L'ESPRIT RÉVOLUTIONNAIRE AVANT LA RÉVOLUTION1715-1789FELIX ROCQUAINLIVRE IIMINISTÈRE DU DUC DE BOURBONETPREMIÈRE MOITIÉ DU MINISTÈRE FLEURY (1724-1733)
A l'heure même où le duc d'Orléans expirait, le duc de Bourbon, qui ne connaissait rien aux matières de gouvernement, qui n'avait jamais rien su que la chasse et «en toutes choses n'avait pas le sens commun», sollicita du Roi la place de premier ministre et l'obtint. Mené «comme un enfant» par la marquise de Prie, qui avait figuré aux soupers du Régent, un tel ministre fit honte. Dix-huit mois après son arrivée au pouvoir, des placards injurieux, affichés au Palais-Royal et dans divers quartiers de Paris, demandaient son renvoi. On continua, sous son administration, les procédés de la Régence. On laissa les Jésuites prendre de plus en plus «le dessus» . Louis XV fut marié de leur main; la jeune Marie Leczinska, proposée par eux à la place de l'infante d'Espagne qui retournait à Madrid, dut à leur patronage le surnom plus nouveau qu'aimable d'Unigenita. Le gouvernement de «Monsieur le duc» se rattacha même plus étroitement que n'avait fait la Régence aux idées du dernier règne. On rendit contre les protestants une Déclaration qui, exécutée à la lettre, eût été plus sévère que l'édit de 1685. Bien qu'elle ne méritât pas moins l'attention qu'une Déclaration sur la Bulle, le Parlement l'enregistra sans difficulté. La Suède, la Hollande protestèrent; en France, elle passa inaperçue. Les esprits, en matière de religion, étaient tout à la Bulle. Les progrès que faisait la Constitution dans le camp des ultramontains montraient combien le duc de Saint-Simon avait été pénétrant. Jusqu'alors la doctrine de l'Infaillibilité avait été exposée brièvement dans des lettres, des mandements, des mémoires. En 1724, tout un livre paraissait sur ce sujet. De Hollande, où on l'avait imprimé, il se répandit à Paris et eu France. A la faveur d'une doctrine qu'on prétendait celle «de tous les pays et de tous les siècles» , on établissait la souveraineté absolue des pontifes sur l'Eglise, leur supériorité sur les conciles, leur empire sur les évéques, qu'on disait tenir leur pouvoir du Saint-Siège et non de Jésus-Christ; on insinuait enfin que les papes avaient droit sur les couronnes, en rappelant que saint Pierre avait reçu du Seigneur l'empire du ciel et de la terre. «Ce n'est pas un simple traité théologique, comme le titre l'annonce d'abord, disait l'avocat du Roi, Gilhert de Voisins, en déférant ce livre au Parlement. C'est une attaque de dessein formé contre nos maximes, un ouvrage composé expressément contre l'Eglise gallicane et contre la France.» Les Jansénistes, frappés par la Déclaration du 4aoùt 1720, «ne finissaient point» , de leur côté, d'écrire et d'imprimer. Un de leurs chefs les plus ardents, l'évéque de Montpellier, publia un mémoire dont le seul titre, Remontrances au Roi, annonçait la hardiesse. Il reprochait à Louis XV et à «ses conseils» leurs entreprises sur la religion, et disait que, bien loin que les évéques dussent se soumettre, dans l'ordre spirituel, à la volonté des princes, c'était aux évéques à rendre compte à Dieu de la conduite des rois. Deux fois, le Conseil d'État ordonna la suppression des écrits sortis de la plume de l'audacieux prélat. Deux fois, celui-ci répliqua par une apologie publique des écrits condamnés. Sa dernière réplique lut non-seulement supprimée, mais lacérée par arrêt du Conseil. «De tels excès, était-il dit dans l'arrêt, ne pouvaient être tolérés, sans porter atteinte à l'autorité royale». Par contre, dans une lettre que, l'année suivante, adressait au Roi l'assemblée générale du clergé réunie à Paris, on soutenait que la Constitution faisait règle de foi dans l'Eglise, et, sur ce principe, on exhortait le monarque à recourir aux mesures extrêmes pour abattre l'hérésie. Cette fois, ce fut, non le Conseil d'Etat, mais le Parlement qui supprima la lettre. Tandis que la question religieuse continuait à émouvoir les esprits, s'élevaient d'autres causes de trouble. Dans l'été de 1725, la cherté du pain, due à la maladroite administration de «Monsieur le duc» et peut-être, comme on le croyait, à des fraudes où la marquise de Prie était intéressée, excita dans le peuple des agitations qui ne se bornèrent pas, comme sous la Régence, à un simple tumulte. A Caen, à Rouen, à Rennes, se produisirent de véritables émeutes. A Paris, une bande de dix-huit cents individus se répandit dans les rues et se livra à des actes de pillage. Le guet à cheval dissipa cette «populace» en «fonçant» sur elle l'épée à la main, et deux des plus mutins furent pendus dans la grande rue du faubourg Saint-Antoine. Ce châtiment rigoureux mit fin à la sédition, mais non aux colères. Des affiches, où l'on insultait le ministère et où l'on menaçait de mettre le feu dans Paris, entretinrent quelque temps encore la fermentation; et ce ne fut que sous l'influence des mesures qui abaissaient le prix du pain que le calme se rétablit. Un mois avant qu'éclatât cette sédition,—la première qu'on eût vue à Paris depuis 1715,—avait lieu dans le sein du Parlement une scène qui devait laisser dans les esprits une trace plus profonde. Le gouvernement rendit divers édits bursaux, dont l'un établissait une taxe d'un cinquantième sur tous les revenus du royaume. Cette taxe avait cela d'équitable, qu'elle atteignait tous les ordres de la naîion et le clergé lui-même. En matière d'impôt, c'était une innovation que les classes privilégiées pouvaient seules désapprouver; mais, dans un moment où l'on se ressentait encore de la secousse de 1720 et où l'argent faisait presque absolument défaut, elle provoqua im mécontentement général. Pressentant l'opposition du Parlement à l'enregistrement des édits, le ministère résolut de les imposer d'autorité dans un lit de justice. Il fit plus; contrairement aux usages, il s'abstint de les communiquer d'avance aux magistrats. Le 8 juin, le Roi vint à Paris tenir son lit de justice. Quand on fut au moment de recueillir les voix, le Parlement tout entier refusa d'opiner, déclarant qu'on ne pouvait émettre un vote sur ce qu'on ne connaissait pas. «Tout le monde, rapporte un témoin oculaire, était ému jusqu'au fond de l'âme.» L'avocat général, parlant au nom des magistrats, dit au Roi qu'ils étaient prêts à sacrificr leur fortune et leur vie même aux intérêts de son service, et que ce sacrifice leur semblerait plus facile qu'un consentement à des édits presentés dans de telles conditions. Le Roi signifia par la bouche de son garde des sceaux qu'il voulait être obéi, et l'enregistrement eut lieu. Dans la même séance, fut imposé un autre édit aux termes duquel tous les conseillersqui n'auraient pas dix ans de service ne pourraient opiner à l'avenir dans les affaires d'Etat. Par cette mesure inattendue et que rien ne justifiait, plus de cent magistrats se trouvaient condamnés au silence. C'était un coup de foudre pour le Parlement. «Vous devenez aujourd'hui l'ennemi de tout le royaume», disait, le soir du lit de justice, le prince de Conti au duc de Bourbon. Ce qui semblait plus grave, c'était qu'en autorisant de la présence du monarque les premiers actes arbitraires dont la nation eût à se plaindre depuis la Majorité, on compromettait, de l'aveu des hommes sages, la majesté royale. Si jeune que fût Louis XV, il dut comprendre, au silence qui l'accueillit à sa sortie du Palais, l'imprudence de la démarche qu'on lui avait dictée. Personne dans Paris ne cria: Vive le Roi! et le «bourgeois» fit même taire le «petit peuple» qui voulait l'acclamer. Le ministère sentit bientôt qu'il avait été trop loin, et, tout en maintenant les impôts, il revint , six mois après, sur l'édit qui modifiait les votes du Parlement. Le duc de Bourbon était arrive par sa conduite à inspirer une telle aversion que lorsqu'au mois de juin 1726 une intrigue de cour le renversa du pouvoir, on dut empêcher le peuple de faire des feux de joie dans Paris. L'évêque de Fréjus, Fleury, âgé de plus de soixante-dix ans, qui le remplaça au ministère, avait de longue date préparé son élévation. Maître de l'esprit du jeune Roi, dont il avait été le précepteur, fin, doux, insinuant, simple dans ses mœurs et portant l'apparence du désintéressement jusqu'à refuser le titre de premier ministre, ce prélat, qui nourrissait en secret la passion du pouvoir, exerça, pendant près de dix-sept années, une domination plus absolue que n'avait été celle du duc de Bourbon et du Régent lui-même. Ami de la règle, économe par tempérament et presque avare, il porta ces qualités dans son administration. Sous son autorité, les finances parurent se rétablir, et il fallut les guerres qui troublèrent les derniers temps de son ministère pour y introduire de nouveau la désorganisation. Dès le milieu de 1727, des mesures d'économie lui permirent de révoquer l'édit du cinquantième qui avait si fort mécontenté le public. On ne revit de longtemps ces émotions populaires qui avaient signalé la Régence et le gouvernement du duc de Bourbon. Contenues par sa surveillance, les mœurs de la cour et de la noblesse cessèrent de scandaliser l'opinion, jusqu'à ce que Louis XV autorisât, par son exemple, le retour de la licence. Malgré ces bienfaits, l'administration de Fleury fut fatale à la France, Elle le fut par l'excès d'un pouvoir laissé trop longtemps aux mains d'un homme que l'âge affaiblissait; elle le fut surtout par l'intolérance que ce prélat apporta dans les matières religieuses, intolérance qui constitua, à proprement parler, le trait distinctif et presque unique de son long ministère, et qui, en amenant l'opposition janséniste sur le terrain politique, prépara les voies à la Révolution. L'évéque de Fréjus dirigeait déjà les affaires ecclésiastiques avant d'être ministre. Sous le couvert du duc de Bourbon, c'était lui le véritable auteur de la Déclaration contre les protestants. Il avait été janséniste à «outrance», puis s'était tourné vers les Jésuites, quand il avait vu que de leur côté se trouvait la puissance. Sa conversion fut si entière, que Benoît XIII ayant envoyé, au mois de mars 1725, des explications sur la Bulle,— explications vainement sollicitées depuis douze ans,—il les renvoya comme trop jansénistes. S'il était vrai, comme le disait la princesse palatine, que l'envie d'être cardinal rendait fous la plupart des évêques, cette pensée ne put du moins influer sur la conduite ultérieure de l'évéque de Fréjus, ce prélat ayant été nommé cardinal l'année même où il devint ministre. Mais, parvenu au pouvoir, il crut nécessaire, pour s'y maintenir, de conserver l'appui des Jésuites. Dès le début de son ministère, il donna aux évêques une preuve de sa sollicitude. Le haut clergé, en 1725, avait énergiquement protesté contre l'édit du cinquantième, alléguant que les biens ecclésiastiques échappaient par leur nature à l'impôt, et que, de tout temps, l'Église n'avait contribué aux charges de l'État que par des dons volontaires. Par une Déclaration dont l'épiscopat devait se prévaloir plus d'une fois dans le cours du siècle, le cardinal de Fleury décida que les biens du clergé, «étant dédiés à Dieu et hors du commerce des hommes», ne seraient jamais soumis à aucune taxe. Encouragés par les dispositions du ministre, les évéques ne tardèrent pas à mettre à l'épreuve son zèle pour la Constitution. Dans une lettre qu'ils adressaient à Louis XV au mois de novembre 1726, ils sollicitèrent une Déclaration qui les relevât de l'observation du silence imposé sur la Bulle, et, signalant à ce prince «la multitude d'écrits pernicieux» où étaient «attaquées de front» les constitutions apostoliques, lui demandèrent d'employer toute son autorité pour réprimer une licence que jamais, disaient-ils, on n'avait vue portée à ce point dans la catholicité. Sans céder totalement au vœu des évéques, le ministre témoigna du moins qu'il partageait leurs sentiments. Le père Soanem, de l'Oratoire, évéque de Senez,—alors âgé de quatre-vingts ans,—ayant publié une instruction pastorale, où il flétrissait la Bulle, et renouvelé un appel déjà interjeté par lui au concile général, le cardinal de Fleury le fît juger par un concile provincial réuni à Embrun, suspendre de ses fonctions et enfermer dans une abbaye. Depuis l'origine des querelles, on n'avait pas encore sévi avec cette rigueur contre un évéque. Par ce châtiment inusité, on frappait un prélat universellement estimé, qui avait prêché toute sa vie avec éclat, se conduisait «en apôtre» dans son diocèse et donnait tout aux pauvres. D'odieuses vexations ajoutèrent à la dureté d'un jugement dans lequel on n'avait pas même observé les formes de la légalité. Il n'était pas jusqu'au nom des juges qui ne déshonorât cette sentence. «Fléau des honnêtes gens, simoniaque, incestueux, mauvais citoyen, honni et méprisé partout», ainsi était qualifié, quelques années après, par le marquis d'Argenson, l'abbé de Tencin, archevêque d'Embrun, qui présidait l'assemblée où le vénérable évêque de Senez avait été condamné. Cet acte de sévérité ranima en un moment toute l'ardeur des disputes. L'assemblée d'Embrun fut attaquée avec violence dans nombre de libelles. Le cardinal de Noailles et douze évêques avec lui adressèrent au Roi une lettre de protestation. L'évêque de Castres écrivit au père Soanem que ce jugement le couvrait de gloire et ses ennemis d'une infamie éternelle. Ce concile, que l'abbé de Tencin avait osé comparer, dans un discours public, à «l'exposition du très-saint Sacrement», fut qualifié par les Jansénistes «de conciliabule et de brigandage». Cinquante avocats du Parlement, prenant en main la cause du prélat condamné, signèrent une consultation, où ils établissaient le droit d'appel au futur concile, malgré la Déclaration de 1720, et concluaient à la nullité de l'assemblée d'Embrun. Le mi-nistère mit tout en œuvre pour empêcher la publication de ce factum. Le lieutenant de police, Hérault, stimulé par la promesse d'une pension de six mille livres et dévoué au parti des Jésuites, fit défendre, sous peine de la vie, aux libraires de l'imprimer. La consultation parut en dépit de la police, dont l'échec valut au gouvernement de se voir chansonné dans la personne de ses agents. En quelques mois, quatre éditions de ce factum se répandirent dans Paris. «Les pavés en fourmillent», écrivait un contemporain. Le haut clergé s'écria que «de simples laïques s'érigeaient en juges des juges de la foi», et demanda des rigueurs contre les avocats. Le gouvernement crut plus sage d'étouffer l'affaire, et, tandis que la cour de Rome condamnait la consultation et défendait de la lire sous peine d'excommunication, il se contenta de la supprimer par un arrêt du Conseil. Cet incident n'était pus terminé qn'un autre se produisait, qui ne causait pas une moindre sensation. Le bruit s'était répandu que le cardinal de Noailles, désireux de mourir dans les bonnes grâces du Pape et du Roi, allait renier toute sa conduite passée et faire une adhésion sans réserve à la Constitution. Les Jansénistes s'émurent; il y en eutmême qui ne dînèrent pas le jour de la nouvelle. On fit honte au prélat de cet acte de désertion. Des placards furent affichés où l'on promettait cent mille écus à qui retrouverait l'honneur de l'archevêque. Trente curés de Paris adressèrent au prélat un mémoire où ils protestaient d'avance contre cette adhésion. Déjà, un an auparavant, une requête analogue avait été présentée au cardinal de Noailles et signée par vingt-trois curés de Paris, cent quarante curés du diocèse et plus de quatre cents ecclésiastiques. Le Conseil d'Etat supprima le mémoire, comme il avait supprimé la requête. Les curés adressèrent des Remonstrances au Roi sur cette condamnation. Elles furent également supprimées. Cette démarche inusitée, disait le Conseil d'État dans son dernier arrêt, révélait chez les curés de Paris «un esprit d'indépendance et de révolte» qu'il était urgent de réprimer, et dont ne témoignait pas seulement le fait de repousser la Bulle et d'attaquer un jugement rendu au nom du Roi. Elle impliquait entre ses auteurs «une espèce de ligue» qui violait les lois de l'Etat. Elle annonçait enfin, de la part du second ordre, la prétention de former dans le royaume un corps indépendant et en état de faire des remontrances au souverain, prétention contraire tout ensemble h la discipline de l'Église et à l'ordre public. Le bruit qui avait couru était fondé. Cédant aux obsessions du ministère, le cardinal de Noailles se laissa arracher un mandement où il notifiait son entière soumission au Saint-Siège, acceptait purement et simplement la Constitution et révoquait tout ce qui avait paru sous son nom de contraire à cette acceptation. Les curés ayant refusé de lire ce mandement aux prônes de leurs paroisses, on se contenta de l'afficher aux portes des églises. De peur de troubles, on fit cette opération le matin, au petit jour. Des archers accompagnèrent les afficheurs, et trois cents rôdèrent toute la journée dans Paris. La nuit, toutes les affiches furent déchirées, et quelques-unes couvertes de boue. On était au mois d'octobre 1728. En deux années, l'opposition janséniste avait fait des progrès considérables. Hormis les éveques—dont huit seulement étaient encore rebelles à la Constitution— et les abbés de cour «qui aspiraient aux grâces», le second ordre du clergé, la plus grande partie des bourgeois de Paris, de la robe, du tiers état, le peuple, «tout était déchaîné contre les Jésuites et criait sur tout ce qui se faisait» . Les femmes mêmes et «femmelettes» et jusqu'aux chambrières s'étaient jetées dans la lutte, prêtes à «s'y faire hacher»,— d'autant plus ardentes qu'elles ne savaient de quoi il s'agissait. Ce n'était pas pour le peuple seulement que la Bulle était lettre close. On pouvait dire qu'en général personne n'entendait rien aux questions de doctrine dont elle contenait l'exposé. Des cinquante avocats qui avaient signé la consultation, six ou sept seulement y comprenaient quelque chose. Mais il suffisait que la Bulle servît de drapeau aux ultramontains, pour que les Jansénistes proprement dits, les Gallicans, tous les ennemis de Rome, en un mot, se réunissent contre elle dans une même opposition, entraînant avec eux les mécontents de toute sorte et ceux qui par humeur aimaient le trouble ou cherchaient la nouveauté. De tout temps, l'opposition aux actes du pouvoir s'est recrutée par les mêmes voies. Cette situation des esprits expliquait comment tant d'écrits anonymes circulaient impunément. On se fût fait un cas de conscience de trahir le nom de l'auteur ou de l'imprimeur. Le débit des Nouvelles ecclésiastiques, sorte de gazette de l'opposition qui défia presque toutes les recherches de la police pendant nombre d'années et dont on ne put jamais arrêter l'impression, ne fut possible que par l'effet de cette complicité universelle. Le cardinal de Fleury crut qu'en redoublant de sévérité il empêcherait le flot montant des écrits. Le 10 mai 1728, il rendit une Déclaration aux termes de laquelle tout imprimeur convaincu d'avoir imprimé des mémoires, lettres, nouvelles ecclésiastiques ou autres ouvrages relatifs aux disputes et notamment «contraires aux bulles reçues dans le royaume, au respect du à Notre Saint-Père le Pape, aux évoques et à l'autorité du Roi», serait condamné, pour la première fois, au carcan, et, en cas de récidive, aux galères. Des peines analogues étaient établies contre les colporteurs. Les auteurs étaient menacés du bannissement à temps ou à perpétuité. On visait en outre dans cette Déclaration toutes les Ordonnances sur la librairie parues depuis l'époque de Henri II, et dont quelques-unes étaient non pas seulement sévères, mais cruelles. On ne les rappelait que par leurs dates, sans en indiquer la substance; elles n'en demeuraient pas moins une arme dont on pouvait croire que le gouvernement ferait usage au besoin. Le ministère parut, dans le commencement, tenir la main à l'exécution de cet arrêté. Il sévit contre des imprimeurs. A Paris, en province, des colporteurs furent attachés au carcan. Ces chàtiments demeurèrent sans effet. A Ruen, le peuple s'assembla autour d'un colporteur ainsi mis au carcan, s'écria que c'était un martyr, et quelques prêtres furent sur le point de chanter un Te Deum. Vaine-ment la police opérait-elle des perquisitions; vainement entrait-elle à l'improviste dans les imprimeries, dont la porte, au terme des règlements, ne devait être fermée que d'un simple loquet, et où toute autre issue était formellement interdite. Au mépris de la loi, fonctionnaient quantité d'imprimeries clandestines. On imprimait dans les arrière-boutiques, dans les greniers, dans les caves. Craignait-on à Paris les effets de la surveillance, on imprimait en province; les craignait-on en province, on imprimait à l'étranger, et le livre revenait ensuite en contrebande. Les communautés ecclésiastiques, les corporations séculières avaient leurs presses qui fonctionnaient secrètement. De simples parti-culiers, à la ville, à la campagne, se servaient de rouleaux et imprimaient eux-mêmes . Deux libelles, que le Parlement condamna au feu le 8 mars 1729, montrèrent à quel degré de passion étaient arrivés les partis. Dans l'un, on ne parlait de rien moins que de renouveler contre les Jansénistes les fureurs de la Saint-Barthélémy; dans l'autre, adressé aux ministres plénipotentiaires que les intérêts de l'Europe tenaient alors réunis à Soissons, on dénonçait les Jésuites et leur doctrine, et l'on sollicitait contre eux le secours de l'étranger. Deux jours avant que le Parlement prononçât cet arrêt, une ordonnance du cardinal de Noailles rendait aux Jésuites le confessionnal et la chaire dont ils avaient été privés au début de la Régence. Ce fut le dernier acte de ce prélat, qui mourut peu après. N'étaient ses «variations», dont on aurait pu faire une histoire aussi grosse, disait-on, que celle de feu M. Bossuet, mais qu'expliquait en partie sa timidité naturelle , il s'était acquis par ses vertus la sympathie publique. Son successeur, Vintimille, ne jouissait pas de la même considération. On lui reprochait surtout un goût immodéré de la table. Le jour où il prit possession de l'archevêché, on afficha, à la porte de son palais, que saint Antoine (c'était le nom du cardinal de Noailles) était mort et qu'il avait laissé son cochon. Le nouvel archevêque, appelé dans les chansons monseigneur Ventremille, se montrait très-attaché à la Constitution. Dans un grand dîner qu'il offrit aux ecclésiastiques de son chapitre, il leur demanda de lui prouver leur zèle en acceptant la Bulle «purement et simplement» . Sur vingt-neuf ecclésiastiques qu'il avait réunis à sa table, vingt-cinq donnèrent leur adhésion. N'ayant pas rencontré dans le clergé de son diocèse une égale docilité, il essaya de le réduire par les rigueurs. On compta bientôt dans Paris trois cents prêtres interdits. Le gouvernement, de son côté, exila nombre de vicaires et de prêtres de paroisses opposés à la Bulle. Dans le même temps , il imposait la Constitution à l'enregistrement de la Sorbonne, en ôtant, par une lettre de cachet, le droit de vote et jusqu'aux émoluments à quarante-huit docteurs qu'il y savait contraires. Ce fut depuis ce moment que la Sorbonne reçut du public le nom injurieux de carcasse. On excita ainsi de nouvelles causes de troubles. Les églises ne furent pins respectées. On s'y interpellait publiquement sur la Constitution; on s'y traitait tout haut d'hérétiques et de schismatiques. Une fois, un savetier interrompit im curé au milieu de son sermon. L 'archevêque de Paris se vit lui-même un jour insulté dans la rue. Un acte de la cour de Rome ajouta encore à l'émotion des esprits. Benoît XIII voulut changer dans le bréviaire la légende de Grégoire VII. Il adopta une leçon où ce pape était loué d'avoir excommunié un empereur et délié ses sujets de leur serment de fidélité, comme de la plus belle action qui eut honoré son pontificat; dans un oremus joint à cette leçon, on priait Dieu de donner aux successeurs de Grégoire VII la force de suivre un si glorieux exemple. Le Saint-Siège, par cette entreprise, justifiait les alarmes qu'avait causées, à son apparition, le quatre-vingt-onzième article de la Bulle sur l'excommunication. «La mèche était enfin découverte, s'écriait-on, et ce n'était pas sans raison que les Jansénistes voyaient dans leurs ennemis les ennemis de l'État. Par les soins du parti ultramontain , qui avait son bureau à Paris chez madame de Tencin,—non moins déconsidérée que son frère, l'archevêque d'Embrun,—une feuille imprimée, contenant la leçon et l'oremus, fut répandue dans le public. Le Parlement, se faisant l'interprète du sentiment général, ordonna la suppression de cette feuille. «Il était impossible de tolérer, disait l'avocat du Roi, qu'à la foveur de ce prétendu supplément du bréviaire romain, on mît dans les mains des fidèles un écrit qui tendait à ébranler les principes inviolables et sacrés de l'attachement des sujets à leur souverain.» La cour de Rome riposta par un bref qui prescrivait par toute la catholicité l'acceptation de la nouvelle légende et cassait les décisions des puissances séculières, même souveraines qui tenteraient de s'y opposer. Le Parlement se contenta de supprimer le bref, comme il avait supprimé la légende, «quoiqu'en bonne justice, remarquait Barbier, il méritât d'être brûlé» Cette exagération des doctrines ultramontaines ne pouvait manquer d'avoir son contre-coup dans le camp des Jansénistes. Le même jour où le Parlement se prononçait contre le bref pontifical, il condamnait au feu un écrit adressé, sous le titre de Remontrances, à l'archevéque de Paris, au sujet d'une ordonnance que ce prélat avait publiée sur la Constitution. Dans cet écrit, présenté, non plus cette fois par des ecclésiastiques, mais au nom des fidèles du diocèse, on établissait qu'il était des circonstances «où le pasteur devait obéir à ses ouailles»; que, si les évéques et le Pape lui-même opprimaient la vérité, il était du devoir des fidèles de la défendre contre eux; qu'enfin le corps de l'épiscopat, s'il tombait dans l'erreur, devait être «instruit, corrigé, jugé même par le peuple». Ce n'était plus l'esprit d'opposition, c'était l'esprit révolutionnaire qui commençait à pénétrer dans l'Eglise; encore quelques années, et il s'introduira dans l'Etat. Flleury mit à exécution une mesure dont la rétractation du cardinal de Noailles et la pression exercée dernièrement à l'égard de la Sorbonne n'avaient été que les préliminaires. Le 24 mars 1730, il adressait au Parlement une Déclaration qui enjoignait à tous les ecclésiastiques du royaume de recevoir purement et simplement la Constitution. Au tumulte que causa parmi les magistrats l'envoi de cette Déclaration, le ministre comprit qu'elle ne serait pas enregistrée. Il l'imposa par un lit de justice que le Roi vint tenir, le 3 avril, dans le sein du Parlement. La présence du monarque ne suffit pas à contenir les murmures. Un conseiller dit tout haut que le quatre-vingt-onzième article de la Constitution tendait à arracher le sceptre des mains du Roi, et qu'il était impossihle d'accepter, avec la Déclaration, la sanction d'un article aussi odieux. Le chancelier d'Aguesseau, qui déjà, sous la Régence, avait présidé à l'enregistrement de la Déclaration du 4 août 1720, et cette fois encore était l'organe de la volonté royale, eut la honte de s'entendre reprocher l'abandon des principes qu'il professait sous Louis XIV. Un ardent janséniste, l'abbé Pucelle, lui jeta au visage le mot du poëte: Quantum mutatus ah illo! Le cardinal de Fleury, qui, d'une lanterne où il était placé à côté des ambassadeurs étrangers, suivait les détails de cette scène, put se convaincre qu'il avait fait faire au Roi «une vilaine équipée» . Quand Louis XV se retira, on remarqua, comme au lit de justice de 1725, qu'un profond silence l'accueillit dans la cour du Palais et sur son passage. Le lendemain, le Parlement s'assembla pour se concerter au sujet de ce qui s'était passé. Le Roi lui fit défendre de délibérer «directement ou indirectement» sur la Déclaration. Les magistrats protestèrent contre cette défense. L'abbé Pucelle osa dire que le respect dû au souverain consistait quelquefois à transgresser ses ordres. Le Roi menaça les magistrats de sa colère, et il fut un moment question d'exiler le Parlement à Amboise. Le Parlement céda. Le public, non moins que les magistrats, s'était ému de cette Déclaration. Dans l'intérieur du Palais furent affichés des placards où l'on priait sainte Geneviève de délivrer Paris de la Constitution, comme elle l'avait jadis délivré d'Attila. D'autres placards affichés aux Tuileries portaient: Vive le Roi! Périssent la Constitution et ceux nui la soutiennent! Tandis que les gens passionnés du parti janséniste témoignaient ainsi de leur ressentiment, on commença, dans une autre portion du public, à se préoccuper des principes qui devaient régler les rapports de la royauté avec le Parlement. Un écrit que le Conseil d'Etat condamnait au mois d'octobre suivant portait la trace de ces préoccupations. Cet écrit était une consultation de quarante avocats en faveur de curés de différents diocèses qui appelaient au Parlement des censures de leurs évéques. Il affirmait le droit du second ordre de se pourvoir contre ses supérieurs hiérarchiques auprès des magistrats; mais, en même temps, il touchait à des questions d'une tout autre nature, ainsi que le faisaient amplement ressortir les considérants de l'arrêt. On y attaquait, disait le Conseil d'État, les premiers principes du gouvernement de la France; on y diminuait le respect des peuples «pour cette autorité suprême, qui, résidant tout entière dans la seule personne du souverain, forme le caractère essentiel de la monarchie». Les auteurs de la consultation, continuait le rédacteur des considérants, ne craignent point d'avancer que, suivant les constitutions du royaume, les Parlements sont le sénat de la nation. Par une témérité encore plus inexcusable, on affecte, en cet ouvrage, de ne donner au Roi que la qualité de chef de la nation, dont les parlements sont le sénat. Tout ce qui concerne l'administration de la justice y est rapporté à la nation, à ce qu'on appelle son tribunal souverain, aux Ordonnances qui ont été formées par son vœu dans l'assemblée des États , et dont on élève l'autorité bien au-dessus de celles qui ont été faites sans l'avoir entendue. On y représente les magistrats des Parlements et ceux qui ont droit d'y avoir séance comme étant souverainement dépositaires des lois de l'État; on accumule en leur faveur les qualités de sénateurs, de patrices, d'assesseurs du trône dans l'administration de la justice; et l'on ajoute que personne n'est juge au-dessus de leurs arrêts, sans excepter Sa Majesté même d'une proposition si générale...» On y parle de puissance publique, de juridiction exercée souverainement par les parlements sur tous les membres de l'État, comme ayant le caractère représentatif de l'autorité publique, sans y ajouter jamais aucune expression qui fasse sentir que cette puissance ou cette autorité réside dans le Prince comme dans sa source. On ose même avancer cette maxime générale que les lois sont de véritables conventions entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés, maxime qui ne serait pas approuvée dans les républiques mêmes, mais qui est absolument intolérable dans une monarchie, puisqu'en dépouillant le souverain de la plus auguste de ses qualités, qui est celle de législateur, elle le réduit à ne pouvoir traiter que d'égal à égal, par forme de contrat, avec ses sujets, et l'expose par conséquent à recevoir la loi de ceux mêmes à qui il doit la donner. Enfin, par une suite du même esprit qui règne dans tout le corps de l'ouvrage, le pouvoir de l'Église n'y est pas plus respecté que celui du Roi, et les principes qui y sont répandus tendent également à révolter les peuples contre toute autorité» Mis en demeure de désavouer cette consultation séditieuse, sous peine d'être privés de leurs offices, les avocats se bornèrent à rédiger un mémoire de vingt-cinq lignes, dans lequel ils reconnaissaient que la France était un État monarchique, et que dans la seule personne du Roi résidait l'autorité souveraine. Peu après paraissait un arrêt du Conseil qui les acquittait du chef de rébellion . Mais une question de droit ecclésiastique se mêlait, dans cette affaire, à la question politique. L'arrêt ne blâmant pas là-dessus les principes des avocats, et ceux-ci, dans leur dernier mémoire, ayant de nouveau déclaré que les ministres de l'Église étaient justiciables des parlements par la voie de l'appel comme d'abus, les évêques crièrent comme des aigles. L'archevêque d'Embrun, qui se flattait alors d'être nommé cardinal, attaqua la consultation dans un mandement emporté, où il qualifiait les parlements de «tribunaux chimériques de la nation» et accumulait, contre les avocats, les termes de révolte, d'irréligion, de licence effrénée, de blasphèmes, de nouveaux monstres, de sujets audacieux, de gens décriés. L'évêque de Laon,—qui, dans un corps petit, tortu et bossu, renfermait une âme indisciplinable, et aurait ëlé, disait-on, un mauvais sujet s'il eût e'té mousquetaire,—écrivit, de son côté, dans une instruction pastorale, que la foi en France était presque entièrement éteinte, et qu'on ne la ranimerait qu'en abandonnant aux évéques une portion de la puissance publique. Le Parlement prononça la suppression de ces mandements . L'évêque de Laon défendit, sous peine d'excommunication, de lire l'arrêt qui le concernait, et fit réciter, dans son diocèse, les prières en usage contre les ennemis de l'Église. L'archevêque de Paris prit parti à son tour dans une ordonnance où il déclarait hérétiques les quarante avocats, et soutint que les évéques, en vertu de leur institution divine, avaient un pouvoir coactif indépendant de l'autorité séculière. On apprenait enfin que la consultation, dénoncée au Saint-Siège, venait d'être brûlée à Rome. La délimitation du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir temporel, ou, comme on disait, la distinction des deux Puissances, devint tout à coup, dans les assemblées, dans les écoles, un sujet de disputes qui se répétèrent dans les brochures. On était persuadé que les évéques voulaient s'arroger des privilèges au détriment de l'autorité royale. Voyant le feu prêt à éclater sur ces questions, le Parlement supprima jusqu'à nouvel ordre l'instruction de l'archevêque de Paris. Le gouvernement prit une mesure plus décisive. Par un arrêt du Conseil du 10 mars 1731, il prescrivit un silence absolu sur ces matières, se réservant de fixer lui-même les droits des deux Puissances. Mais, quelques mois après, il détruisait l'effet de cette mesure, en autorisant l'archevêque à distribuer son ordonnance. Les quarante prétendirent que le ministère s'associait, par ce fait, à l'accusation d'hérésie dont ils étaient l'objet, et s'abstinrent de plaider, L'Ordre tout entier imita leur exemple. Les audiences cessèrent à la fois au Parlement, au Chàtelet, au Grand Conseil. Dix avocats, avec le bâtonnier de l'Ordre, furent aussitôt exilés. On leur fît, au moment de leur départ, une sorte d'ovation. Les esprits étaient si animés qu'on pouvait craindre une sédition. Elle faillit arriver par l'imprudence d'un abbé qui, à la porte de la Grand'chambre, s'avisa de prêcher contre les avocats et de foire l'éloge de l'archevêque. On le laissa parler, puis il fut peloté, bafoué, battu, chassé, et enfin poussé jusqu'à la place Dauphine, où des laquais en firent justice en le forçant d'avouer que les avocats étaient d'honnêtes gens et les Jésuites des fripons. Des faits extraordinaires qui se passaient alors dans un coin de Paris devinrent une autre cause de fermentation. Depuis quelque temps, la foule se portait au cimetière Saint-Médard, sur la tombe du diacre Paris, un janséniste dans toutes les formes, qui, durant sa vie, couchait sans draps, ne mangeait que des légumes, donnait tout son bien aux pauvres, et était mort, en 1727, appelant et réappelant au concile général'. On vit soudain des miracles se produire. En foulant le sol où reposaient les restes du bienheureux, les femmes se sentaient prises de convulsions, les paralytiques étaient guéris et marchaient. Le peuple, à ce spectacle, entonnait des Te Deum. Pour lui, c'était Dieu lui-même qui condamnait, par ce signe, la Bulle, Rome et les évêques, et son opposition aux pouvoirs qui les soutenaient en devenait plus ardente. Le ministère essaya, sans succès, d'arrêter le cours de cette dévotion populaire. Un prêtre, témoin de cette étonnante ferveur, ayant dit tout haut: «Voilà bien prier Dieu pour un damné», pensa être assommé. On cria dans les rues: Le portrait du bienheureux Paris; on imprima sa Vie. Tout cela était «une mauvaise aventure» pour les constitutionnaires. L'archevêque de Paris flétrit, dans un mandement, ces prétendus miracles; ce fut de la poudre en l'air. A Rome, un décret de l'inquisition condamna au feu la Vie de M. Paris; on dressa un bûcher sur une des places publiques, vis-à-vis le couvent de la Minerve; on apporta le livre lié, comme un criminel, par des chaînes de fer, et, en pre'sence des cardinaux reunis, le bourreau le jeta dans les flammes. Le bruit de cette exécution se répandit en France avec les exemplaires du décret du saint Office qui l'avait ordonnée: cela ne fit qu'augmenter l'exaltation et multiplier les miracles. L'arrêt du Conseil du 10 mars était resté lettre morte. L'évéque de Laon, l'enfant perdu du clergé, continuait à faire le diable. Dans le moment où le ministère exilait les avocats, il lançait un mandement des plus injurieux contre le Parlement. Les magistrats offensés décidèrent que ce mandement ne serait ni supprimé, ni brûlé, par la raison que supprimer ne supprimait point et que brûler faisait des cardinaux; mais ils résolurent de traduire l'évêque devant l'assemblée des pairs, qui furent, à cet effet, invités à se rendre dans le Parlement. Le ministère jugea prudent de prévenir cet éclat. Il supprima lui-même le mandement par arrêt du Conseil, menaça le prélat de saisir son temporel et révoqua le privilège qui lui était accordé pour l'impression de ses instructions pastorales. Sur ces entrefaites, le Parlement ayant porté des remontrances au Roi au sujet de !l dernière ordonnance de l'archevêque de Paris, le monarque répondit qu'il ne souffrirait jamais aucune entreprise des ecclésiastiques sur son autorité, et qu'il n'empêchait pas son Parlement d'user, à cet égard, du pouvoir qu'il lui avait confié pour l'exécution des lois. Les magistrats prirent cette réponse pour un ordre et rédigèrent, sous forme de règlement, l'arrêt célèbre du 7 septembre. Dans cet arrêt, tiré mot pour mot des anciennes Ordonnances, ils établissaient que la puissance temporelle était indépendante de toute autre puissance, qu'à elle seule appartenait de contraindre les sujets du Roi, et que les ministres de l'Eglise étaient comptables au Parlement, sous l'autorité du monarque, de l'exercice de leur juridiction. Le haut clergé s'irrita de cet arrêt. Le soir même, l'archevêque de Paris et plusieurs autres prélats couraient à Versailles «tourner la tête» au cardinal deFleury. Le lendemain parut un arrêt du Conseil qui cassait celui du Parlement «comme rendu contre la volonté connue du Roi et par entreprise sur le pouvoir qui appartenait à Sa Majesté seule de donner des lois et des règles à ses sujets»; en outre, un huissier du Conseil, se rendant chez le greffier du Parlement, bissa de sa main l'arrêt sur les registres. Bien que ni l'arrêt du Parlement ni celui du Conseil n'eussent été imprimés, des copies manuscrites s'en répandirent à l'instant dans le public, et nul doute qu'il ne se fût produit quelque émoi dans Paris, si, conformément à l'usage du Palais, le Parlement ne fût entré, de la veille, en vacations pour deux mois. Néanmoins, par mesure de précaution, le ministère fit crier dans les rues un arrêté où, renouvelant l'injonction du silence au sujet des deux Puissances, il menaçait de traiter comme rebelle quiconque ranimerait les disputes sur l'affaire de la Constitution, laquelle, disait-il, «devait être regardée de tous côtés comme entièrement finie». Si le gouvernement n'eut pas de troubles à réprimer, il n'obtint pas du moins le silence dont il s'était flatté. Partout on ne parlait que des deux Puissances, en sorte qu'on pouvait croire, écrivait un contemporain, que deux puissances collatérales dirigeaient effectivement l'État. L'archevêque d'Embrun, non moins irrespectueux que l'évêque de Laon pour les ordres du Roi, fit paraître un mandement où il traitait d'hérétique le Parlement tout entier. Condamné, comme son collègue, par un arrêt du Conseil, et privé comme lui du privilège d'imprimer ses mandements, il éluda cette défense en publiant des Lettres. L'évêque de Laon, «à qui les mains démangeaient^», publia des Réflexions. Désireux d'en finir avec ces agitations, le cardinal de Fleury prêta l'oreille à une proposition de coup d'Etat contre les Jansénistes. Il s'agissait d'arrêter environ quatorze cents personnes, seigneurs de la cour, curés de Paris, gens de robe et particuliers. On devait aussi enlever le tombeau de «Monsieur Paris» , et c'était là le plus grand embarras. Le garde des sceaux, qui avait adhéré au complot, déclara «que, pour cela, il ne s'en chargerait pas» . Le lieutenant de police fît enfin sentir au cardinal le danger d'une telle entreprise, et le projet fut abandonné. Le moment était venu où le Parlement allait reprendre ses séances. Comme on le savait résolu à s'occuper d'abord de la radiation de son dernier arrêt, tout le monde s'attendait «à voir de belles choses». Le ministère, qui s'y attendait aussi, commença par arranger l'affaire des avocats et rappela les exilés. A l'égard du Parlement, il lui expédia, le jour même de sa rentrée, une lettre de cachet qui lui défendait de délibérer sur les suites données par le Conseil à l'arrêt du 7 septembre. Les magistrats, qui se doutaient du contenu de cette lettre, refusèrent d'en entendre la lecture; et, comme le premier président alléguait que la communication d'un ordre du Roi devait précéder toute délibération, ils demeurèrent plusieurs heures oisifs, les bras croisés, se regardant les uns les autres et prenant du tabac. Le lendemain, ils se déterminèrent à lire la lettre, ainsi qu'une autre qui, confirmant la première, enjoignait au procureur général de dénoncer ceux de «Messieurs» qui feraient acte de désobéissance. A cette communication, l'abbé Pucelle s'écria que, si le Roi était au Louvre, il faudrait aller jusqu'à son trône porter les plaintes et les respects du Parlement et forcer même les barricades pour y arriver. Quelqu'un ayant dit que le Roi était à Marly, on décida par acclamation de se rendre auprès de lui. Cinquante conseillers arrivèrent à Marly. Ils n'y trouvèrent personne pour les recevoir, hors un gentilhomme de la chambre, qui, de la part du monarque, leur ordonna de s'en retourner. Ils durent se résigner et rentrer à Paris . On chargea le premier président d'aller vers le Roi solliciter pour le Parlement la permission de lui porter ses plaintes. Louis XV répondit au premier président qu'il voulait être obéi, et tourna le dos. Les magistrats prirent alors un arrêté, aux termes duquel des représentations seraient adressées au Roi «en temps plus opportun». Ce mot opportun choqua le cardinal de Fleury, qui crut «que cela voulait dire quand il n'y serait plus». Le Parlement, mandé à Versailles, reçut une réprimande, après quoi l'on ne parla plus de l'arrêt du 7 septembre. Rassuré au sujet du Parlement comme à l'égard des avocats, le ministère résolut d'étouffer une autre cause d'agitation. Le 29 janvier 1732, il fit fermer le cimetière Saint-Médard. On prit la précaution d'envoyer le guet à cheval dans le faubourg Saint-Marcel dès quatre heures du matin, et, à chaque corps de garde, on posta vingt soldats avec armes chargées. Il ne se produisit autre chose que des rumeurs. Les malades se contentèrent de se porter à l'église, où ils se tournaient dévotement du côté du cimetière. Trois mois après, le gouvernement complétait l'effet de cette mesure, en faisant brûler par la main du bourreau, sur la place du parvis de Notre-Dame, divers écrits où étaient célébrés les miracles de M. Paris . Il se flattait d'avoir opéré le retour de la tranquillité, quand elle fut troublée de nouveau par un mandement de l'archevêque de Paris qui condamnait les Nouvelles ecclésiastiques. L'archevêque avait ordonné aux curés de lire son mandement aux prônes de leurs paroisses. Vingt et un s'y refusèrent, parce que le prélat, dans cette instruction, parlait de la Bulle comme d'un décret reçu de l'universalité du clergé. Un curé, nouvellement nommé par l'archevêque, ayant voulu lire le mandernent en présence de près de deux mille personnes qui remplissaient l'église, on n'attendit pas qu'il en eût commencé la lecture. Aussitôt qu'on l'eût vu tirer un papier de sa poche, tout le monde se leva et sortit de l'église avec fracas, renversant les chaises et se culbutant. Des femmes pleuraient, disant «qu'il était indigne de publier des choses comme celles-là». Le Parlement s'assembla, de son côté, au sujet de ce mandement. Le Roi lui intima l'ordre de ne prendre aucune délibération sur les affaires de l'Eglise avant de connaître ses intentions. Cette fois, les magistrats ne purent contenir leur ressentiment, et, d'une voix unanime, décidèrent de se démettre de leurs charges plutôt que «de se laisser avilir». Le Roi manda à Gompiègne plusieurs des conseillers et leur témoigna en termes sévères son mécontentement. Le premier président ayant voulu parler, il lui dit «Taisez-vou». Comme l'abbé Pucelle s'avançait, tenant à la main un écrit qui exposait les plaintes du Parlement, il dit au comte de Maurepas, secrétaire d'Etat: Déchirez ce papier. Le jour même l'abbé Pucelle était exilé, et un autre conseiller mis à Vincennes. A la nouvelle de ces violences, qui taisaient présager de la part de la cour de plus graves desseins, Paris fut consterné. Peu après, le bruit se répandait que le ministère allait ôter aux magistrats les appels comme d'abus. L'alarme augmenta. Au mépris des injonctions du monarque, le Parlement, usant du droit que lui conféraient les lois du royaume, déclara qu'il y avait abus dans le mandement de l'archevêque, et en suspendit la distribution. De peur que son arrêt ne fût bitfé comme l'avait été celui du 7 septembre, il le fit imprimer séance tenante. Le lendemain, tout Paris en était « farci ». Le gouvernement cassa l'arrêt, et quatre conseillers furent enlevés et conduits en exil. Aussitôt tous les magistrats signèrent leurs démissions, à l'exception de la grand'chambre, que ses relations avec la cour et l'âge avancé de la plupart de ses membres rendaient plus timorée. Cet événement se passait le 20 juin 1732. Cent cinquante magistrats sortirent du Palais, deux à deux, au milieu d'une foule énorme qui s'écriait sur leur passage: «Voilà de vrais Romains et les pères de la patrie!» Le ministère, que ce coup frappait à l'improviste, se sentit embarrassé. On fit savoir aux magistrats que le Roi, dans son indignation, avait résolu de les dégrader de noblesse, de confisquer leurs charges et de les exiler tous à trente lieues des maisons royales. En présence de ces menaces, quelques conseillers, qui avaient moins obéi à leurs propres sentiments qu'à l'en-traînement de l'exemple, parlèrent d'accommodement. Le gouvernement se hâta d'y prêter les mains. Des deux parts on se rapprocha, et, le 10 juillet, le Parlement reprenait ses fonctions; mais chacun sentait que ce n'était là qu'une suspension d'armes. A peine les conseillers étaient-ils réinstallés que paraissait, sur l'origine et l'autorité du Parlement, un mémoire dans lequel on revendiquait avec audace le droit des magistrats méconnu par la cour. On s'y élevait surtout contre les évocations au Conseil, qui annulaient l'action du Parlement et dont celui-ci plusieurs fois s'était plaint amèrement. Quand il s'agit d'une chose où le peuple a intérêt, disait l'auteur de ce mémoire, ce n'est pas dans le Conseil du Roi qu'elle peut être résolue. Le Roi ne peut contracter avec ses peuples que dans le sein du Parlement, lequel, aussi ancien que la couronne et né avec l'Etat, est la représentation de la monarchie tout entière. Le Conseil du Roi, espèce de juridiction établie au mépris des lois les plus fondamentales du royaume, n'a aucun caractère public, et il commet une usurpation manifeste quand il casse ou infirme les arrêts du Parlement. Il importe peu que le Roi soit présent à son Conseil; il n'y assiste pas pour détruire les lois; le rôle du souverain consiste à les maintenir. C'est là son serment; c'est là le contrat qu'il a fait avec ses peuples. Comme il ne peut faire de lois qu'avec le concours du Parlement, il doit supporter de celui-ci les refus ou les remontrances. Les magistrats qui abandonneraient devant la royauté le droit de la résistance seraient prévaricateurs dans leurs fonctions et deviendraient criminels » Aux yeux des hommes les moins prévenus, les principes exposés dans ce mémoire tendaient à convertir le Parlement en «une assemblée représentative de la nation entière», et à faire du royaume une espèce de république. Le Parlement flétrit ce mémoire par un arrêt. Il s'honorait par son impartialité, devant au fond être favorable à un écrit qui défendait ses droits. Non-seulement ses droits, mais son existence étaient menacés. De divers côtés, on excitait le cardinal de Fleury à supprimer le Parlement. «Trois ou quatre sujets fidèles, lui écrivait alors le marquis d'Argenson,—qui devait par la suite professer d'autres idées,—suffiront pour proposer et concerter avec Votre Éminence les moyens de se passer pour toujours de cette Compagnie.» N'osant renverser le Parlement, le cardinal essaya de l'amoindrir. Le 18 août 1732, il envoya aux magistrats une Déclaration qui changeait l'ordre et les usages du Parlement, limitait son action dans les appels comme d'abus et le dépouillait en partie de son droit de remontrances. Un président à mortier, averti de cet envoi, dit la veille au garde des sceaux que c'était rallumer le feu. «Il ne s'agit pas d'éteindre le feu, avait répondu celui-ci, mais de soutenir l'autorité royale, dont nous viendrons à bout.» Le Parlement protesta, et tout le public avec lui. La grand'chambre elle-même s'associa au mécontentement général. A plusieurs reprises, le Parlement supplia le Roi de retirer sa Déclaration. Mais le ministère, qu'enhardissait l'approche des vacations, paraissait résolu. Le 3 septembre, la Déclaration était enregistrée en un lit de justice que le Roi tint dans la salle des Gardes à Versailles, et auquel durent se rendre tous les magistrats en robes rouges. Les règles du royaume défendaient de déplacer le siège du Parlement. Les magistrats s'emparèrent d'une circonstance qui servait leurs griefs; et, de retour à Paris, ils rendirent un arrêt par lequel le lit de justice était happé de nullité. Les Jansénistes, «qui ne demandaient que désobéissance formelle», applaudirent aune action qu'ils qualifièrent d'héroïque. Le ministère riposta aussitôt par des lettres d'exil. Cent trente- neuf magistrats furent enlevés «d'un seul coup de filet». Ce coup fait, il en craignit les suites. Au mois de novembre,—époque à laquelle cessaient ordinairement les vacations,—les lettres d'exil étaient révoquées, les magistrats rappelés, et la Déclaration elle-même «mise en surséance», c'est-à-dire retirée. Cette fois, le Parlement triomphait. Une telle marque de faiblesse, après de si éclatantes rigueurs, n'était pas propre à rehausser dans l'opinion le prestige déjà ébranlé du gouvernement. Les gens de cour disaient eux-mêmes qu'on ne faisait faire au Roi que des sottises. Ces violences répétées contre le Parlement attisèrent chez les Jansénistes les passions et les ressentiments. Durant l'exil des magistrats, on avait distribué des estampes où des Jésuites étaient représentés mettant la main sur la couronne, à côté d'autres pères de la Société de Jésus qui portaient en terre le cadavre du Parlement. Le retour des magistrats n'apaisa pas les colères. Le cardinal se vit attaqué personnellement dans un libelle, où l'on flétrissait sa conduite depuis son entrée au ministère. On l'accusait d'avoir conspiré avec Rome et avec les évêques la perte des libertés gallicanes et de l'indépendance de la couronne. On lui reprochait ses persécutions contre les Jansénistes, ses évocations au Conseil qui, en étouffant la voix des magistrats, lui étaient un moyen de frapper l'innocent. On l'accusait de n'avoir obéi qu'à des vues ambitieuses en s'attachant au parti des Jésuites, et d'avoir fait plus de maux à la France par la Constitution que n'auraient pu en causer la peste, la famine ou la guerre. Tandis que ce libelle se répandait dans le public en dépit de la police, le second ordre du clergé élevait de nouveau la voix, et, invoquant des traditions qu'il disait méconnues, exposait dans un mémoire hardi son droit d'être entendu, au même titre que les évêques, sur les matières de foi. Eu même temps s'imprimaient des ouvrages qui proclamaient le droit des souverains dans l'administration de l'Eglise et retraçaient l'histoire des entreprises de la Papauté sur les pouvoirs séculiers. Enfin l'évêque de Montpellier, présentant, dans une instruction pastorale, un éloquent tableau des troubles de la catbolicité, annonçait «une prochaine révolution qui ferait succéder une léglise nouvelle à l'Eglise présente» , séduite et avilie. Le parti ultramontain ne montra pas une moindre animation. Outrés de la dernière victoire du Parlement, les Jésuites, les évêques et les constitutionnaires lancèrent dans le royaume des écrits «furieux», où l'on disait qu'il n'y avait aucun secours à espérer du gouvernement ni du prince, et que les amis de Rome et de la religion ne devaient plus compter désormais que sur eux-mêmes. Dans plusieurs diocèses, les évêques appelèrent les fidèles à signer des actes de protestation contre la conduite du ministère, et firent circuler des listes de souscription malgré la loi qui les interdisait. Par des libelles où l'on accusait le Parlement de chercher à diminuer l'autorité du monarque, on s'efforça de provoquer de nouveaux conflits entre lui et la royauté, pendant que, dans des thèses de Sorbonne, dans des brochures, on mettait hautement les pouvoirs ecclésiastiques au-dessus des pouvoirs temporels et Rome au-dessus des rois. On en vint à exprimer des vœux pour le retour des temps meurtriers de la Ligue. Dans un écrit adressé à tous les évêques de France, on déclarait qu'un schisme rigoureux, éclatant, et par lequel seraient retranchés du corps de l'Eglise tous les membres «gangrenés , était le seul remède qu'on pût apporter aux maux de la foi. Dans un autre, on disait que le catholicisme était près de périr sous les coups répétés de ses ennemis, et qu'il était du devoir des croyants de courir au tocsin et de sonner l'alarme. En présence de ce tumulte, le ministère, anxieux, irrésolu, penchant tantôt vers le Parlement, tantôt vers les évêques, ordonnait à tout instant et toujours en vain l'exécution des arrêts du Conseil qui défendaient les disputes au sujet des deux Puissances et de la Constitution. Quant au Roi,— lequel, il est vrai, n'avait guère que vingt-quatre ans,—il ne se mêlait de rien, se déchargeait de tout soin sur le cardinal de Fleury et ne faisait autre chose que chasser et souper. La demande d'un concile national adressée au gouvernement par les évêqucs accrut encore le tumulte. La Bulle devant être, dans ce concile, nommée règle de foi, c'eût été, disait-on, le schisme ouvertement déclaré et dès lors le feu mis atout le royaume. De graves événements qui se passaient à ce moment en Europe arrêtèrent l'exécution de ce orojet. La France se voyait sur le point d'être entraînée dans une guerre dont la perspective attirait déjà toute l'attention du ministère. Les hommes sages qui se tenaient en dehors des partis espérèrent de cette conjoncture une diversion salutaire au trouble des esprits. «Quoique la guerre soit un grand fléau, écrivait l'un d'eux au mois de juillet 1733, c'est à elle, si elle vient à éclater, qu'on devra la paix du royaume, paix qui sera bien chère, puisqu'on ne peut l'acheter qu'à ce prix »
LIVRE III. SECONDE MOITIÉ DU MINISTÈRE FLEURY (1733-1743) |