à d’autres personnes qu’on voulait rémunérer,
et aux églises. Ensuite les rois faisaient d’autres libéralités bien plus
considérables, ils faisaient des donations de terres en toute propriété. C’est
surtout par ces derniers actes qu’ils appauvrissaient leur fisc.
D’un autre côté, il existait
sous le nom de commendatio ou commendatio in mundeburdium,
un lien spécial unissant des personnes subordonnées à une personne supérieure,
et dont le but était de placer les premières sous la protection de celle-ci. A
cause de ce rapport, on donnait le nom de senior au supérieur, qui
pouvait être un homme libre quelconque, une église, un monastère ou même le
roi. Ce dernier naturellement ne manquait point de commendati.
La commendation n’était qu’un lien personnel;
elle imposait aux personnes commendées l’obligation de soutenir leur seigneur; mais elle n’équivalait point à la
vassalité des temps carolingiens, même lorsqu’elle impliquait le devoir de
défendre le seigneur militairement. Elle n’était pas basée sur la concession
d’un bénéfice, quoique semblable concession pût être faite an commendé. Espèce de développement de l’ancien
compagnonnage, la commendation renfermait bien
le germe de la féodalité du neuvième siècle; mais elle ne constituait point un
état de vassalité. Au nombre des personnes commendées se trouvait toute la classe des antrustions. Ceux-ci étaient dans un rapport
intime avec le roi; ils étaient sous sa protection spéciale, soit qu’ils
fussent guerriers ou non. On trouvait même des antrustions qui
n’étaient pas de condition libre.
C’était donc une erreur que
de supposer une classe de leudes formée des possesseurs de bénéfices, et
de croire ceux-ci attachés au roi par un serment prêté au moment de la commendation. Les leudes n’étaient pas
distincts des sujets du roi compris sous le nom de fideles;
les deux mots sont synonymes, et il n’y avait pas de serment particulier pour
les leudes, sauf celui des antrustions. Fidèles et leudes,
ces qualifications s’appliquaient à tous les Francs établis sur le territoire
de l’un ou de l’autre des rois; de sorte que les leudes de l’Austrasie
étaient ceux qui avaient leur domicile dans les limites de cet État, comme ceux
de la Neustrie ou de la Bourgogne étaient tous les hommes libres habitants de
ces royaumes. Les antrustions seuls formaient une classe spéciale,
composée d’hommes haut placés et plus intimement attachés à la personne du roi.
Le serment de fidélité devait être prêté par tous; celui des antrustions seul
avait un caractère particulier.
3.
DU GOUVERNEMENT.
Dès le principe, le royaume
des Francs se distingua des autres États fondés par les Barbares sur le territoire
romain, par une organisation bien réglée. On a cru qu’ils l’avaient empruntée
aux Romains, avec lesquels ils avaient eu des rapports pendant plusieurs
siècles; mais cette organisation est trop différente de celle de ce peuple,
pour qu’il soit possible de la considérer comme une imitation. Elle a, au
contraire, un caractère germanique si prononcé qu’on y reconnaît le
développement naturel de l’état social primitif des Germains, tel que Tacite
l’a décrit. L’organisation politique des Francs est aujourd’hui généralement
connue. Si nous croyons néanmoins devoir en donner un aperçu, ce n’est qu’afin
de marquer exactement la place qu’y occupaient les maires du palais, dont l’histoire
est celle des ancêtres des Carolingiens.
On peut, suivant nous,
considérer le royaume des Francs comme l’union d’un grand nombre de
confédérations cantonales. C’est dans le canton appelé pagus, qu’il faut
chercher la base de l’ordre politique. Cette base est large et peut être
qualifiée de démocratique, en ce sens que le canton était l’association
politique et juridique des hommes libres, propriétaires du territoire. Nous
devons cependant reconnaître que le mot pagus n’a pas toujours cette
signification technique, puisque souvent il sert à désigner une contrée plus
ou moins étendue. Il est probable que primitivement c’était le sol natal d’une
tribu ou d’une fraction de tribu. Mais le pagus proprement dit est le
territoire habité par une population politiquement unie et soumise au pouvoir
juridique d’un chef.
L’homme libre, qui peut se
comparer à l’ancien civis romanus optimo jure, était
membre actif de son canton, jouissant de tous les droits attribués aux
payeuses. Il était propriétaire ou seigneur d’une portion de territoire et
chef de sa maison, château ou burg, chez les Saliens, de sa Sala. Toutes
les personnes non émancipées de sa famille étaient sous sa mainbournie (mundeburdium). Le sol et les serfs employés à sa
culture étaient protégés par la gewere du
maître, qui avait le droit de les défendre tant par les armes que devant le
tribunal du pagus. La défense de soi-même était l’attribut de tout homme
libre; ce droit s’exerçait par la faida, c’est-à-dire par la guerre
privée.
Le royaume des Francs était
donc une fédération de seigneurs fonciers, propriétaires armés. II conserva ce
caractère, même dans les provinces gallo-romaines, parsemées de villes; chacune
de ces villes devint, comme toute autre fraction de territoire, la propriété
soit du roi, soit d’un seigneur franc quelconque. On conçoit que sous ce
régime, le chef de l’État ne fût pas roi dans le sens qu’on a attaché plus tard
à ce mot; il n’avait rien moins qu’un pouvoir absolu. Cependant il donnait des
chefs aux payeuses qui, dans les temps primitifs, avaient le droit de les élire
en assemblée générale. Ces chefs, appelés principes par Tacite, portèrent
dans la monarchie franque le nom de comites, rappelant qu’ils étaient
compagnons du roi. Leur titre germanique de grafen ou graven n’est pas encore bien expliqué.
Les villes d’une certaine
étendue avaient chacune leur comte particulier; mais la plupart n’étaient que
la résidence du comte du pagus dans lequel elles étaient situées. Les
comtes centralisaient le gouvernement cantonal; ils étaient investis de tous
les pouvoirs nécessaires à cet effet, c’est-à-dire du pouvoir judiciaire, de
la police, de l’autorité militaire et de l’administration des finances, car
c’est par leurs mains que les revenus royaux étaient transmis à la cour.
Cependant ils étaient aussi peu maîtres absolus dans leurs pagi que le
roi dans son royaume. Toutes les affaires ou presque toutes étaient traitées
dans les assemblées cantonales. On y rendait la justice et l’on y délibérait
sur les intérêts généraux de toute espèce. Plus tard ces assemblées, auxquelles
on avait donné le nom de placita, furent
tenues dans chaque circonscription de centenier.
Le centre de l’union
politique de toutes ces fédérations était le roi, chef de l’État, exerçant son
pouvoir, comme nous l’avons déjà dit, avec le concours du placite général, au moins dans les grandes affaires. Les autres agents du pouvoir
étaient les fonctionnaires de la cour. Le roi avait d’abord pour le service de
sa maison quatre ministeriales principaux: c’étaient le sénéchal, chef des
serviteurs employés dans l’intérieur du palais; le maréchal, directeur des
écuries royales; le trésorier appelé aussi camerarius ou cubicularius, administrateur des finances
et des domaines du roi, chef d’un nombre plus ou moins grand de camerarii subordonnés; enfin le penarius ou chef de la dépense royale, et le pincerna ou buticularius, fonctionnaire de moindre
autorité. Sous eux se trouvait un nombre infini d’employés subalternes dont il
est inutile de parler. Il arrivait parfois que l’un ou l’autre des principaux
ministeriales fût chargé de quelque affaire concernant le gouvernement de l’État,
mais c’était exceptionnellement. Il y avait pour cet objet à la cour d’autres
fonctionnaires dont nous allons nous occuper.
Les fonctionnaires
spécialement employés à la direction des affaires d’État étaient le referendarius, le comes palatii, les domestici et le major domus. Le référendaire,
ordinairement un ecclésiastique, était garde des sceaux, chargé de la rédaction
et de l’expédition de tous les actes juridiques émanés du roi. Il avait sous
ses ordres le cancellarius ou chancelier,
premier chef de l’expédition, lequel conférait avec le public derrière une
grille, et puis un certain nombre d’écrivains ou de copistes appelés notarii, scriptores, commentarienses, amandenses,
etc. Le comte du palais n’était pas, dans la période mérovingienne, un
personnage de haute importance; cependant on le trouve nommé dès le
commencement de cette période. Il assistait le roi dans l’administration de la
justice à la cour, sans cependant qu’il pût, comme il arriva plus tard, le
remplacer ou représenter. Souvent il était chargé des ordres du roi. Plus
d’une fois cet emploi fut supprimé ou passa dans les mains du maire du palais, major domus,
auquel il finit par rester subordonné.
Les fonctions les moins
connues sont celles des domestici, qui étaient
souvent des personnes de haut rang. On pourrait les comparer à des officiers
sans fonctions spéciales, agents royaux en service extraordinaire. Peut-être
le titre de domestique s’appliquait-il en général à tous les officiers de la
maison du roi qui n’avaient pas de charge particulière. Ils étaient quelquefois
envoyés dans les comtés, pour régler certaines affaires. Vers la fin des
Mérovingiens on ne les voit plus figurer nulle part; ils semblent avoir
disparu.
Les maires du palais, dont il
nous reste à parler, exigent une attention particulière; leur histoire
s’identifie avec celle des premiers Carolingiens; elle forme ainsi une partie
essentielle de notre travail.
4.
DE LA MAIRIE DU PALAIS.
Il n’est pas de sujet dans
l’histoire des Francs qui ait été traité, depuis près d’un demi-siècle, avec
autant de zèle que l’histoire des maires du palais. Les plus célèbres
historiens de l’Allemagne, entre autres MM. Pertz, Luden, et très récemment M. Waitz,
s’en sont occupés. Deux dissertations académiques sur le même sujet ont été
couronnées, l’une de M. Zinkeisen, publiée en 1826,
l’autre de M. Schoene, publiée en 1836. Celle-ci
contient une critique minutieuse des travaux antérieurs, qui étaient eux-mêmes
des traités critiques, notamment ceux de MM. Zinkeisen et Pertz.
Les principaux points à
éclaircir dans l’histoire des maires du palais sont l’origine et le caractère
primitif de leurs fonctions, les changements survenus dans leur position, et
les causes qui ont fait de leur charge la première place du royaume. Ces
questions ont donné lieu á divers systèmes. Selon l’opinion reçue avant M. Pertz, le maire du palais exerçait dans le principe des
fonctions économiques très inférieures; on le comparait à un chef de serfs,
comme il y en avait dans les domaines des grands propriétaires fonciers, ou à
un villicus major, directeur de
l’exploitation agricole et des travaux domestiques. Ces fonctions étaient
ordinairement remplies par un homme non libre. On supposait que les rois
mérovingiens avaient un employé semblable dans leur palais pour cette partie de
l’administration économique: ce fut, disait-on, à force d’intrigues que cet
officier parvint à étendre son influence et à élever sa position. Favorisé par
les événements et par les révolutions intérieures du palais, il finit par
devenir le chef du royaume et détrôna la maison régnante.
M. Pertz a adopté, en grande partie, celte opinion, à l’appui de laquelle il s'est
efforcé de produire des preuves historiques soigneusement recueillies. Mais
déjà M. Luden avait émis des doutes sur son exactitude.
Il lui semblait impossible qu’un officier d’origine aussi vulgaire eût jamais
pu s’élever au poste le plus éminent de la monarchie. Selon lui, le maire du
palais dut être dès le commencement un fonctionnaire supérieur de la cour; il
pense que c’était le surintendant des domaines royaux, chargé de surveiller les
concessions bénéficiaires. Quant aux preuves de cette théorie, M. Luden n’en a guère su produire, et M. Zinkeisen,
son élève, a démontré qu’il n’y en avait pas de convaincantes.
Ce dernier auteur tâche
d’assigner aux maires du palais une autre place dans la hiérarchie politique.
Il les considère comme les suppléants des rois, si souvent absents par suite de
leurs nombreuses expéditions guerrières. Le maire du palais aurait été, dans
certains cas, régent du royaume, subregulus,
comme effectivement on l’appelle quelquefois; il aurait alors commandé à tout
le personnel de la maison royale, et aurait été nécessairement le suprême
administrateur ou surintendant du fisc. Celui qui occupait une aussi haute
position devait nécessairement avoir la plus grande influence sur le gouvernement
et la marche des affaires politiques. On conçoit que sa place fût un objet de
recherches envieuses de la part des grands et des hommes les plus puissants;
mais elle devait être aussi un sujet de crainte pour toute l’aristocratie
franque. C’est pour se délivrer de cette crainte, que l’aristocratie elle-même
imposa aux rois ceux auxquels elle désirait que les importantes fonctions de
maire du palais fussent confiées.
Le système de M. Zinkeisen a rencontré peu d’adhérents. La plupart des
auteurs sont restés attachés à l’opinion commune, qu’on a cherché seulement à
épurer pour la rendre plus admissible. Nous la trouvons encore développée avec
un grand talent par M. Waitz. Celui-ci a cependant
trouve des contradicteurs dans MM. Roth et Schoene.
En somme, malgré tout ce qu’on a écrit sur la nature et l’origine de ces
fonctions, il est bien difficile de trouver pour le maire du palais une place
spéciale dans la hiérarchie politique des Francs. Les travaux agricoles
étaient dirigés dans chaque domaine par un villicus;
l’administration supérieure, ainsi que la surintendance des bâtiments étaient
confiées au trésorier-chambellan; la direction des employés au service de la
cour appartenait au sénéchal: quelles fonctions aurait donc exercées le maire
du palais?
Nous avons vu que parmi les
hauts dignitaires de la maison royale figuraient les domestici,
que nous avons qualifiés de fonctionnaires sans charge déterminée: ne se
pourrait-il pas que le premier de ces dignitaires eût reçu le nom ou le titre
de major domus? Les deux mots qui composent ce
titre s’interprètent ainsi naturellement. Le maire du palais fait partie de la
maison du roi, donc il est domesticus; et
comme il est le premier des dignitaires auxquels on donne ce nom, il prend le
titre de major domus regiae.
Ce rang et cet emploi ont dû toujours et nécessairement être donnés au plus
capable des domestici, à celui d’entre eux
qui pouvait, par ses conseils et son intelligence des affaires, rendre le plus
de services au souverain. Par cela même ce haut dignitaire devait gagner
l’entière confiance du prince et devenir ce que les maires du palais furent
réellement dès la fin du sixième siècle, le premier ministre de la couronne.
Si l’on trouve cette
explication trop conjecturale, parce qu’il est difficile de l’appuyer sur des
preuves parfaites, il s’en présente une autre, déjà émise par M. Léo et qui, en
dernier lieu, a été chaudement défendue par M. Schoene et adoptée par M. Zoepfl. Ces auteurs pensent que le major domus n’était autre que le sénéchal: la plupart
des renseignements qu’on a sur ses fonctions, lorsque son nom commence à se
rencontrer sous la plume des historiens, nous le représentent comme remplissant
les fonctions de sénéchal, tandis qu’il n’est plus fait mention de celui-ci
parmi les officiers supérieurs de la cour. Le sénéchal avait, comme nous
l’avons déjà dit, la surintendance sur les officiers attachés au service
personnel du roi: or c’est précisément cette charge que le maire du palais
semble avoir occupée dans le principe. Il était en même temps fonctionnaire
économique, en ce sens que la direction des affaires courantes de la cour
dépendait de lui; en un mot, il était ce que serait aujourd’hui un grand
maréchal du palais, chef de la maison du roi, auquel tout le personnel de la
cour serait subordonné.
Cette position devait le
mettre en relation intime non-seulement avec le roi, mais encore avec la reine;
ce que M. Schoene considère avec raison comme très
important, car la reine, chez les Francs, avait le gouvernement économique de
la maison royale. On conçoit, s’il en était ainsi, la grande influence que les
maires du palais durent acquérir, surtout sous le gouvernement des
reines-mères, auxquelles leurs conseils étaient nécessaires, et qui ne les
choisissaient que parmi leurs favoris. Cette explication semble donner la clef
des progrès extraordinaires que fit le pouvoir des maires du palais pendant les
longs règnes de Frédegonde en Neustrie et de
Brunehilde en Austrasie. Les rois, qui étaient le plus souvent mineurs, même
enfants, avaient besoin d’un directeur ou d’un régent officiellement constitué:
qui donc aurait pu occuper celte haute position, sinon le maire du palais qui
avait la confiance de la reine?
Tout cela s’accorde avec le
témoignage de l’histoire, qui à partir de l'époque dont il s’agit ne fait plus
mention d’un sénéchal supérieur, mais seulement de sénéchaux subordonnés. Le
premier, devenu major domus, est désigné sous
ce titre, plus conforme au rang et à l’autorité dont il est revêtu. Cependant,
pour ce qui concerne les maires du palais de la maison de Pépin, ce n’est pas,
comme l’a très-bien fait remarquer M. Schoene, à
leurs fonctions qu’ils durent la grande puissance dont ils jouirent; c’est à
leur valeur personnelle et à leurs talents comme hommes politiques. Ce qui est
vrai, c’est qu’ils surent tirer parti de leurs fonctions pour devenir les véritables
chefs du gouvernement, les rois de fait. Cette idée avait déjà été émise par Lehuërou; M. Schoene l’a
développée et mieux établie.
Après le travail de M. Schoene, parut à Berlin, en 1858, une dissertation
inaugurale en latin, sous le titre: De dignitate majoris domus regum Francorum a
romano sacri Imperii cubiculi preposito derivata. Cette dissertation d’un jeune Berlinois nommé
H. Ed. Bonnell est dirigée contre M. Schoene, qui,
suivant lui, n’a fait que développer les idées de M. Roth (Beneficial-wesen), et ne les a aucunement démontrées. Le jeune
savant a réuni une foule de fragments d’auteurs où il est parlé du Praepositus sacri cubiculiet de ses fonctions, qui étaient les mêmes,
sous bien des rapports, que celles des maires du palais; mais il ne prouve pas
que la dignité de ces derniers fût une transformation de celle du premier.
C’est pourquoi l’essai de M. Bonnell ne nous paraît d’aucune importance; il ne peut
être mis en parallèle avec les fructueuses recherches de M. Schoene ni en amoindrir les résultats.
Il y a néanmoins des auteurs
qui attribuent au major domus une origine
romaine. Lehuërou le compare au curopalate des
empereurs byzantins; d’autres aux paefecti praetorio. Eichhorn pense que le titre de major domus dérivait de celui de comes domesticorum de l’empire. M. Philipps croit que
ce titre était romain, et non la charge qui lui paraît tout à fait germanique.
Toutes ces conceptions ont été réfutées. En dernier lieu encore, M. Schoene a démontré combien peu elles étaient fondées.
MM. Pertz, Zinkeisen et surtout Waitz ont cherché à déterminer les pouvoirs légaux dont les maires du palais étaient
investis dès avant l’époque de leur grande puissance. Ils ont représenté ces
hauts dignitaires comme ayant été tout à la fois présidents du tribunal
suprême du roi, en l’absence de celui-ci, hauts administrateurs du fisc,
distributeurs des bénéfices, régulateurs des impôts et chefs de l’armée. M. Schoene a prouvé qu’ils n’étaient pas chargés de toutes ces
fonctions: faisant partie de la classe des grands (optimates), ils
siégeaient quelquefois en cette qualité dans les placita,
et signaient les actes de donation royale comme témoins; ils étaient parfois
consultés sur les concessions de bénéfices; on peut les voir aussi s’efforcer
d’augmenter les revenus du roi; mais dans aucune de ces circonstances ils ne
paraissent agir en vertu de leurs pouvoirs comme majores domus.
Ils pouvaient être chargés de missions extraordinaires, par exemple, pour
affaires fiscales; mais c’était à cause seulement de leur aptitude personnelle
et de l’autorité dont ils jouissaient. Enfin de tous les maires du palais,
Pépin d’Herstal et Charles Martel sont les seuls qui aient conduit les armées
au combat.
C’est sous Dagobert que leur
puissance devint prépondérante, lorsque étant à la tête de la faction des
grands, ils furent imposés au roi, et que celui-ci se vit obligé de prendre pour
major domus l’homme que les optimates lui
désignaient, celui que dans leur propre intérêt ils désiraient voir investi de
la première charge du royaume. Alors seulement les maires du palais devinrent
les intermédiaires entre le roi et les leudes, communiquant à ceux-ci les
ordres du prince et au prince les demandes de ces derniers. Ce ne furent point,
comme on l’a pensé, les bénéficiers qui rendirent les rois dépendants d’eux,
mais les plus riches et les plus influents des fidèles, c’est-à-dire de
toute la nation, soit en Austrasie ou en Neustrie. Les maires du palais
formèrent des partis politiques qui entraînèrent le reste de la population;
dans ces partis se trouvait, pour ainsi dire, l’élite des populations
d’Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne. Ils luttèrent tantôt contre le roi,
tantôt entre eux ou l’un contre l’autre. Le maire du palais de Bourgogne,
Warnachaire, fut le premier qui se conduisit en chef de parti. Après lui, la
plupart des maires du palais jouèrent le même rôle. Il n’en était autrement que
quand le roi avait assez de force de caractère pour se rendre indépendant de ce
pouvoir si gênant; mais ces cas furent très rares, et cessèrent entièrement de
se produire lorsque la famille des Pépins devint dominante dans toutes les
parties du royaume.
En somme, le maire du palais
fut, jusqu’au temps de Chlotaire II, plutôt de fait que de droit, l’homme le
plus influent de la cour, le conseiller intime du roi. Il n’avait pas d’autres
fonctions légales que celles de sénéchal; mais par sa haute position il était à
même de prendre une part active et souvent décisive dans les affaires
politiques. De là les différents titres qu’on lui a donnés. Quand on l’appelle archiminister, on n’a en vue que la position
éminente qui le plaçait au-dessus de tous les ministeriales. Il jouissait en
effet de l’espèce de prééminence qui est attachée aujourd’hui aux fonctions de
ministre-président.
La première période des
maires du palais finit avec Warnachaire, mort en 631. Après lui, l’histoire de
cette dignité devient celle des ancêtres des Carolingiens. Nous la
rencontrerons en nous occupant de cette famille dans les chapitres suivants.
Terminons cette introduction par un coup d’oeil sur
les affaires de l’Église pendant la période mérovingienne.
5.
DE L’ÉGLISE.
A l’époque de l’invasion des
Barbares, la religion chrétienne était depuis longtemps en vigueur; l’Église
avait son organisation hiérarchique et ses lois particulières, sous la tutelle
du pouvoir civil. Aussi bien dans les provinces de la Gaule que dans tout
l’empire, il y avait une circonscription diocésaine; les évêques jouissaient
même d’une autorité politique très-étendue. Quant aux monastères, ils étaient
encore en petit nombre et suivaient la règle de saint Martin de Tours, mort
vers l’an 400. Les cloîtres étaient en même temps maisons religieuses et
établissements agricoles et industriels; mais on n’en trouve guère à cette
époque que dans le Midi. C’est de la Gaule méridionale que les fondateurs de
ces institutions partirent pour la Grande-Bretagne, d’où ils passèrent ensuite
dans la Germanie.
L’invasion des Francs fut
d’abord très funeste au christianisme. Le paganisme reparut sur les bords du
Rhin et dans toute la Belgique; les sièges épiscopaux de Tournai, Arras,
Tongres furent abandonnés. Mais après le baptême de Chlovis la religion
chrétienne se répandit parmi les Francs et fut protégée par les rois. Cette
protection lui était indispensable, car nous savons que le roi Dagobert dut
encore se servir du glaive pour convertir les Francs de Belgique. Des
missionnaires anglais et irlandais pénétrèrent en Flandre et dans l’Ardenne, pour
travailler à ce grand oeuvre; ils rétablirent en
partie les sièges épiscopaux; ils fondèrent, pour assurer les fruits de leur
apostolat, des monastères régis par la règle de saint Benoît.
Ces établissements étaient
des centres de culture pour les intelligences comme pour la terre. Ils s’enrichirent
bientôt par de nombreuses donations; on leur concéda des territoires étendus.
Les sièges épiscopaux et les monastères devinrent des seigneuries foncières,
jouissant des immunités que leur accordaient largement les rois. Ils étaient à
l’abri des pouvoirs du comte et du centenier. En vertu de celte immunité, les
évêques et les abbés avaient la juridiction civile et pénale non-seulement sur
leurs serfs, qui composaient la familia du
patron, mais encore sur les personnes libres établies dans leurs domaines. Un
fonctionnaire laïque, institué à cet effet, rendait la justice en matière
criminelle et civile aux hommes libres. Il portait le nom de vice dominumis, vidame, au temps des Mérovingiens,
et plus tard celui d’avoué (advocatus).
L’Église gouvernée par son
clergé ne jouissait pas seulement des droits et privilèges qui lui avaient été concédés
par les empereurs romains, mais encore d’une plus grande liberté que sous
l’empire. Elle était indépendante en matière de doctrine; les décrets de ses
conciles provinciaux, si nombreux sous les Mérovingiens, étaient en cas de
besoin exécutés par le pouvoir séculier; et quoique les rois intervinssent
souvent de fait dans la nomination des évêques, en principe cette nomination était
considérée comme appartenant au clergé et au peuple du diocèse. La législation
canonique avait force de loi non contestée. Ce n’est donc pas sans raison que
Grégoire de Tours et ses continuateurs, de même que les auteurs' des
chroniques, ont vanté le zèle religieux des Francs et leur ont attribué la
gloire d’être les défenseurs de l’Église.
Le clergé étant le seul
dépositaire de la science et de l’instruction, il s’ensuivait que les rois
avaient toujours besoin de ses lumières. Aussi les évêques et les abbés
devinrent-ils leurs conseillers les plus intimes, et comme ils étaient
administrateurs des richesses de l’Église, ils joignirent à leur influence
morale celle qui résultait de leur qualité de grands propriétaires. On en vit
bientôt un bon nombre prendre place parmi les grands, les proceres du royaume. De leur côté, les rois, protecteurs de l’Église, devinrent
bientôt aussi les soutiens de la papauté. Les pontifes de Rome recherchèrent
leur amitié et leur appui, pour se défendre non-seulement contre leurs ennemis
les plus redoutables, les Lombards, mais encore contre les empereurs byzantins
dont ils travaillaient constamment à s’affranchir.
L’organisation hiérarchique
de l’Église, déjà parfaitement consolidée sous les Mérovingiens, est assez
connue. Les limites des diocèses étaient exactement tracées; chaque diocèse
était subdivisé en archidiaconés; le pouvoir de l’évêque correspondait à celui
du comte; l’autorité des archidiacres à celle des centeniers. Il faut cependant
se garder d’en conclure, comme l’ont fait la plupart des auteurs de nos jours,
depuis Hontheim, que l’archidiaconé correspondait
toujours à un canton de centenier. Cela arrivait souvent, mais ce n’était pas
un principe fixe et sans exception. L’établissement des paroisses était naissant;
il y avait cependant à la tête des plus petites subdivisions territoriales
ecclésiastiques des archiprêtres (decani christianitatis), établis près des églises baptismales.
Au-dessus des évêques on trouve, dans chaque province ecclésiastique, un métropolitain,
dont le rang semble correspondre à celui de duc.
Une vaste législation disciplinaire, sanctionnée par les canons des conciles et les décrétales des papes, détermine les rapports hiérarchiques du clergé et des laïques, ainsi que la subordination de ceux-ci. Le mariage chrétien de l’Église était le seul valable; les lois barbares laissaient cette partie du droit au domaine de l’Église. Le payement de la dîme était déjà ordonné par le concile de Tours, tenu en 567, et par celui de Mâcon, de l’an 585. On voit dans les lois barbares et dans plusieurs capitulaires des rois mérovingiens du sixième siècle et du commencement du septième, que ces rois considéraient la protection du culte, du clergé et des monastères d’hommes et de femmes comme un devoir sacré prescrit par la divinité. Cependant nous l’avons déjà dit, l’influence de l’Église n’était pas tellement prépondérante qu’elle altérât le caractère de la royauté franque et le principe de son gouvernement. La royauté continuait d’être militaire; elle n’était en aucune façon théocratique.
Chapitre
premier. Origine belge des Carolingiens
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