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BILIOTHÈQUE FRANÇAISE |
HISTOIRE DE LORRAINEIntroduction à l'Histoire Politique de Lorraine
GÉRARD
D’ALSACE (1048-1070).
La
Lorraine, ou royaume de Lothaire, était le pays situe entre la Meuse et le
Rhin, ayant appartenu à Lothaire Ier; il fut cédé par lui à son
fils, Lothaire II, quand il abdiqua la royauté en 855. Après bien des
changements, ce pays se donna à Louis IV, dit l’Enfant, roi de Germanie, en
900. En 911, les Lorrains furent sujets de Charles le Simple, roi de France ; Henri
l’Oiseleur, roi de Germanie, les soumit en 923. Après un retour offensif de
Louis d’Outremer, roi de France, ils rentrèrent sous la domination allemande,
en 940.
La
Lorraine fut partagée en deux duchés :
La
Lorraine Ripuaire ou Basse-Lorraine qui fut donnée à Godefroy, comte de Verdun,
à qui succédèrent Gothelon, son frère, Godefroy II le
Bossu, fils de celui-ci, puis Godefroy de Bouillon, son neveu, en 1089.
La
Haute-Lorraine ou Lorraine Mosellane est celle dont nous entreprenons
l’histoire. Son premier duc particulier fut Frédéric d’Alsace, frère
d’Adalbéron, évêque de Metz et beau-frère de Hugues Capet (959) ; il reçut ce
duché de l’empereur Othon 1er. Frédéric II, son petit-fils, étant
mort sans enfant (1033), le duché passa à Gothelon,
duc de Basse-Lorraine. Albert, qui devait succéder à celui-ci, fut mis de côté.
Quand il mourut, l’empereur Henri III donna, en 1048, le duché de
Haute-Lorraine à Gérard d’Alsace. En fait, il en est le premier duc héréditaire
; si l’empereur lui conféra cette hérédité, le titre fut égaré et ne fut
jamais retrouvé.
Gérard
était déjà voué de Metz, quand il fut nommé duc de Lorraine ; c’était un
puissant seigneur. Il avait des domaines en Alsace, possédait la vallée de la
Sarre avec Bitche ; il acquit le Saintois, la partie supérieure de la Meuse,
les environs de Trêves. Plus tard, il reçut la vouerie de Bouzonville. Saint
Gérard lui-même, évêque de Toul, lui donna la vouerie de Saint-Dié ; Udon,
évêque de Toul, lui conféra la vouerie de l'abbaye de Saint-Epvre à Toul ; il
acquit encore de Madeleine de Verdun la seigneurie de Dieuze.
L’origine
de sa famille remontait à : Rigomert d’Alsace, en
640 ; Eberhard II ; Eberhard III ; Hugues, époux de Hildegarde ; Eberhard IV, qui eut deux frères, l’un, la
souche des comtes de Habsbourg ; l’autre, Hugues, père de Léon IX, évêque de
Toul et pape.
Eberhard,
de son côté, eut : Adalbert d'Alsace, Adélaïs ou
Albert, qui fut l’épouse de Henri, le père de Conrad le Salique, empereur
d'Allemagne, et Gérard d’Alsace, notre duc de Lorraine.
Gérard
épousa Hedwige qui descendait du roi de France Charles le Simple (912).
Gérard
eut à soutenir une guerre contre Godefroy de Bouillon ; celui-ci le vainquit et
le fit prisonnier. Il dut sa liberté à Léon IX.
Sur la
sollicitation de Udon, évêque de Toul, il s'allia à
Louis, comte de Bar ; celui-ci lui envoya cinq cents soldats, et Gérard
détruisit le château de Vaucouleurs, dont le seigneur ravageait les terres de
l'évêque.
Les
seigneurs, jaloux de sa puissance, se révoltèrent rentre lui ; il reçut de
l’empereur Henri IV un secours de deux mille hommes pour les réduire.
Il vivait
à Chàtenois ; il mourut subitement ; fut-il empoisonné secrètement par ses sujets rebelles ? On
ne saurait le dire.
C’est lui
qui fit bâtir le château de Vaudraient et son donjon, la tour dite de
Brunehaut.
THIÉRY
Ier (1070-1115).
Sophie de
Bar, épouse du comte de Montbélard et Ferrette, à qui
elle apportait par son mariage le comté de Bar, réclama le duché de Lorraine,
en qualité d’héritière du duc Frédéric II. L’hérédité était si peu assurée que
les seigneurs furent consultés pour décider lequel était l’héritier légitime ;
ils déclarèrent que le duché appartenait à Thiéry Ier.
Hedwige,
sa mère, réclama la régence ; le jeune duc répondit qu'il n’était plus un
enfant, qu’il avait dix-sept ans, âge de la majorité des ducs de Lorraine.
Son frère
Gérard, à son tour, se plaignit de l’insuffisance de son héritage, lui fit la
guerre et lui prit Xugney. Henri IV intervint ; il engagea Thiéry à donner à
son frère le Saintois et Vaudémont, c’est-à-dire le pagus sanctingensis, pays riche, comptant beaucoup de villages.
Gérard dut rendre Xugney.
Profilant
des embarras où se trouvait Henri IV, Gérard fit des incursions dans le pays,
mettant à rançon ses prisonniers. Louis de Bar tomba entre ses mains, fut tenu
en une dure captivité, d’où il ne sortit qu’après des supplications et le versement
d’une forte somme. Il ne revit la liberté que pour mourir.
Gérard
laissa partout les traces de sa fureur : il s’attaqua à Eudes Ier,
duc de Bourgogne ; il fut vaincu et tomba au pouvoir de son adversaire. Thiéry
intercéda pour obtenir la délivrance de son frère. Eudes refusa ; il ne lui
rendit la liberté qu’après que Thiéry se fut jeté sur les alliés du duc de
Bourgogne et les eut battus : Eudes céda à Thiéry Châtel-sur-Moselle. en
échange de Xugney. Gérard de Vaudémont mourut en 1120 et fut inhumé dans
l’abbaye de Belval qu’il avait fondée.
Les
seigneurs s’étant mis de nouveau à piller et à rançonner le pays, Thiéry mit le
siège devant Epinal. Puis, prenant en pitié les maux des assiégés, il se retira
à Arches, dont il construisit le château pour contenir Widric d’Epinal.
Le duc de
Lorraine, lié d’amitié avec Henri IV, fut de son parti dans la querelle des
investitures contre le pape Grégoire VII. Les évoques du pays lui en donnaient
l’exemple : Udon de Trêves, Pibon de Toul, Thiéry de Verdun, déposèrent le pape dans la diète de Worms. Tous
agissaient par crainte de l'empereur ; ils furent excommuniés. Mathilde qui vit
dans son château de Canosse, en Toscane,
l’humiliation de Henri IV et sa soumission au pape, était fille de Béatrix,
sœur de Sophie de Bar.
Thiéry,
vieux et changé, construisit à Nancy le prieuré de Notre-Dame et le soumit à
l’ordre de Molesmes. Il avait fait vœu d’aller à la croisade ; se défiant de
ses forces, il envoya à sa place quatre chevaliers et un arbalétrier. Il fonda
une partie de Neufchâteau. Ses enfants furent : Simon Ier, qui lui
succéda ; Thiéry de Bitche, qui régna en Flandre par droit de conquête, et par
droit d’héritage de sa mère ; Gérard, qui s'établit en Alsace sur les biens de
la famille, et Henri de Lorraine, évêque de 'Toul. Thiéry avait mérité dans les
combats le nom de Vaillant.
SIGISMOND
OU SIMON (1115-1139).
Il hérita
des biens de son père, à l'exception de Bitche et des biens situes en Alsace ;
il lut le voué des abbayes lorraines : Saint-Dié, Senones. Etival,
Moyenmoutier.
Il fui
attaqué par Albéron de Montreuil, évêque de Trêves ;
Renaud, de Bar ; Etienne, évêque de Metz ; ils mirent le siège devant Sierck.
Simon s’avança pour tes repousser. Un jeune homme, Godefroy de Fiquelmont, eut la hardiesse de venir sur la forteresse de
Nancy. Le capitaine Richard, ayant quatre cents homme sous ses ordres, se
défendit dans le château de Frouard. Le duc revint en hâte livrée bataille ; il
fut vaincu sous Bouxières-aux-Dames ; il se retira dans le château de Nancy,
élevé là où se trouve maintenant la Monnaie. Il aurait succombé si sou
beau-frère Lothaire II, empereur, n’était venu le secourir avec une armée de
huit mille hommes.
Simon
possédait à Nancy un autre château fortifié, celui du Saulrupt ou Saulru.
Béatrix,
tille de Simon, fut épousée par Renaud III de Bourgogne ; sa fille Béatrix fut
l’épouse de Frédéric Ier, empereur d’Allemagne.
Saint
Norbert vint alors en Lorraine ; il fut reçu magnifiquement à Prény par le duc
Simon qui lui donna un lieu solitaire aux eaux abondantes pour y fonder le
monastère de Sainte-Marie-aux-Bois, à Vilcey-sur-Trey (Meurthe-et-Moselle). Le
prince enrichit cette maison de plusieurs monastères, les laïcs imitèrent le
duc ; Richard, disciple de saint Norbert, vint s’y fixer.
Saint
Bernard vint aussi ; il convertit la duchesse qui était fortement détenue
dans les lacs d’amour. Pendant la nuit qui précéda la venue du saint, elle
vit en rêve sept serpents qui sortaient de son cœur ; le reste de la conversion
fut facile, elle écouta le saint.
En 1135,
le duc fonda l’abbaye de Sultzbroun.
La veuve
de Simon se retira dans l’abbaye de Tart, entre
Châtenois et Neufchâteau ; elle y mourut, dit Thiérat ; son fils donna à cause d’elle à cette abbaye cinq poêles à sel, à Vic.
MATHIEU
Ier (1139-1176).
Mathieu
acheta à Drogon, descendant d’Oldric, la seigneurie
de Nancy, où il ne possédait encore que deux châteaux ; et des lors ce fut sa
capitale ; il délaissa Châtenois et Neufchâteau. Il donna en échange à Drogon,
Rosières-aux-Salines : les de Lenoncourt descendent de celui-ci.
Il partit
à la deuxième croisade avec un grand nombre de seigneurs lorrains : Hugues de
Vaudémont, Simon de Parroy, etc...
A son
retour, il bâtit à Gondreville un château ; il enfreignait ainsi une loi de
Dagobert qui défendait d’élever aucune forteresse à moins de quatre lieues de
Tout. Le chapitre de Toul fit sa plainte au Pape Adrien IV qui excommunia le
duc en 1159. Pour être relevé de l’excommunication, il accepta la pénitence
d'aller en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Arrivé à Cluny, il tomba
malade et revint à Nancy; il donna aux moines de Cluny, pour les récompenser de
leurs bons soins, le village de Dombasle.
Il fit la
guerre à l’évêque de Metz, qui lui demandait la restitution des domaines qu’il
avait pris. Le duc perdit d’abord Hombourg et Lutzelbourg ; mais il prit Mirebois, près de Faulquemont, Deneuvre, Vic et Vatimont.
L’évêque détruisit Prény. Conrad III intervint et mit fin à cette querelle.
La
chronique dit que alors le duc eut deux jolis poupons de gentille, douce et
accorte Grésille Allain, fille de son argentier. Cet égarement fut suivi d’un
autre. Dans la guerre de Frédéric Ier contre Alexandre III, pape, il
prit le parti de l’empereur, son beau-frère, tandis que les évêques de Trêves,
Verdun, Pibon de Toul, nommaient à Worms l’antipape
Victor IV. Il assista à la consécration de l’église de Toul faite en 1148 par
le pape Eugène III.
Gérard II
de Vaudémont, vers ce temps, avait appelé de Béthanie, près de Besançon, des
Cisterciens pour les installer à Carrières dans le val de Chaligny. L’humidité
extrême de cet amleu (amer lien) et la méchanceté des
habitants, duri el feroces,
les obligèrent à se retirer dans la foret de Haye ; le duc leur concéda un lieu vaste qu'ils
défrichèrent ; ils y bâtirent une église, puis un monastère ; telle est
l'origine de Clairlieu. Le duc leur donna les moulins
de Nancy. Il enrichit l’abbaye de Tart, confirma aux
moines de Sainte-Marie-aux-Bois la donation de Blanzey faite par un seigneur.
Les
Templiers, récemment fondés, possédaient alors douze maisons en Lorraine ; Libdo, près de Toul; Saint-Georges, près de Lunéville ;
Cercueil ; Norroy ; Virecourt, etc... Les Hospitaliers fondèrent Saint-Jean-du-Vicil-Aître. En 1160, Mathilde de Hambourg, épouse d’un
comte de Salm, fonda Salivai, près de Marsal. Comme en ce temps-là on mangeait beaucoup de poissons, on fit un grand nombre d’étangs. Les moines
eurent des poêles à Vic, Marsal et Salonne, pour se
procurer le sel et même le vendre, La Moselle était très poissonneuse ; les
saumons y abondaient.
Mathieu Ier institua les prévôts ; cette mesure atteignait les seigneurs dans leurs droits
de justice ; il créa même à Nancy les échevins, élus par la population, pour
gérer l’administration ; les seigneurs descendirent au deuxième rang.
SIMON
II (1176-1205).
Berthe de Sonabe, sa mère, femme dure et autoritaire, voulut le
tenir en tutelle ; une voix mystérieuse disait que la Lorraine aurait malheur
si le duc régnait seul. On souleva une tapisserie dans l’appartement de la
duchesse et l’on trouva l’auteur de la voix qui était blotti derrière ; les
seigneurs assemblés déclarèrent qu’ils voulaient que le duc régnât. Le
soi-disant sorcier Engelrand, auteur de la
supercherie, fut pendu.
Ferry de
Bitche, frère du duc, se plaignait de la trop petite part qui lui était faite
de l’héritage paternel ; il vint assiéger Amance. C’était une forteresse dont
les murailles étaient hautes et défendues par huit tours ; elle était située en
un lieu escarpé. Le duc s’avança pour le combattre jusqu’à Lay-Saint-Christophe
avec une armée supérieure à celle de l’adversaire ; celui-ci ne vint pas livrer
bataille. Sur la prière de l’empereur, le duc lui abandonna Châtenois,
Neufchâteau et quelques autres places.
Le duc
battit à Remich, au-dessous de Thionville, une armée de Cottereux (Cotteraux) qui lui avait envoyé comme défi la plante
appelée « gant de Notre-Dame », qui est la campanule.
Ferry
renouvela encore ses plaintes au sujet de son héritage ; Simon lui abandonna
encore Ormes, Gerbéviller, la vallée de la Sarre et ce qu’il possédait entre
Metz et Trêves. Ferry trouva enfin son maître dans l’archevêque de Trêves qui
le battit et le fit prisonnier. Simon intervint en faveur de son frère ;
celui-ci, mis en liberté, s’empressa de lui faire hommage, comme à son
seigneur.
Simon
sentit que sa fin approchait ; il avait été élevé par un prêtre ; les
sentiments de piété de sa jeunesse lui revinrent. Il abandonna son duché à
Ferry, son frère, et prit l’habit monacal dans l’abbaye de Sultzbronn,
qu’il avait fondée.
FERRY
Ier (1205-1206).
Il ne
régna que quelques mois ; se sentant âgé, il remit tous ses Etats à Ferry II.
Dès lors, les ducs cessèrent de démembrer leur duché pour faire les héritages
de leurs enfants .
FERRY
II (1206-1213).
Il épousa
Agnès de Bar. Thiébaut Ier de Bar, son beau-père, qu’il avait
offensé, envahit la Lorraine avec une armée d’aventuriers ; il prit Vic, le
détruisit et emmena comme otages les principaux habitants. Il prit Prény et le
détruisit, en présence de son gendre qui n'osa lui livrer bataille à cause de
l’infériorité de ses forces. Ferry, de son côté, dévasta Gorze, dont Thiébaut
Ier était le voué.
Le 3
février 1208, le duc fut battu et fait prisonnier ; dans la paix qui suivit,
Thiébaut exigea la propriété de ce qu’il avait occupé ; il garda Amance, qui
reviendra dans la suite à la duchesse et à ses enfants. Le château de Romont,
près de Rambervillers, dut être détruit, le duc paya encore 2.000 marcs d’or.
Parmi les seigneurs pris avec le duc et rachetés par lui figurent Vauthier de
Prény et Albert de Parroy (1212).
C’est
l’énormité de la rançon qu’il eut à payer qui amena Ferry à prendre parti
contre Othon en faveur de Frédéric, qui fut empereur sous le nom de Frédéric
II. Le pape soutenait alors celui-ci. Ferry en reçut 200 marcs d’or avec la
promesse qu’il en recevrait 2.000 marcs cette guerre, Ferry occupa Haguenau,
puis il vint au secours de moines de Senones que Henri II de Salm tyrannisait.
Il mourut peu de temps après.
THIÉBAUT
Ier (1213-1220).
C’était le
bel duc. Sa femme Gertrude, fille unique du comte de Dagsbourg,
Albert, lui apporta en dot le comté de Dagsbourg.
Agnès de Bar, sa mère, lui abandonna Longwv, Stenay
et Amance.
Son
oncle, Mathieu de Lorraine, évêque de Toul, couvrit alors de honte et de deuil
la famille ducale et l'église de Toul. Il était né en 1170 de Frédéric ou Ferry
de Bitche et de Ludomille; ses parents avaient de
nombreux enfants; ils destinèrent celui-ci à l’état ecclésiastique sans se
rendre compte de ses mauvais instincts. Dès l’âge de six ans il fut doté de
deux canonicats, à Saint-Dié et à Tool : à douze ans, ce puer canonicus devint archidiacre de Tool. A peine sorti de
l’adolescence, il séduisit une religieuse, dont il eut une fille qu’il fit
élever en secret. Après la mort d’Eudes de Vaudémont, évoque de Toul, il se mit
sur les rangs pour obtenir la succession sur le siège de saint Mansuy (1193).
Il ne triompha qu’en 1200. Michel Erard dit de lui et de son libertinage des choses odieuses. Il vendit plus de vingt
domaines de l’évêché et amena à rien 1.000 livres de revenu. Les chanoines
envoyèrent à Rome Pierre, leur doyen, demander au pape sa dégradation. Le pape
hésitait à faire un acte qui touchait une si haute famille ; il remit l’affaire
entre les mains de son légat de Palestrina et des abbés de Beaulieu en Argonne
et de Saint-Benoit en Woëvre. Les commissaires
conclurent à la condamnation de l’évêque et Mathieu fut excommunié. Simon, son
frère, plein de fureur, fit saisir le doyen Pierre, le fit mettre sur un âne,
les pieds liés sous le ventre de l’animal et le visage tourné vers la queue, et
le promena ainsi ignominieusement devant Mathieu. Après une nouvelle et
troisième instances faites par Mathieu et sa famille, le pape confirma la
sentence d'excommunication et de déposition ; Renaud de Senlis fut nommé
évêque de Toul.
Mathieu
se retira dans sa prévôté de Saint-Dié et vécut publiquement en un commerce
incestueux avec Adèle sa fille.
Le duc
Ferry, rougissant enfin de tant de scandales, lit prendre cette tille et
l’enfermer à Bernstein. L’évêque déposé faisait pendant le jour des actes de
banditisme et se retirait les nuits sur le Clairmont.
Or, en
1217, Renaud de Sentis, ayant célébré les fêtes de Paques à Saint-Sauveur,
allait à Autrey, dans les Vosges, il se trouvait près d'un étang entre Nompatelize et la Bourgonce, lorsqu’il tomba entre les mains de Mathieu et de
ses sicaires ; l’écuyer , Jean, soudoyé par Adèle, le poignarda en présence
même de Mathieu. Celui-ci prit les dépouilles de résèque et le Saint-Chrême et se retira à Bilstein.
Thiébaut
de Lorraine vint dans les Vosges pour le saisir et le punir. Le coupable qui
était revenu au Clairmont avec Adèle, vint jusqu’au
ruisseau de Nompatelize pour essayer de le fléchir. Le duc dit à Simon de
Joinville : Si vous m’aimez, frappez-le de votre lance.
-
A Dieu ne plaise, fut-il répondu, que
je tue un homme de si haute naissance. Alors le duc prit la lance et le
tua.
Peu de
temps après, Thiébaut, profitant de ce que l'empereur Frédéric était occupé
ailleurs, voulut s’emparer de Rosheim, en Alsace. Comme il avait aussi offensé
Anne de Castille, veuve de Thiébaut II, comte de Champagne, il vit ses ennemis
se réunir, et envahir ses Etats. Il chercha sa sûreté en s’enfermant dans le
château d’Amance. Frédéric vint l’y assiéger. Le duc, soit que la place ait été
prise d’assaut, soit qu’il ait mieux aimé se rendre que d’en causer la
destruction, se rendit prisonnier.
Il dut
accepter de dures conditions pour obtenir la paix : il reconnut la comtesse de
Champagne pour sa suzeraine (clause qui ne fut jamais oubliée en France).
Frédéric l’emmena prisonnier à Wurtzbourg ; Henri, abbé de Senones, n’entendant
plus parler de lui, envoya à sa recherche le moine Richer qui le trouva dans
cette ville. Il recouvra enfin la liberté moyennant le paiement de 1.200 livres
de fort. Frédéric le laissa partir, mais il le fit accompagner par une femme
qui l’empoisonna, à Strasbourg, selon les uns, ailleurs, selon les autres. Cet
acte monstrueux étonne peu de la part de Frédéric II. Il laissa le trône ducal
à son frère.
MATHIEU
II (1220-1251).
Sa mère,
Agnès de Bar, réclama la possession de Nancy, son douaire, et la mainbournie,
c’est-à-dire la tutelle de son fils. Celui-ci lui dit : Maître si-je et le
serai. Elle céda.
La
comtesse de Champagne engagea Gertrude de Dagsbourg,
veuve de Thiébaut Ier à réclamer son douaire, le comté de Dagsbourg, la ville de Nancy et Gondreville ; elle la fit
ensuite épouser par Thibaut IV, son fils ; c’était le démembrement de la
Lorraine qui se préparait. Ce mariage fut dissous à cause des liens de parenté
des époux ; elle épousa Simon, comte de Linange, et
mourut sans enfant. Le duc Mathieu dut payer les dettes de son frère et la moitié
de celles qu’il avait contractées à Metz.
Le duc
vint à Troyes faire serment à son seigneur, selon le traité d’Amance ; le comte
de Champagne exigea de lui la remise de fiefs à Gondreville ; il le pressa
encore pour qu’il accordât aux gens de Neufchâteau le droit de nommer leurs
magistrats, et s’interdît d’arrêter un citain de
cette ville sans l’agrément du conseil de ville.
Le duc
épousa Catherine de Limbourg (dans le Luxembourg), en 1229 ; elle lui apporta
3.000 livres en dot. Agnès de Bar, veuve de Berry II, rendit au duc Longwy et
Amance.
L’évêque
de Metz le nomma voué de Sarrebourg ; il s’empara du château de Haute-Pierre, au-dessus de Moyenmoutier ; ce château
appartenait à un membre de la famille de Parroy. Mathieu avait fait prisonnier
dans une guerre l’évêque de Lyon ; Renaud de Bar, pour qui il faisait cette
guerre, l'obligea à le rendre à la liberté. Henri de Bar, prévenu par un
traître que le pays était sans défense, se jeta en Lorraine ; il y brûla
soixante-dix villages. Par représailles, le duc en brûla autant dans le
Barrois, et détruisit le pont qui était devant Mousson.
Dans la
paix qui intervint, en 1231, le duc restitua au comte de Bar une part dans
Alliance qui lui revenait ; mais le comte restitua les armes prises. Le pont de
Mousson lut réparé; Blanche de Champagne dut fournir pour sa part un maçon et
un charpentier.
Les
Messins révoltés suscitèrent une guerre entre le duc de Lorraine et leur évêque
Jean d’Apremont. Mathieu brûla le bourg de Pont-à-Mousson. Renaud de Bar, allié
du duc, se laissa gagner par l’argent des Messins, il se retourna contre lui et
incendia Neufchâteau. Les partis se rencontrèrent à Champigneulles ; le duc fut
entouré, il allait périr, quand un de ses serviteurs, un jeune Messin, s’écria
: Gardez de verser ce sang qui est le sang pur de mon maître ; il fit au
duc un rempart de son corps et tomba mort à ses pieds. Mathieu s’échappa par la
forêt de Haye et s’enferma dans le château de Gondreville ; la paix se fit sur
les conditions de 1231.
En 1243,
il acquit de Hugues, comte de Lunéville. Lunéville, Gerbéviller, Valfroicourt,
en échange du château de Heitzemberg, de ses biens de
Saint-Dié, Etival, Moyenmoutier, Raon, Bruyères et la Bourgonce. Puis, le comte les lui rendit moyennant le
paiement de 3.300 livres, monnaie de Metz.
Mathieu
II crut que les habitants de Neufchâteau l'avaient trahi précédemment : il leur
reprit leurs libertés ; mais s’apercevant de son erreur, il les leur rendit. Il
institua les tabellions : quatre pour Nancy, et deux dans chaque prévôté. Les
seigneurs gardèrent leurs droits d’authentiquer les actes ; mais ils furent
astreints à les faire viser par le Conseil.
Le duc
jouissait d’un grand renom dans les pays voisins ; il signa immédiatement après
le duc de Bavière dans l’élection faite à Wurtzbourg de Henri de Thuringe
contre Frédéric II. Celui-ci envoya son fils envahir les Etais du duc de
Lorraine. Celui-ci l’arrêta à Macheren, au-delà de Trêves, par les bonnes
dispositions qu’il fit prendre à ses troupes.
En 1250,
il maria sa bile à Thibaut IV, comte de Champagne, et mourut en 1251. Fut le
duc Mathieu moult saige et magnifique seigneur,
aimait la justice dont moult hauts faits seraient trop longs à dire ; telle était l’opinion qu’avaient de lui ses contemporains.
Ses
enfants étaient : Ferry, Laure, Catherine, Isabelle, Marguerite. On ajoute sans
preuve : Thibaut, comte de Prény, et Renaud, comte d’Amance. Des titres de
1244-1245 mentionnent Geoffroy, comte d’Amance, avec le titre de Monseigneur,
réservé aux membres de la famille ducale.
Sous son
règne les Hospitaliers possédaient déjà la Bouzule.
En août
1247, en considération de l’affection qu'il avait pour frère Morel, il
abandonna aux Hospitaliers un pré entre la Bouzule et
Champenoux ; Vivien d’Amance donna une vigne. Le duc confirma ces donations.
FERRY
III (1251-1303).
Le jeune
duc n’avait que 9 ans quand son père mourut ; sa mère, Catherine de Limbourg,
dut se charger de la mainbournie. Les Toulois se révoltèrent contre leur évêque
Roger de Marey, à cause des ordonnances qu’il fit pour les marchands de drap ;
ils s’allièrent aux Messins. Les Toulois durent rendre leur ville aux alliés,
Catherine de Limbourg, Thiébaut II de Bar et Henri II de Luxembourg ; la
municipalité fut abolie.
Dans un
traité d’alliance et d’arbitrage de ces princes, nous lisons les noms des
garants du traité, les seigneurs de Rayon, Darney, Dombasle, Parroy, Vandières,
Haussonville, etc...
En 1254,
année de la mort de Thibaut IV de Champagne, Ferry III commença à régner. Il
ratifia son mariage, que son père avait conclu, avec Isabelle de Castille el de
Navarre, fille du roi de Navarre, comte de Champagne. Neufchâteau, Varangéville,
Port, Châtenois et Nancy furent assignés pour son douaire ; elle rendrait
Nancy, quand les revenus de son douaire aillaient remboursé sa dot, qui était
de 12.000 livres. C’est ainsi que Nancy fut donné cinq fois en douaire aux
duchesses de Lorraine. Si le duc mourait sans enfant, on y ajouterait Lunéville
et Gerbéviller.
Le duc
commença son règne par des acquisitions. Il donna sa sœur Catherine en mariage
à Thiéry, comte de Montbéliard ; il promit en dot 1,000 livres qui devront lui
être rendues, si elle mourait sans enfant. Il céda à son beau-frère
successivement Marsal, Metz (la vouerie) et Stenay. Il acquit des parts de
salines, à Rosières d’un de Lenoncourt, de Régnier d’Haussonville en 1257, de
Huard de Bauffremont, 1282, de Simon de Rosières, à qui il cède Charmes et
Fontenoy et de ses parents Jean, Agnès, Vautrin, Agnès en 1291-4-6 et 1301, au
prix de sommes d’argent. En 1283, il abandonna aux frères de Saint-Jean du
Vieil-Aître et Robécourt la seigneurie de Mazerulles, contre leur part de
saline à Rosières. Le Commandeur recevait le droit d’y établir un maire, des
échevins, un doyen, d’avoir un cep (salle de police), pour 24 heures ; de tenir
les plaids annaux, le lundi après le jour des Rois. Il a le droit des corvées,
four banal, cens en poules et en argent et un moulin. Le Commandeur possédait
déjà le bois Saint- Jean : une partie de ce bois, située sur le bois d’Erbéviller, a trois parcelles appelées bois Morel, Salimatan (Salimentum,
prix du sel) et Régichamps.
En 1284, Bouchard, cet évêque de Metz dont
on disait : «Voilà un évêque belliqueux qui ne craint guère le bruit» —
et Ferry III firent cette convention : L’étang de Buissoncourt demeurera avec
ses dépendances à Ferry III, ainsi que la Neuveville ; et la forteresse de
Buissoncourt avec ses dépendances et tout ce que l’évêque tenait à Gourbessaux, à Gilleroncourt (Gellenoncourt), à Réméréville, Erbéville et
Bonneville (Sornéville), seront partagés par moitié entre l’évêque et Ferry.
Sa
sagesse était proverbiale. En Allemagne, il fut pris pour arbitre entre le duc
de Bavière et le comte de Luxembourg, qui se disputaient le trône impérial.
Après la mort de Guillaume de Hollande, il fit élire à la dignité impériale, à
Worms, son cousin Alphonse de Castille ; il en reçut comme récompense une
pension de mille écus sur la ville de Burgos.
Nous ne
pouvons le suivre dans toutes les guerres qu’il fit. Dans un combat livré aux
Toulois révoltés, il leur tua deux cents hommes. Dans une guerre faite pour soutenir
Philippe de Florange, évêque de Metz, il bâtit le château de Coudé (Custines)
au confluent de la Meurthe et de la Moselle. Thiébaut de Bar était son allié ;
puis, par un revirement subit, il devint son ennemi et s’attaqua au château de
Prény, dont il ne put s’emparer. Pendant ce temps, Henri III de Vaudémont tua
et noya des soldats lorrains et surprit la ville de Neuf château qu’il mit au
pillage. Le duc se retourna sur lui, le vainquit ; le comte s’enfuit à Naples.
Philippe
de Florange, convaincu de simonie, fut destitué par le pape ; il fut remplacé
par un parent du comte de Bar. Celui-ci mit hypothèque sur Vie et Marsal en
garantie des sommes que Florange lui devait.
Ferry,
qui n’était pas payé des dépenses qu'il avait faites, s’allia à Henri, duc de
Luxembourg ; il brûla Ligny, mais battu à Prény, le 14 février 1266, il resta
prisonnier du duc de Bar et fut enfermé à Mousson.
Le
partage de sa rançon ralluma la guerre ; Ferry III et le comte de Bar, devenus
alliés, se jetèrent sur les terres de Guillaume, évêque de Trêves. Celui-ci
appela à son secours l’évêque de Cologne ; il appela ses propres vassaux
d’Alsace et de la Sarre. Le duc fut battu à Domevre et à Epinal. Thibaut V de Navarre intervint à propos et mit la paix. Ferry
garda Condé, à condition qu’il ne réclamerait plus ce que révoque lui devait.
Le duc de
Lorraine et le comte de Bar ne se trouvant pas payés des dettes remontant au
temps de Florange, évêque de Metz, s’attaquèrent au nouvel évêque de Metz,
Laurent et à son allié Conrad de Lichtemberg, évêque de Strasbourg. Ils prirent
Condé, rendu à l’évêque (puisqu’ils réclamaient les dettes). Ils furent excommuniés,
mais les évêques tombèrent en leur pouvoir au combat de Hadigny,
près de Châtel-sur-Moselle ; les deux princes s’emparèrent d’Epinal, Marsal, Vic
et des châteaux de Deneuvre et de Réméréville.
Le pape
Grégoire X donna sommation aux deux seigneurs d’amener les évêques prisonniers
an concile de Lyon et de conclure avec eux une paix équitable. A la fin de
1274, le duc Ferry rendit Deneuvre et Réméréville, mais il garda Vie et Marsal,
comme gage des sommes qui lui étaient ducs, et comme caution contre les
représailles des vaincus. Thiébaut consentit à rendre Laurent à la liberté,
moyennant 20.000 livres payables en vingt années. Rodolphe de Habsbourg
intervint en faveur de l’évêque de Strasbourg qui dut payer une énorme rançon ;
le simple chevalier Burckard de Gérolseck paya cent cinquante-deux marcs.
Henri V
de Salm épousa la veuve de Renaud de Castres, parent de Ferry III ; Laurent,
évêque de Metz, de qui dépendait Castres, ne lui donna l'investiture qu’à
condition que Castres ne reviendrait jamais au duc de Lorraine. Celui-ci prit
cette clause pour une injure et la guerre recommença. Laurent de Metz, Conrad
de Strasbourg et le duc de Deux-Ponts s’unirent contre Ferry III, Henri de
Vaudémont revenu d’Italie et Henri de Bar qui amena cent cavaliers ; Thiébaut,
son père, resta neutre.
La fortune
trahit deux fois les armes de Ferry et de ses alliés ; puis, ils remportèrent
une victoire décisive. Las de combats, ils acceptèrent l’arbitrage de Gobert d’Apremout. Ferry III, n’ayant ni droits, ni seigneurie à
Lay-Saint-Christophe, Villy-le-Sec, et n’ayant que la
moitié des villages du ban de Réméréville, dut les rendre.
L’évêque
de Metz dut payer à Ferry 2.000 livres (monnaie de Metz) ; 1.000 livres, huit
jours après Pâques de 1279, et 1.000 à la même époque de 1280. Ferry battit à Genivaux les Messins qui avaient profité de ses embarras
pour envahir ses Etats ; mais, à la paix, il lui fallut payer 2.000 livres pour
Choiseul son allié tombé entre les mains de l’ennemi pour la troisième fois.
Deux
évoques se succédèrent à Metz, Jean de Flandre (1283), puis Bouchard d’Anvers.
Celui-ci céda Castres à Ferry III, sans clause de rachat. L’évêque paya, mais
le duc voulut retenir le gage : de là, une guerre qui dura de 1288 à 1291.
L’évêque porta ses ravages dans les Vosges ; le duc prit Saint-Avold, puis il fut
battu par surprise à Beuvannes-sous-Belrain. Bouchard
vint assiéger Prény avec quatre mille hommes et cent cavaliers ; ce fut sans
succès ; après six semaines il se retira. A la paix, le duc abandonna Bambervillers, Deneuvre et Condé.
Ferry III
n’avait pas lieu d’être satisfait, il reprit encore les armes et fut blessé
entre Bitche et Sultzbronn; son dernier exploit fut
d’infliger une défaite aux citains de Toul.
A la fin
de son règne, il affranchit Nancy, Saint-Nicolas-du-Port, Lunéville,
Gerbéviller et Amance (1265), comme l’était déjà Neuf château ; il voulut que
les sentences du tribunal des Assises fussent soumises à sa ratification ; cette
mesure touchait au vif la puissance des seigneurs ; elle excita leur
ressentiment et les entraîna dans un complot contre Ferry III.
L’un
d’entre eux, Andrian des Armoises, dressa que embûche
dans laquelle le duc tomba au milieu d'une chasse à Laxou. Ce seigneur avait
une femme jolie qui trouvait que le duc ètait plus
accord au jeu que soit, bicoutoux d'Andrian ; il cherchait à se venger de son déshonneur.
Le duc fui saisi pur des gens masqués ; on lui banda les yeux ; on lui fit
faire cent détours dans la foret de Haye : il fut
conduit et enfermé dans un donjon que le sire des Armoises possédait à
Maxéville. Ou ne sut dans le pays ce qu’il était devenu. Un jour le toit de
cette prison fut emporté par une tempête ; le couvreur Petit Jean Trillon faisant la réparation chantait une complainte sur
le malheur du duc. Celui-ci se lit connaître ; il lui donna son anneau pour le
porter à Isabelle, son épouse. Celle-ci envoya Trillon avec dix hommes délivrer le duc et raser la tour ; c'était en 1269 ou 1270. Le
duc pardonna, mais il fit peindre un if, signe d’infamie, sur les châteaux des
conjurés, et quand il dînait chez le duc Andrian avait son pain et son couvert renverses. Dom Calmet et Durival considèrent ce fait comme une faille ;
pourtant Petit Jean anobli et devenu du Hautoit,
ainsi que ses successeurs eurent le privilège, au Vendredi-Saint, d’adorer la croix après le duc et avant tout autre.
Comment contester cela ?
La paix
profita plus à Ferry III pour agrandir ses domaines que la guerre. Isabelle,
héritière des comtes de Toul, lui vendit Mirecourt, qui devint le chef-lieu du
bailliage des Vosges. Il vendit pour 28.000 livres au comte de Bar la
châtellenie, le château et la ville de Longwy. Il fortifia Saint-Dié, bâtit un
château au-dessus de Raon-l’Etape ; le château de Frouard fut rebâti ; il mit
mie forteresse à Plombières. Les chanoinesses de Remiremont réclamèrent la
propriété de ce lieu ; il le leur rendit à condition de le tenir de lui en
simple fief.
Les
comtes de Bar envahirent en ces temps-là les domaines du monastères de Beaulieu
; les moines se réclamèrent du roi de France. De là naquit une question
géographique : la France a-t-elle pour limite la Bienne ou la Meuse ? Edouard
d’Angleterre, le comte de Flandre, le comte de Nassau s’unirent an comte de
Bar contre Philippe IV, roi de France. Le duc Ferry, comme vassal de Flandre, à
cause du comté de Gand reçut l’ordre d’amener son contingent. Henri III de
Blâmont reçut 2.000 livres tournois pour se joindre aux allies ; tous se
jetèrent en Champagne. Henri de Bar et Henri de Blâmont furent les victimes de
la paix qui intervint ; elle fut désastreuse pour eux : la Meuse fut reconnue
comme limite de la France ; Henri III fut envoyé en Chypre ; comme il revenait,
pardonné par le roi, il mourut à Naples.
Là
suzeraineté du roi de France resta établie pour toujours sur la partie du duché
située au-delà de la Meuse. Cette suzeraineté pesa plus lourdement encore sur
le duc de Bar.
Plutôt
que de se soumettre à ce vasselage, Ferry céda à son second fils Thiébaut les
villes de ce pays, Neuf-château, Montfort, Châtenois,
Frouard et le comté de Gand, pour qu’il en fît hommage au roi.
Philippe
le Bel ne s’en tint pas là : il obtint des papes Martin IV et Honorius III les
dîmes ecclésiastiques de Metz, Toul et Verdun.
Ferry III mourut en 1303 ; Marguerite de Navarre le
suivit au tombeau en 1310 ; elle fut enterrée au couvent des Dominicaines,
ancien château ducal que le duc lui avait donné et qu’elle abandonna aux
religieuses. Son fils Thiébaut lui succéda ; Mathieu, sire de Belrouard, près de Raon, épousa
Alix, fille de Thiébaut de Bar ; Isabelle fut épousée en secondes noces par
Henri III de Vaudémont.
THIÉBAUT
II (1303-1312).
Eu 1281
ou 1282, il avait épousé Isabelle, fille de Hue, comte de Rumigny. Philippe le
Bel épousa l'héritière de la Champagne ; Thibaut, vassal de Champagne, fit
difficulté de se reconnaître l'homme-lige du roi. Pour le gagner, Philippe le Bel
lui donna des lettres par lesquelles il renonçait à Neufchâteau et aux villes
de la mouvance ; mais les lettres ne furent pas enregistrées au Parlement.
Vassal du
roi, il se trouva à la bataille de Courtray, où il
fut fait prisonnier ; il lut conduit à Lille ; le roi paya sa rançon et chargea
Isabelle de la porter à son époux.
Thiébaut
défendit aux seigneurs ses vassaux de se faire la guerre sans sa permission
et aussi de rendre aucun jugement sans que le jugement ait dû être de la bouche
du duc, ni sans qu’au jugement ait été mis son scel et couloir. C’étaient des atteintes à la puissance des seigneurs ; ils se
révoltèrent et recrutèrent une armée de mercenaires ; ils furent vaincus près
de Lunéville et bon nombre de leurs châteaux furent démolis par le duc. Il
ordonna que toute trame contre lui serait punie de la vie du coupable, à moins
qu’il ne se rachetât an prix de 10.000 livres de petits tournois et de la perte
de son fief.
C’est à
la valeur de Thiébaut II que le roi de France dut de remporter la victoire de
Mons-en-Puelle, 18 août 1304. Philippe le Bel vint
lui rendre une visite d’amitié à Nancy ; il fut reçu au milieu des fêtes ; mais
cette démarche cachait les desseins du roi sur Toul ; le chapitre renouvela
les appels à la protection du roi (1289-1291-1304) ; les bourgeois se mirent
sous sa garde. Son ministre lui montra dans un rapport que le roi devait
étendre son, royaume du côté de la Lorraine ; que les habitants sont caillants et habitués aux combats ; qu’il fallait
construire des forteresses sur les frontières, les armer et les approvisionner
; profiter des fautes du duc de Lorraine pour l’asservir, et si lui et ses
peuples ne se soumettent au Roi, qu’ils en meurent.
Le duc
suivit le roi à Lyon pour assister au couronnement de Clément V, le premier
des Papes qui se fixèrent à Avignon. Un mur chargé de spectateurs s’écroula,
Thiébaut II eut un bras et une jambe cassés ; le duc de Bretagne y mourut.
Le comte
de Vaudémont profita de son malheur pour envahir à l’improviste le duché avec
600 hommes ; il ravagea Vandœuvre, Laxou et Maxéville. Le dur, guéri de ses
fractures, ravagea à son tour le comté de Vaudémont et atteignit le comte à
Réméréville. Mais celui-ci remporta la victoire, ainsi qu'à Pulligny. L’évêque
de Toul intervint et rétablit la paix entre les belligérants ; Henri III épousa
Isabelle, la sœur du duc.
La
question de l’hérédité du duché inquiétait alors les écrits ; les Etats se
réunirent à Colombey pour en fixer la loi dans la famille ducale. Il fut décidé
que quand le duc meurt et que le fils du duc l'a précédé dans la mort
laissant des enfants ou des filles, ce sont ces enfants qui succèdent à
l'exclusion des oncles et de tous autres.
En ce
temps-là Clément V décida la levée d’un décime de guerre sur tous les biens
ecclésiastiques pour aider les hospitaliers à conquérir l’île de Rhodes ; il
chargea le duc de Lorraine de lever ce décime dans ses Etats et dans les Etats
voisins. Renaud de Bar fit au duc des observations qui ne furent pas
accueillies ; cet évêque appela à son aide Edouard, comte de Bar, son frère.
Nicolas, comte de Salm et fit la guerre à Thiébaut. Celui-ci détruisit le
château de Wormerange ; les alliés prirent et
pillèrent Lunéville et vainquirent le duc en deux combats. Le duc prit sa
revanche à Frouard ; voyant la faiblesse de ses troupes et le bon ordre qui
régnait dans l'armée des ennemis, il se posta sur la hauteur ; il prépara sur
la crête des rocs pour les faire rouler sur les assaillants. Ceux-ci montèrent
à l'assaut en désordre. Le duc fit mettre pied à terre à ses chevaliers, il
fit rouler les pierres sur l'ennemi. La victoire fut complète ; l’ennemi eut
200 hommes tués, des noyés ; les comtes de Bar et de Salm restèrent prisonniers
.
Pendant
que les deux partis discutaient les conditions de la paix, Thiébaut II mourut.
Comme ses
prédécesseurs, il avait eu des relations avec l'Allemagne ; il assista au sacre
de Henri de Luxembourg comme roi des Romains, à Aix-la-Chapelle. Il confia
même à Jacques de Rumigny, le gouvernement de son duché pour suivre l'Empereur
en Italie. C'est à Milan qu’il ressentit les premières atteintes de son mal :
il se crut empoisonne.
Les gens
de Neufchâteau lui firent une querelle qu’il ne termina point. Ceux-ci étaient
des commerçants ; ils prétendirent que la monnaie du duc, frappée dans leur
ville, contenait plus de cuivre que de droit et que cela nuisait à leur
commerce ; ils ne craignaient pas de l’appeler faux-monnayeur. Pourtant Mory d’Elvange dit que la monnaie était
loyale. Le duc s’empara de trois d'entre eux. Les plaignants s’adressèrent à
Louis le Mutin, comte de Champagne, pour soutenir leurs plaintes près de son
père, le roi de France. Sur l’ordre du roi le procès fut instruit au criminel à
Paris ; le sire de Joinville et d’autres furent envoyés à Darney, résidence du
duc, pour lui signifier de comparaître. En attendant les suites, le roi
s’empara de Neufchâteau ; le duc demanda la paix le 13 janvier 1312 ; il promit
d’indemniser les marchands de Neufchâteau ; il donnait comme caution Montfort,
Frouard et Châtenois, mais l’affaire ne fut pas terminée.
C’est de
son temps que fut réglée l’affaire des Templiers : ceux de Lorraine furent
reconnus innocents au concile de Trêves en 1310. Jacques de Molay et deux cent
trente-un chevaliers et servants furent condamnes à Paris pour les mêmes crimes
que l’on avait imputés aux chevaliers lorrains, et moururent sur le bûcher.
Leur ordre fut aboli par Clément V au concile de Vienne; en Allemagne, leurs
biens furent départis ordre les Hospitaliers et les Teutoniques. On n’a point de
renseignements sur ceux de Lorraine ; ils se renfermèrent à Brouvelieures,
pensant être rouverts par l’oubli : on les assaillit, ils furent passés au fil
de l’épée ainsi que les habitants du lieu.
C’est le
13 mai 1312 que Thiébaut II mourut. Il fonda à Darney, son séjour habituel, une
collégiale. Les soins qu’il prit des châteaux de Nancy et d’Einville montrent qu’il y vint souvent ; il donna trente livres a Manuel, son secrétaire
; il fit réparer le tort porté aux chanoinesses de Chaumouzey en brûlant leur
moulin d’Art-sur-Meurthe. Il fit restituer aux propriétaires de Nancy et d’Einville le prix des jardins qu’il avait pris sans paiement
pour faire ses parcs. Il fonda une messe annuelle à Chaumouzey pour le repos de
son âme et de celle de Ferry III. Il témoigna le regret d’avoir enlevé aux
seigneurs leurs droits ; mais il ne leur rendit pas.
Parmi ses
enfants sont : Ferry, qui lui succéda, et Isabelle, qui eut la châtellenie de Bilche.
FERRY
IV (1312-1328).
Il eut
d’abord à régler les affaires laissées en suspens par la mort de son père. En
juin 1312, il fut cité au Parlement de Paris par suite des plaintes des trois
Neufchâtellois dont son père s’était saisi. Il dut se reconnaître vassal du roi pour Neufchâteau, réparer les
violences faites à ses citains et rester en otage à
Paris jusqu’à entière exécution du jugement.
Fatigué
de ces affaires et de leurs tristes suites, le duc céda Neufchâteau ; il le
donna en dot à sa nièce Isabelle de Rumigny, épousée par Gauthier, connétable
de Châtillon. Celui-ci se mit à battre monnaie, Ferry IV fit des difficultés à
admettre leur circulation en Lorraine, puis il y consentit à condition qu’elles
fussent frappées avec le coin de Lorraine.
Ferry IV
réclama auprès de Philippe V contre la vassalité que le roi imposait au duc de
Lorraine, à cause de Neufchâteau ; il invoquait le témoignage de Henri, sire de
Blâmont, Henri III, de Vaudémont, et
Mathieu de Rumigny ; il montra que Neufchâteau n’avait jamais appartenu an
domaine de France et qu’ainsi la France ne pouvait revendiquer un droit qui
n’appartenait qu’à la Champagne. Louis X, successeur de Philippe, ne reçut
l'hommage de vassalité du duc que comme maimbour de
sa fille comtesse de Champagne.
Le comte
de Bar restait toujours prisonnier ; Louis de Navarre, comte de Champagne,
intervint en sa faveur ; un traité fut conclu : le comte consentit à payer
90.000 livres tournois pour prix de sa liberté ; il donna pour caution les
châteaux de Lamothe, Gondrecourt, Lamarche, Contiens
et Châtillon ; il céda au duc la mouvance de Vaudémont, acquise autrefois par
une guerre heureuse. 11 se hâta de payer sa rançon pour récupérer ses biens.
Après
avoir satisfait aux demandes de quelques seigneurs de sa famille, Ferry IV
épousa Isabelle, fille d’Albert d’Autriche et petite-fille de Rodolphe de Habsbourg
; ce mariage très honorable fut pour lui la cause d’événements graves et
fâcheux.
Lors de
l’élection d’un empereur d’Allemagne, les électeurs se partagèrent en deux
partis : les uns élurent, à Francfort, Louis de Bavière ; les autres, à Worms,
Frédéric le Bon de Habsbourg. Une guerre s’ensuivit entre les deux élus ; Ferry
dut soutenir son parent et se trouva dans les batailles de Strasbourg, Muhldorf et Salzbourg ; Frédéric, son frère, et le duc de
Lorraine tombèrent entre les mains de l’ennemi. Le roi de France Charles V
intervint en faveur de son vassal Ferry IV, il fut rendu à la liberté à la
condition qu’il n’interviendrait plus dans les affaires de l’empire.
A son
retour en Lorraine, il trouva le pays en proie à l’anarchie, à la famine et à
la guerre. En 1320, le comte de Bar, le sire de Commercy et cinquante
chevaliers attaquèrent la ville de Toul ; ils étaient du parti de Louis de
Bavière. Le duc intervint comme médiateur de paix ; son intervention fut
inutile, car les Toulois vainquirent, à l’aide des Messins, leurs ennemis à
Dieulouard et à Gondreville ; ceux-ci se tinrent désormais tranquilles.
Le comte
Edouard de Bar entreprit une guerre contre Jean de Luxembourg ; il acheta la
neutralité de Ferry IV en lui cédant la seigneurie sur l’Avant-Garde, Pierrefort, Boucanville etc..., et ainsi devint son vassal pour
ces lieux. Charles IV, roi de France, profita de la querelle de ces seigneurs
pour avancer en ces pays l’influence française. Un traité fut conclu le 28 mai
1323.
En 1324,
l’orgueil des Messins attira sur eux un orage redoutable : Ferry IV, Edouard de
Bar, Baudoin, évêque de Trêves, le roi de Bohême, s’attaquèrent à leur ville.
Le duc de Lorraine fournit cinq cents hommes d’armes; le comte de Bar, autant ;
le roi de Bohême et l’évêque, deux cents chacun. Comme chaque homme d’armes
était accompagné de deux écuyers, on voit que l'armée s’élevait à cinq mille
hommes. L’évêque de Metz lui-même se mit de leur parti : les citains de Metz avaient remplacé leurs treize jurés par
vingt prud’hommes de leur choix ; ils avaient usurpé le temporel de quelques
églises ; ils obligeaient les prêtres à administrer les derniers sacrements aux
Lombards et usuriers sans les obliger à restitution ; ils forçaient les prêtres
à plaider devant les tribunaux civils et défendaient aux clercs d’acquérir des
biens dans leur cité. Le siège de Metz commença après les vendanges ; bientôt
la famine se déclara dans la ville ; les assiégeants brûlèrent le faubourg
Saint-Julien. La ville ne pouvait manquer d’être prise bientôt, mais Amédée de
Genève, son évêque, eut pitié de la détresse de ses diocésains ; il fit
conclure la paix le 3 mars 1325 ; tous les belligérants étaient las. Les
Messins considérèrent le traité de paix comme avantageux ; ils eurent à payer
15.000 livres de petits vieux tournois.
Le duc
Ferry IV fut encore entraîné dans une guerre pour le roi de France ; elle
devait lui être funeste. Les Flamands chassèrent leur duc Louis. Philippe de
Valois appela ses vassaux sous les armes ; Ferry et Edouard de Bar en étaient.
La victoire fut remportée à Cassel, mais parmi les morts se trouva le duc de
Lorraine, ainsi que Jean de Lenoncourt qui fut tué avec lui, 21 avril 1328. Sou
corps fut ramené en Lorraine ; et reçut la sépulture dans le monastère de
Beaupré, près de Lunéville. Parmi ses enfants, on remarque Raoul, qui lui
succéda; Ferry, comte de Lunéville, et mi bâtard qui épousa Alice de
Haraucourt. Il eut le renom de luiteur (lutteur) ; on cite un exemple de son impétuosité : les Toulois ne lui payaient
pas les cent livres promises à Thiébaut II ; avec quarante hommes seulement il
entra dans Toul et obligea les bourgeois à lui donner satisfaction.
RAOUL
(1328-1346).
Le duc n’avait
que neuf ans et quelques mois quand son père mourut. La régence fut remise à la
duchesse Isabelle d’Autriche, avec le concours des oncles de Raoul, d’autres
seigneurs et de Thomas de Bourlémont.
La
régente obtint de l’évoque de Toul une indemnité de 2.000 livres pour les
ravages que ses mercenaires avaient faits dans les villages lorrains, pendant
la guerre qu’il faisait à Erard de Thelod et à Pons
d’Acraigne (Frolois) ; en outre, l’évêque paya 2.000
livres qu’il devait à Ferry IV.
La
garnison de la ville épiscopale de Liverdun faisait des incursions incessantes
et des ravages dans le duché; la régente attaqua cette forteresse et la
démolit.
Après un
mariage qui dura peu, Raoul épousa Marie de Blois, fille de Guy de Châtillon.
Sa mère Isabelle vint à mourir ; elle fut inhumée dans l’église collégiale de
Saint-Georges qu’elle venait de fonder.
L’évêque
de Toul rebâtit Liverdun et y mit une garnison de Barisiens ; le duc Raoul
protesta et le capitaine Brunel fut chargé de porter à Toul cette protestation
; les Barisiens sortirent et les Lorrains entrèrent. Mais pendant que ceux-ci
prenaient plaisir à des jeux dans la campagne, les Barisiens y rentrèrent par
surprise. Une guerre suivit , le duc ravagea les environs de Pont-à-Mousson ;
les Barisiens en firent autant en Lorraine ; Philippe de Valois imposa son
arbitrage et la paix en suivit.
Il est
inutile de raconter d’autres guerres semblables faites pour des causes futiles
et sans résultat.
En 1334,
la ville de Vaucouleurs fut cédée à la France par Ansel de Joinville, qui en était le seigneur.
Philippe
VI, roi de France, ménageait Raoul et le duc de Bar, parce qu’il pensait avoir
besoin de leur concours dans une guerre qui se préparait avec l’Angleterre :
la trêve qui existait entre eux allait être à son terme.
En
attendant les hostilités, le duc Raoul fit vœu d’aller en Espagne secourir le
roi de Castille menacé par une invasion de 400.000 Musulmans, venus du Maroc,
conduits par Abdil Hassan. Les princes chrétiens,
dans un élan admirable, accouraient de toutes parts. Raoul arriva à temps pour
assister à la bataille de Tariffa qui fut livrée le 3
novembre 1340 sur les bords du Salado ; ce fut le salut de l’Espagne.
La
vaillance du duc se montrait partout ; dans la guerre entre Charles de Blois,
son beau-frère, contre Jean de Montfort, il entra en lice dans un combat semblable
à celui des Trente, lui quarantième contre quarante chevaliers bretons.
Les
Toulois refusèrent encore de payer les cent livres; Raoul, dédaignant de
prendre les armes, en appela à l’arbitrage du roi de Bohême qui les condamna à
payer.
En
juillet 1340, Vautrin l’Averne de Vic et Elise, sa femme, reprennent du duc
Raoul ce qu’ils possèdent à Courbessaux et à
Réméréville.
La même
année, le sir de Belrouard (près de Raon), se sentant protégé par Adhémar, évêque de Metz,
faisait des ravages en Lorraine avec des aventuriers grands voleurs qui
furent jamais, pillard el mettant à mal mercantiers et forains. Raoul prit la petite ville de Baccarat du temporel de Metz,
L’évêque reprit Belrouard. Les deux partis nommèrent
des experts qui durent se rendre à Marsal pour traiter de la paix ; ce furent
Jean de Coincourt et Baudoin de Vic pour Léveque ;
Jean de Roville et Jean de Rosières pour le duc.
Avant que
les experts se fussent accordés, il s’éleva un autre sujet de guerre. La
régente avait fait élever un château à Amelécourt pour défendre les salines que
le duc possédait à Courcelles ou Château-Salins. L’évêque éleva en face le
château de Beaurepaire. Raoul en demanda la démolition ; ce fut en vain. Il
obtint le concours de Henri IV de Bar et de Pierre de Bar, sire de Pierrefort ;
c’était en 1342. L’évêque assembla des troupes et en donna le commandement à
Gauthier de Monteil, son frère. Celui-ci commença l’attaque ; il n’osa assiéger
Nancy, mais il en ravagea les environs ; il revint sur Courcelles, défendu par
Pierre du Châtelet ; c’est par la négligence de l’évêque que la ville ne fut
pas prise. Le duc attaqua son adversaire et lui tua 200 hommes ; l’évêque s’échappa
a avec peine et Beaurepaire fut détruit.
L’évêque
revint à la charge ; mais le duc le poursuivit jusqu’à Saint-Avold. Les troupes
de Monteil firent une sortie et n’eurent pas à combattre, parce que les Lorrains,
négligents à leur tour, furent surpris et s’enfuirent. Le duc Raoul tombé
allait être pris, lorsque Salm et Vaudémont accoururent le remettre à cheval ;
il se sauva et vint à Alliance.
Philippe
VI allait avoir besoin du concours de ses vassaux ; il intervint et fit
conclure la paix : Adhémar de Monteil dut payer 10.000 livres à Raoul ;
celui-ci rendit à l’évêque Rambervillers et Moyen ; le prélat céda aussi au duc
la châtellenie de Turquestein. Dans une lettre à ses
vassaux, l’évêque leur annonce ce changement ; l’acquisition du duc était
notable ; elle comprenait le Val de Bon-Moutier, Circy,
Saint-Quirin, Hattigny, Vacqueville, Nierderholf, Laudange, Lorquin, Aspach, Xouaxangc,
Hess et Hermelange ; le duc Raoul en devint le seigneur suzerain.
Au
commencement de la guerre contre l’évêque de Metz, Raoul dut faire le siège du
château de Vandières ; il était défendu par une femme Alix de Champey, veuve du
sire de Vandières. Bien qu'elle eût déjà quarante ans, elle compta plus sur la puissance
de ses larmes que sur la vaillance de ses soldats pour gagner la bienveillance
de Raoul. Elle l’aborda en pleurant ; nous ne citerons pas les paroles naïves
du chroniqueur, Louis de Haraucourt, nous rappellerons seulement au lecteur que
le duc se trouva comme Télémaque dans l’île de Calypso sans trouver un Mentor
pour l’en tirer. Cette dame fut installée au château du Saulru ; la duchesse eut à pleurer des visites quotidiennes que le duc lui rendait ;
les Lorrains murmuraient contre la Vandières.
Bientôt
il naquit de cette aventure un fils qui fut appelé Aubert ; cet enfant eut la
beauté de sa mère. La duchesse l’ayant rencontré quand il fut grand, pleura en
disant : Ce bel enfant devrait être le mien.
La guerre
sépara le duc de cette femme ; elle lui écrivit des lettres que le comte de
Haraucourt a admirées.
La guerre
de Philippe VI avec les Anglais était déclarée ; Raoul fit fabriquer les
armures à Mirecourt sans retard. Alix, par l’intermédiaire d’un nommé Jehan,
soudoyait secrètement les ouvriers pour ralentir l’ouvrage et le départ du
duc. Malgré ces obstacles, il partit avec trois cents hommes et arriva à
Abbeville, le 25 août 1346 ; le lendemain se livra la funeste bataille de
Crécy. Le duc fut entouré par les ennemis, il fut tué ; périrent avec lui le
comte de Blois, Henri IV de Vaudémont, un sire de Salin, Roger de Heu.
La veille
de la bataille, Raoul avait un pressentiment de sa fin prochaine ; il fit sou
testament : il légua la régence du duché à Marie de Blois ; il institua deux
services religieux pour Ferry IV et pour lui ; il donna soixante livres de fort
tournois à son fils Aubert ; il commanda de terminer la collégiale de
Saint-Georges.
Ferry avait
commencé la bâtisse d’un nouveau palais ; Thiébaut II et Ferry IV, l’avaient
continué ; Raoul y mit la dernière main. C’était un palais pour loger le duc et
ses gens ; c’était aussi une forteresse adossée aux murs de la ville pour
contribuer à sa défense. Comme saint Louis avait la Sainte-Chapelle dans son
palais, Raoul voulut avoir la sienne ; il la dédia à saint Georges ; il y
installa, en recourant à l’autorité de Thomas de Bourlémont, évêque de Toul,
vingt chanoines et donna deux cents livres de petits tournois pour leur
entretien. Il leur donna le droit de nommer dans leurs terres, exemptes de
toute juridiction, maires, prévôts, échevins, etc...
Raoul
institua aussi le serment que les ducs firent le jour de leur installation, de
garder les libertés octroyées dans le duché. Il continua aussi la construction
du château d'Einville.
Jean, dit
Baudoin, de Vic, reçut du duc Raoul quinze livrées de terres à petits tournois
à prendre sur les revenus de Réméréville pour devenir son homme-lige ; il en
lit la déclaration à la régente en 1357.
JEAN
Ier (1346-1390).
Le jeune
duc n’avait que six mois à la mort de son père ; Marie de Blois exerça la
régence jusqu’en 1360. Pour gagner les seigneurs, elle promit de leur rendre
leurs droits, mais il est douteux qu’elle ait exécuté sa promesse. Jeanne de
Champagne céda au roi de France la seigneurie des terres de mouvance en
Lorraine ; ainsi le duc de Lorraine devenait le vassal de la France pour cette
partie de ses biens. En 1347, le roi demanda aux gens de Neufchâteau une somme
de six cent quarante-sept livres tournois ; la duchesse intercéda pour eux ;
le roi céda aux prières d’une femme dont l’époux était mort pour la France.
La
duchesse était jeune encore ; elle épousa en secondes noces Ferry de Linange ; alors les seigneurs l’obligèrent à partager la
régence avec Eberhard III, comte de Wurtemberg ; celui-ci prit le jeune duc
pour l’élever et se fit remplacer comme co-régent par Burckard de Fénétrange.
Les
monnaies furent frappées au nom du duc et de la régente : Iohann duc marchio de Lotorigo ; au revers, Marie duchesse maimbours de la Duché.
Le comté de Bar était aussi en régence ; Yolande de Bar gouvernait pour ses
fils Edouard et Robert, qui se succédèrent. Les deux régentes firent alliance
ensemble.
Adhémar
de Monteil, évêque de Metz, voyait toujours avec peine, au milieu de ses Etats,
Château-Salins ; il fortifia Vic avec soin. Les habitants de cette ville
s’étaient mis, en 1345, sous la protection de Raoul et lui payèrent cinquante
livres de petits tournois ; mais ce pacte n’était que pour la vie du duc ; sa
mort y mit fin. L’évêque concéda à la duchesse tous les fiefs possédés par les
ducs précédents dans ses Etats ; il en reçut l’hommage en présence de Burckard de Fénétrange, Ferry de Fribourg, sire de Romont,
Thiébaut, sire de Blâmont, Simon et Pierre de Parroy, Jean de Rosières, Isembert de Roville et les abbés
d’Autrcy, d'Etival et de Flabémont.
Il demanda aussi hommage pour Château-Salins et défendit d'élever des châteaux
dans les fiefs.
Château-Salins
tenait toujours au cœur de Gauthier de Monteil ; il vint à l’improviste dans les
environs de la ville et y mit le siège. La duchesse, bien avisée, avait mis
dans la place Pierre du Châtelet. Au son d’une cloche, le pont-levis s’abaissa,
la garnison fit irruption sur les assiégeants, qui, surpris, s’enfuirent,
laissant Gauthier entre les mains des assaillants.
En avril
1348, la duchesse avec ses alliés, Ferry, comte de Lunéville, frère de Raoul,
Jean II de Salm et le sire de Rodemack, ravagea le pays messin ; elle mit le
siège devant Boulay, mais elle ne put l’emporter d’assaut.
Les troupes de l’évêque survinrent à l’improviste et tirent perdre la vie à
trois cent vingt Lorrains.
Gauthier,
ayant payé rançon, assiégea de nouveau Château-Salins. La duchesse, effrayée,
demanda une trêve, offrit en vente cette forteresse et reçut en gage du
paiement le château de Beaurepaire ; elle pensait que l’évêque ne pourrait
racheter ce gage ; elle en confia la défense à Pierre du Châtelet, Jean de Toul
et Jacques de Lenoncourt. Adhémar versa l’argent en 1351 et la comtesse rasa la
forteresse de Château-Salins, au lieu de la livrer.
Adhémar
de Monteil, irrité de cette mauvaise foi, arma ses vassaux, les citains de Metz et des aventuriers; il prit la ville de
Château-Salins, la détruisit et fit subir le même traitement aux châteaux de
Donjeux, d’Athienville et de Saint-Epvre. Les seigneurs voyant tant de
calamités, forcèrent la duchesse à faire la paix ; elle en paya le prix par la
perte des fiefs messins.
Adhémar,
plein de défiance, fortifia Nomeny et Saint-Avold ; la duchesse, pensant le
surprendre, appela à son aide le comte de Wurtemberg ; elle attaqua Metz avec
l’espoir d’un grand profit. Elle incendia Flory, Cheminot et quelques villages
et s’en retourna en Lorraine. Trois jours après, les Messins ravagèrent des
villages, le bourg de Frouard et emmenèrent des otages sans s’attaquer à la
forteresse. Thiébaut de Blâmont, allié de l’évêque, brûla Rosières et les
environs, dévasta Einville, insulta Nancy ; puis les
Messins reprirent le chemin de Metz. Le comte de Linange,
époux de la régente, s'embusqua près de Pout-à-Mousson avec sept cents hommes, surprit l’ennemi ; mais une troupe de Messins survint,
le surprit à son tour et lui tua plus de cent hommes.
Le
roi de France, Jean le Bon, intervint à propos pour imposer la paix. L’évêque
de Trêves voulait reprendre les fiefs concédés, faute d’hommage rendu ; le
jeune duc s’empressa d’en faire hommage. En 1352, la paix était rétablie. Alors
les seigneurs demandèrent à la régente de tenir les promesses qu’elle leur
avait faites ; Burckard de Fénétrange, qui partageait
leur sentiment, l’obligea à s’en acquitter ; elle leur rendit donc leurs droits
et libertés d’autrefois. Ce fut un rude échec à la puissance ducale ; les
campagnes revirent les petites guerres des seigneurs et les ravages qui s'en
suivaient. .
Le comte
de Wurtemberg fit hommage au roi de France au nom du duc pour la mouvance.
C’est alors que le comté de Bar fut érigé en duché et Pont-à-
Mousson en marquisat. Voici comment ces faits s’accomplirent :
En
1350 et trois, — le roi de France
Vint
de Behaigne (Bretagne) à Metz en Bar,
En
séjournant à son repoint
Fait
Duc le Comte de Bar
et
de Pont-à-Mousson un marquisat.
Les
Messins attaquèrent encore Saint-Nicolas-du-Port,
mais sans succès ; Charles IV rappela qu’il ne voulait plus de guerres sans son
aveu. Pourtant des guerres inutiles se firent encore en 1355, 1356, 1357 et ne
causèrent que des ruines ; la paix lut signée définitivement en 1360.
La même
année, la régente exempta les domaines des Hospitaliers de dîmes, cens,
corvées, rentes, fournitures à l’ost (armée), services de chiens,
convois, etc., parce que le commandeur Gérard de Montigny et Fr. Jean de Pompierolles lui firent don des dîmes d’Einville.
Les Etats
s’étaient assemblés, en 1358, pour réparer tant de maux ; les lombards et
usuriers s’étaient enrichis, on les expulsa en prenant leurs biens, qui furent
employés à payer les dettes et relever les forteresses. La régente avait
emprunté en fournissant des gages, son embarras était extrême.
En 1300,
le due gagnait ses quatorze ans et arrivait à sa majorité. Ses revenus
consistaient principalement dans les produits de ses domaines et de ses
salines; ils lui permirent de payer les dettes et de reprendre les terres
engagées.
II fit
ses premières armes en combattant avec les frères Teutoniques contre les
Barbares ; il assista au sacre du roi Charles V. Il se trouva à la bataille
d’Auray, livrée entre Charles de Blois son oncle et le comte de Montfort ; il
fut fait prisonnier avec Du Guesclin ; le duc Charles fut tué ; on trouva sur
son corps un cilice ; il se fit des miracles à son tombeau.
Jean
revint dans ses Etats, après avoir recouvré sa liberté ; ils étaient menacés
par 40.000 routiers appelés Bretons, ayant pour chef Arnaud de Cervolles, dit l’Archiprêtre. C’était Thiébaut de Blamont
qui les appelait dans le pays pour guerroyer contre l’évêque de Strasbourg et
contre Salm, sire de Viviers. Les Messins donnèrent à Arnaud dix-huit mille
florins d’or pour qu’il s’écartât de leurs frontières ; le duc leur donna aussi
de l’argent pour exempter la Lorraine de leurs ravages ; les chanoines de
Saint-Dié lui vinrent en aide en lui prêtant quatre cents florins. L’empereur
Charles IV, accouru, les poursuivît et les atteignit entre Saint-Nicolas-du-Port et Laneuveville ; Jean Ier se tenait entre cette
localité et Nancy ; ils furent vaincus et se dispersèrent.
Henri de
Vaudémont les attira à son tour ; le duc les poursuivit en Champagne jusqu’à
Saint-Blin ; il leur tua deux mille hommes ; fait notable, il avait avec lui
de l’artillerie.
Les
routiers tentèrent encore de rentrer en Lorraine ; les Messins, le duc Jean et
le duc de Bar les poursuivirent, ainsi que Colard des Armoises et Frack de l’Aître,
bandits qui trouvaient fructueux de s'unir à eux. Ils furent assiégés dans Gondrecourt ; une tour fut minée ; se voyant perdus, ils se
rendirent à discrétion. Treize furent pendus ; Colard fut exécuté ; alors la tour s’écroula. L’année suivante leurs restes furent
pris dans le château de Belleville : vingt écuyers furent pendus ; cinq
personnages importants furent gardés pour répondre d’un personnage qu’ils
avaient pris, Pierre de Bar, sire de Pierre fort.
Jean de
Bar, bataillant contre les Messins, fut pris à Ligny, le 4 avril 1368 ; il dut
payer pour sa liberté soixante mille florins d’or. Le duc Jean se rendit caution
pour quarante mille, il en paya vingt mille et fit battre dans sa monnaie avec
des lingots du duc de Bar des sommes pour payer le reste.
Dans une
guerre suscitée par le sire de Pierrefort, le duc Jean eut le tort de prendre
son parti. Trois Messins, Yvain de Gallé, Jehan Rollevat et Jean Buit, remontèrent la Seille, prirent
Létricourt et d’autres villages ; puis ils se portèrent sur Neufchâteau et
revinrent sur Rosières qu’ils ravagèrent à moitié.
Le duc de
Lorraine, de son côté, entreprit le siège de Metz ; il y était depuis trois
mois sans résultat. Il envoya un défi en ville pour terminer la guerre par le
combat de deux chevaliers, l’un messin, l’autre lorrain. Le défi fut accepté,
les champions échangèrent trois coups de lance, trois coups de hache et trois
coups d’épée, sans résultat. Le duc se retira ; pendant ce siège il s’était fait
armer chevalier par Guy de Pontarlier ; il l’en récompensa par le don de cent
écus d’or sur les revenus de Neufchâteau.
En 1369,
il épousa Sophie de Wurtemberg, fille de son maimbour.
Le roi de France menaçait de lui enlever les terres de mouvance, s'il ne venait
faire en personne son hommage ; il se hâta de le satisfaire.
En cette année il arriva a
Marsal une aventure notable. Trois chevaliers, Bertrand de Novéant,
Simon de Macéville et Gérard d'Autrey prirent cent cinquante hommes d'armes qu'ils déguisèrent en ouvriers de la campagne
; ils s’introduisirent avec eux dans la place et s’en rendirent maîtres.
Thierry de Boppart, qui se trouvait dans son château de Viv,
prit vingt-quatre cavaliers, des arbalétriers et les introduisit de nuit dans
Marsal par une poterne que les envahisseurs ne connaissaient pas ; il en tua
soixante, en prit soixante-dix. Leur succès fut bien court ; de là vint un
dicton, on appela les courtes joies, joies de Marsal.
Le duc
Jean était libéral et juste ; il assistait parfois aux plaids pour surveiller
les jugements et pour ennoblir les sentiments de ses sujets ; il institua
l’ordre des Chevaliers de blanches mouches. Il agrandit Nancy, qui, tout petit
qu’il était, avait encore dans son enceinte des terres cultivées ; il bâtit les
rues du Grand-Bourget et du Petit-Bourget. C’est lui qui fit frapper le premier
des monnaies d’or en Lorraine ; elles avaient pour inscription Jones Lot. Dux.
Il commença aussi à donner des titres d’anoblissement. Furent anoblis les
premiers : Dehaut Milion, 6 décembre 1382 ; Guillaume
des Vieux, 10 octobre 1385. Le duc de Bar avait déjà anobli Humbert de Gondrecourt, le 22 juillet 1362.
Les
habitants de Mullenheim, en Alsace, firent irruption
sur les terres de Lorraine ; le duc entra en Alsace avec une armée par la
vallée d’Alberstadt, prit Scherwiller, près de Schlestadt ; il échoua devant Berckeim et prit Saint-Hippolyte qu’il eut dessein de garder.
La
possession des puits salés de Salonne et d’Amelécourt
mit encore le duc de Lorraine et le duc de Bar en guerre contre l’évêque de
Metz en 1378. En 1379, ils ravagèrent cinquante villages du temporel de Metz.
La paix ne tarda pas à se faire, parce que le roi de France avait la guerre
avec les Flamands ; il appelait à lui le duc de Lorraine. Les Flamands furent
vaincus à Roosbock et perdirent quarante mille
hommes, dit la chronique ; toutefois, elle dit que le duc Jean en tua cinq
mille de sa main : elle exagère.
Les
Neufchâtellois n’avaient pas obéi au roi de France qui leur demandait des
subsides et furent en lutte avec le duc Jean ; les motifs de cette lutte ne
sont connus que par le réquisitoire du procureur du roi au Parlement de Paris,
en 1422. Le duc avait imposé une taxe aux habitants ; les receveurs furent
tués. Jean entra dans la ville avec une armée, il assembla les principaux de
la ville dans le château, il leur reprocha leur félonie à son égard, les appels
qu’ils faisaient au roi de France. Pendant ce discours, un héraut parcourait
les rues de la ville et disait que les principaux seraient exécutés dans le
château si les habitants ne consentaient à reconnaître le duc pour leur
suzerain, à renier le roi et à payer au duc de Lorraine les cens légitimes.
Effrayés, ils promirent tout ce qu’on voulait ; ils s'engagèrent à payer 10.000
florins d’or. Jean fit faire au château une porte donnant sur la campagne, et
la porte donnant sur la ville fut munie d’un fossé et d’un pont-levis.
A peine
le duc se fut-il éloigné que les Neufchâtellois
firent appel à Charles VI qui fit occuper la ville et cita le duc à comparaître
devant le Parlement de Paris. L’arrêt fut que le château et la ville sont fiefs
du roi comme dépendant du comté de Champagne ; que la ville est du bailliage de
Chaumont et ressort des Grands Jours de Troyes. Les juges curent plus de soin
d'étendre le domaine du roi que de dire le bon droit, car Neufchâteau est sur
le Mouzon qui se jette dans la Meuse par la rive lorraine. Le duc en appela de
cette inique sentence ; mais il ne vit pas la fin de son procès, car il mourut
à Paris, en 1390 ; le bruit courut que les Neufchâtellois l’avaient empoisonné.
Ses
funérailles furent célébrées à Saint-Georges ; son testament régla les
largesses qui furent faites au clergé qui officia aux pauvres, qui reçurent le
pain do vingt resaux de blé (le resal est de cent
livres de Lorraines). Il demandait que dans la collégiale on érigeât un autel
à saint Charles de Blois. Il ordonna que la pension de son serviteur Jean de Tirepern fût prise sur le produit de la saline de Dieuze.
Il nomma pour exécuteurs testamentaires la duchesse, Ferri de Parroy et mesure
Jean de Tillou. Il avait eu de Sophie de Wurtemberg deux fils, Charles et
Ferry, sa fille Isabelle fut mariée à Enguerrand de Coucy. Il fut marié en
secondes noces à Marguerite de Loos, dont il n’eut point d’enfant.
CHARLES
II (1391-1431).
Il fut
élevé à la cour de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, et fit ses premières
armes à Roosbeck contre les Flamands et contre le duc
de Gueldres. Il avait vingt-cinq ans quand il commença à régner. Il assembla les
Etats généraux en 1391 ; il céda à son frère Ferry Rumigny, Boves et des terres
considérables en Picardie et dans le Hainaut.
Le procès
de Neufchâteau qui restait pendant fut terminé par un arrêt qui commandait au
duc de remettre les lieux en leur état primitif, de ne rien faire aux habitants
sous peine de 1.000 marcs d’argent. Les membres du
Parlement Gaillard et autres vinrent surveiller le remblaiement du fossé, le
roi n’osa réclamer 3.000 fr. extorqués aux habitants
; il pardonna au duc ses faits et excès à Neufchâteau ; les habitants firent un
don gracieux au duc, à la duchesse et à ses enfants. Le duc dut déclarer au
Parlement remettre le mautalet et ire qu’il a contre les habitants.
Le duc
revint à Nancy profondément irrité ; il appelait les Neufchâtellois les Jacques,
par similitude de ceux qui firent la Jacquerie en 1370 ; il les appelait hocheculs, parce que les bords du Mouzon sont
couverts d’oiseaux de ce nom ; il s'emportait en menaces contre eux, mais en
secret. Guyon de la Borde, un Français, vint à être tué dans cette ville, le
duc en profita pour obtenir du roi la permission d’y aller faire justice ; il
fit ouvrir la porte du château sur les champs qui avait été fermée ; puis, pour
gagner les habitants, il leur remit 7.000 francs sur les 10.000 auxquels il les
avait condamnés.
Henri
V de Vaudémont avait deux filles : la seconde fut mariée à Thiébaut de
Neufchâtel, maréchal de Bourgogne ; il lui donna pour sa dot Châtel-sur-Moselle,
Bainville-aux-Miroirs et Chaligny. La première, qui héritait du comté de
Vaudémont, donna sa main à Jean de Bourgogne-Comté, sire de Montaigu, puis à
Pierre de Genève. Après qu’elle fut devenue encore veuve, Charles III voulait
l’épouser ; mais son frère Ferry le devança. Le duc n’en fut pas attristé, car
il aimait son frère.
Des
Bourguignons faisant des ravages en Lorraine furent pris ; mais le duc les
renvoya sans rançon pour garder la paix avec Philippe le Hardi.
Les Turcs
firent invasion en Hongrie ; le duc de Bar et des chevaliers lorrains allèrent
les combattre ; le duc s’abstint de les y conduire. Il alla en Prusse secourir
les chevaliers teutoniques ; des Messins l’y accompagnèrent ; mais comme les
leurs, Jean de Vic, Pierre de Gournay ne voulurent pas combattre sous ses bannières,
il revint en Lorraine, en 1400.
Charles
II épousa la fille de Robert, comte palatin. Les électeurs de Trêves, Cologne,
Mayence et le comte palatin nommèrent celui-ci roi des Romains, après avoir
déposé Venceslas qui les indignait par ses désordres. Charles, se rangeant du
parti de son beau-père, mit le siège devant Toul qui tenait pour Venceslas, pendant
que Robert allait en Italie combattre Jean Galéus.
Les bourgeois de Toul détruisirent l'abbaye de Saint-Léon qui gênait la
défense, parce qu’elle était hors des murs de la ville ; ils envoyèrent les
chanoines se réfugier à Liverdun ; puis ils firent alliance avec les Messins.
Sommés de se soumettre, ils répondirent qu’ils réfléchiraient et qu’on vînt
chercher leur réponse à la Saint-Martin. Le duc et ses alliés Ferri de Vaudémont
le comte de Bar, le marquis de Pont-à-Mousson détruisirent les moulins,
arrachèrent les vignes, coupèrent les arbres. Ils mirent leur camp sur le mont
Saint-Michel, se couvrirent d’une palissade et mirent leurs canons en batterie
devant la place ; le comte de Vaudémont gardait le cours de la Moselle. Les
chanoines et le peuple se déclarèrent Lorrains ; les bourgeois firent une
sortie et envoyèrent des émissaires au roi de France se réclamant de sa
protection.
Le duc
d’Orléans, régent du royaume, accueillit cette demande avec joie ; il manda aux
Vermandois de saisir les fiefs que le duc de Lorraine possédait chez eux, à
cause des méfaits commis sur les amis de Toul par ses aimés, duc de Lorraine et
comte de Vaudémont. La ville était aux abois; le duc, par crainte de la France,
renonça à la vouerie, au gouvernement et à la protection de Toul ; il se
contenta d’exiger 8.000 francs, monnaie courante ; quant à Vaudémont, les
Toulois refusèrent de payer quoi que ce fût. Le comte défendit à ses sujets de
lui vendre les vivres dont ils avaient besoin; ils lui payèrent 800 francs.
Le
marquis de Pont-à-Mousson reçut une garnison française dans le château de l’Avant-Garde,
à deux lieues de Nancy. Le duc de Lorraine attaqua ce château et le détruisit
en partie ; le duc de Bar en instruisit aussitôt le roi de France ; puis les
deux princes se réconcilièrent et l’affaire en resta là.
Des
seigneurs lorrains firent des ravages en Champagne ; Jean de Maubeuge, maître
de l’hôtel du roi, et l’Admiral de France vinrent à
Neufchâteau avec trois mille hommes. Le duc se contenta de garnir de troupes
les châteaux environnants et Ferry de Vaudémont alla à Paris intercéder pour
son frère, promettant que le duc comparaîtrait avec des seigneurs pour sa
caution. Le roi Charles VI était en démence ; Charles n'en fit rien.
Le duc
d’Orléans, ami de Venceslas, empereur, reçut de lui le Luxembourg ; il fit
alliance avec le duc de Bar, l’évêque de Verdun, le damoiseau de Commercy, les
comtes de Salm, Saarbruck et Saarwerden,
pour mettre eu embarras le duc de Lorraine. Les alliés remontèrent la Moselle
et vinrent devant Frouard ; le duc de Bar émettait l’avis de prendre la place
pour s’en faire un point d’appui ; les autres, ne l’écoutant pas, vinrent
devant Nancy, envoyèrent un héraut y commander bon dîner et bon gîte pour le soir.
Le duc Charles répondit qu’il les attendait entre Nancy et Champigneulles. Le
danger était extrême ; la duchesse et les habitants , firent une procession
pieds nus pour toucher le Ciel. Les Lorrains firent une sortie aux cris de : Priny ! Priny ! La
bataille fut d’abord indécise ; puis Luxembourg, qui commandait la seconde
ligne des alliés, ne soutint pas la première ; les comtes de Luxembourg, Salm, Saarbruck et Saarwerden tombèrent
entre les mains des Lorrains ; ils furent enfermés dans le château et on leur
servit un dîner autre que celui qu’ils avaient commandé. Le duc ravagea les
terres de ses ennemis ; l’évêque de Verdun commença par l’excommunier, puis il
consentit à payer. L’évêque de Metz négocia pour la mise en liberté des
prisonniers ; Saarwerden paya 3.000 florins ; Raoul
de Coucy paya 20.000 florins d’or. Le duc n’eut pas de peine à s'emparer du
comté de Saarwerden ; le damoiseau paya une rançon
énorme. Les autres reprirent les armes et furent vaincus près de
Pont-à-Mousson.
Le duc
d’Orléans haïssait profondément le duc de Lorraine ; son animosité ne prit fin
qu’avec sa vie, quand Jean sans Peur, duc de Bourgogne, le tua dans les rues de
Paris, le 23 novembre 1407. Charles II ne haïssait pas moins la France ; il mit
dans son testament celle clause que s'il ne laissait que des filles, il défendait de les marier à quelqu’un qui
lui sons l’autorité du roi.
Les
malheurs de la France donnèrent à penser au duc qu'il pouvait exercer sans
danger sa vengeance sur les gens de Neufchâteau. Au commencement du carême de
1410, il laissa courir le bruit qu’il désirait prendre les principaux pour les
décapiter ; ceux-ci s’enfuirent en Champagne ; le duc alla à Neufchâteau sous
prétexte de visiter ses fiefs ; il rassura les habitants ; ceux qui avaient fui
revinrent. Mais les troupes lorraines, allant et venant, se trouvèrent, comme
par hasard, aux portes de la ville ; ils y entrèrent. Le duc assembla
trente-six des principaux dans le château ; en même temps, un héraut annonçait
en ville qu’ils allaient être décapités ; les habitants effrayés lui accordèrent
tout ce qu’il leur demanda. Il reprocha aux principaux leurs recours à la
France ; il se fit jurer par tous fidélité ; il en tint quatorze en prison dans
un château de la Lorraine allemande. Des soldats firent en ville des dégâts
pour plus de 100.000 francs ; puis ils pillèrent pain, vin, meubles pour les
conduire au château. Ce nouveau pillage causa pour plus de 200.000 francs de
dommages ; le duc rendit à la liberté le reste de ses prisonniers en leur imposant
à chacun 300 à 400 francs de rançon. La poterne du château sur les champs fut
ouverte ; le fossé fut creusé entre la forteresse et la ville ; il abaissa les
tours et les murailles ; il obligea deux notables, Jean Thirion et Jadin, à aller demander au roi la permission de traiter
avec le duc ; il fit pendre Guillaume Huel pour
effrayer les autres.
Trois
bourgeois, Colard Belpique, Colard Fournot et Jean Colinet, allèrent en secret à Paris porter au roi les
plaintes des habitants. Le Parlement manda au bailli de Chaumont d’ajourner le
duc à comparaître à Paris devant lui ; cité trois fois, le duc ne répondit pas.
Alors le Parlement le condamna à perdre ses fiefs de France, à remettre tout en
état à Neufchâteau, de payer pour les dommages faits cinquante mille livres au
roi et vingt mille aux habitants ; le duc et ses agents Henri et Chariot de Dambley devaient remettre l’image de Huel à sa veuve en solennité ; il payera cinquante livres à l’église pour fonder un
service. Neufchâteau remis en état cessera d’être lorrain ; le duc payera 1.000
marcs d’or à chaque infraction. Le 1er août 1412, le duc de Bar fut
chargé d’exécuter la sentence. Jean sans Peur, duc de Bourgogne, qui s’était
réconcilié avec Charles II, ne fut pas instruit de cet arrêt ; et la maladie du
roi enhardit le duc à lui demander le pardon ; ce prince l’accorda sans plus
parler de Neufchâteau. Le duc, néanmoins, irrité de cette procédure, s’allia au
duc de Bourgogne, jusqu’au moment où celui-ci se retira dans les Pays-Bas.
En 1414,
Charles II assista au couronnement de Sigismond, roi des Romains, ainsi qu’à la
deuxième session du concile de Constance (1415), avec Ferri de Vaudémont,
Antoine son fils, Louis, cardinal de Bar, évêque de Châlons, Edouard II de Bar,
Kilian de Ludres, Jean de Haraucourt, sénéchal, et Henri de Ville, évêque de
Toul.
Le duc
dut retourner dans ses Etats, parce que la garnison de Prény, par ses
incursions dans le pays messin, attira une attaque de Prény, pendant laquelle
deux mille cinq cents Messins brûlèrent le bourg.
Les
Anglais firent une descente en France ; le duc Charles se tint à l’écart, parce
que le duc de Bavière, frère d’Isabeau, avait épousé sa sœur. Le 25 octobre fut
livrée la bataille d’Azincourt ; Edouard III de Bar, son frère, son neveu,
Ferri de Vaudémont, Thiébaut, sire de Blâmont, y furent tués.
A
l’assemblée de Troyes, en 1418, le duc reçut d’Isabeau l’épée de connétable ;
il entra dans Paris à la suite de cette reine avec le duc de Bourgogne ; mais,
comme il fut bientôt dépouillé de ce titre de connétable, il revint dans ses
Etats.
Tous les
princes de Bar étaient morts à Azincourt, le duché revint au cardinal Louis de
Bar, évêque de Châlons. Il restait deux sœurs d’Edouard III et du cardinal ;
l'une avait épousé Jean, roi d’Aragon ; Yolande, issue de ce mariage, axait
donné sa main à Louis d’Anjou, comte de Provence, roi titulaire de Naples et de
Sicile. René, issu du même mariage, duc de Guise, était né à Angers le 10
février 1408. 11 avait onze ans en 1418 ; le cardinal demanda pour lui la main
d’Isabelle, fille aînée et héritière de Charles II. Marie d’Anjou, issue aussi
du mariage d'Yolande avec Louis d’Anjou, venait d'être épousée par le dauphin.
Le roi
d’Angleterre voulut rompre cette alliance et offrit pour époux d’Isabelle le
duc de Bedfort, son frère; le comte d’Haussonville
était chargé, de présenter la lettre qui contenait cette proposition. Le duc
envoya Jean d’Haussonville, Ferry de Parroy et Jean d’Haraucourt porter la
réponse qui déclarait que le duc avait des besognes trop pressantes qui
l’empêchaient de traiter cette affaire. C’était une défaite, car les routiers
qui reparurent alors en Lorraine furent facilement défaits.
En 1419,
le 13 avril, le cardinal Louis céda le duché de Bar à René ; les Etats de Bar
ratifièrent cette cession. Le mariage de ce prince avec Isabelle de Lorraine
fut célébré le 14 octobre 1420. Parmi les seigneurs qui signèrent au contrat
figurent Jean V de Salm, Jean d’Haussonville, Jean de Haraucourt, Jean de
Lenoncourt, Ferry de Parroy, Jean de Fléville, Geoffroy de Tonnoy, etc...,
etc...
Philippe
de Bourgogne dissimula le dépit que lui causait ce mariage, et envoya des
présents de noces à la jeune duchesse.
Charles
II administra les deux duchés.
Une
seconde sœur d’Edouard et du cardinal de Bar donna sa main à Adolphe IX de Berg
; il revendiqua, lui aussi, le duché de Bar, car les femmes étaient admises à y
succéder. Il prit les devants, s’empara de Pierrepont, Etain, Sancy et assiégea
Briey. Il eut l’imprudence de quitter le siège pour aller visiter une amie ; la
garnison le surprit à son retour, il fut saisi et conduit à Nancy ; le duc lui
rendit la liberté moyennant son désistement du duché de Bar.
Le 1er août 1424 naquit Jean de Bar, fils de René ; il fut baptisé dans la cathédrale
de Toul. Cette naissance fit gémir Antoine, comte de Vaudémont, qui caressait
l’espoir de devenir un jour duc de Lorraine ; il ne put se retenir de divulguer
ses désirs ambitieux. Bien qu’averti par le duc, il recommença ses propos. Le
due lui assigna quinze jours pour signer une déclaration qu’il renonçait au
duché tant que le duc et ses enfants seraient en vie. Le comte eut
l’obstination de refuser de signer ; alors Charles II fit de Vézelise et de
Vaudémont un siège qui dura trois ans. Vézelise réduit par la famine se rendit
en 1428 ; le bourg de Vaudémont aussi, mais la forteresse tint bon ; le duc se
retira sans la prendre ; il perdit au siège de Vézelise un vaillant serviteur
Jean de Remicourt, le Pélegrin, qui fut tué d'une
flèche.
René prit
possession du duché de Bar le 4 août 1424 ; il remercia Jean de Salm qui
l’avait gouverné . Les monnaies frappées pendant la régence étaient au nom de
Charles II ; pour garder un souvenir de son bail au mainbournie de Bar, il prit
dans ses armes deux bars ou barbeaux.
Une
guerre terrible éclata entre Metz et le duc de Lorraine pour un motif plus que
futile. L’abbé de Saint-Martin fit entrer dans Metz des bottées de pommes de
son jardin sans payer un droit de sortie au duc de Lorraine. Ses moines étaient
mal avec lui ; ils se hâtèrent de prévenir le duc, qui fit des réclamations.
Les Messins s’en mêlèrent ; de là des ravages réciproques dans les terres les
uns des autres. La ville avait pourtant besoin de repos, car, en 1420, il y eut
une maladie qui emporta quatorze mille habitants ; les vignes avaient été gelée
en avril. Les ducs de Lorraine et de Bar n’osant s'attaquer à la placé, en
firent le blocus ; mais en vain, car des vivres vinrent de Luxembourg. En juin
14’20, quinze cents cavaliers et cinq mille hommes de pied ravagèrent les
campagnes, renversèrent le gibet où trente-deux corps se balançaient au veut ;
ils coupèrent les blés, arrachèrent les vignes. Charles II malade de la goutte
était porté en litière ; il vint autour de Metz avec dix mille hommes de
troupes nouvelles ; vingt mille mitres ravageaient les campagnes ; les canons
tiraient sur Metz, mais sans résultat. Les deux ducs revinrent encore devant la
place, une autre année avec dix mille hommes ; puis ils se retirèrent ; les
Messins les suivirent et il se livra une bataille sans résultat. Les Messins
voulurent traiter, le duc s’y refusa et gardait quatre cents prisonniers à
Nancy, Lunéville et Neuf château.
René de
Bar assista à Reims au sacre de Charles VII ; il y vit Jeanne d’Arc et le roi ;
il fit sa soumission pour les fiefs de la mouvance ; il l’avait déjà faite au
roi d’Angleterre, il lui envoya des lettres de désistement. Avec le fameux
Barbazan, il fit une expédition en l’Île de France dans l’armée du roi, qui
prit Choisy, Bar-sur-Seine et Pont-Saint-Maxence.
Jeanne
d’Arc était venue à Saint-Nicolas-du-Port, en
attendant le message du roi au sire de Baudricourt ; elle vit le duc à Nancy,
elle lui reprocha de contrister la duchesse ; le duc lui remit un cheval et une
bourse.
Le duc en
effet entretenait une liaison avec Alizon May. Celle-ci gouvernait le duc qui
ne faisait rien que par ses volontés ; elle fit moult bien à sa pareille. Le
16 janvier 1416, elle reçut pour elle et ses hoirs une mainson avec grainge en la rue de la Boudière (Grande-Rue Ville-Vieille). Le duc plaça son image
sur un retable à la chapelle Saint-Georges, parmi les bergers adorateurs de
l’enfant Jésus. Il eut d’elle cinq enfants dont l’aîné, Ferry de Bilstein, devait être, dans la pensée du duc, son héritier
au défaut des enfants de ses filles. Les Etats déclarèrent qu’il n’y aurait
jamais d’héritiers du duché que dans la descendance de ses filles légitimes.
Le duc
mourut le 25 juillet 1431. Le peuple prit Alizon May et lui fit faire dans les
rues une promenade ignominieuse au milieu des injures. On lui jeta... ordure
au visage, puis elle fut tuée secrètement ; ces choses se passaient sans
que René et la duchesse y prissent aucune part.
RENÉ
1er ET ISABELLE (1431-1453).
Isabelle
fut reconnue duchesse le 31 janvier 1432. Pour gagner les seigneurs, elle fit
dans une séance régulière des Assises cette déclaration que tous les litiges
entre la duchesse et les seigneurs, et les seigneurs entre eux seraient jugés
par les Assises ; c’était l’assemblée des nobles primitifs, à l’exclusion des
anoblis. C’était une concession exorbitante ; dès lors,, et déjà en 1390, tous
les ducs jurèrent d’observer ce principe et cela dura jusqu’au commencement du
XVII siècle.
Dès le 23
février, Antoine, revenu à Vaudémont, prit le nom et les armes du duc de
Lorraine ; il vint devant Nancy donnant sommation de lui ouvrir les portes et
de le recevoir en souverain. René donna deux sommations à ce vassal de Bar de
venir lui rendre hommage ; comme il n’obtint aucune réponse, il vint mettre
devant Vaudémont le siège qui fut bientôt changé en un blocus dirigé par
Jacques de Bade, Hennement de Lenoncourt et Erard du
Châtelet.
Le comte
de Vaudémont était à Joinville près de sa femme Marie d’Harcourt, qui venait
d’accoucher, quand il apprit l’envahissement de son comté. Il implora le
secours de Philippe le Bon, duc de Bourgogne ; celui-ci lui envoya des troupes avec Toulongeon, maréchal de Bourgogne, pour les
commander. Philippe voyait en René un allié de la France ; Marie d’Harcourt
rétablie amena à son époux en Champagne quatre mille chevaliers et deux mille
fantassins qui ravagèrent le Barrais.
René fit
appel à ses alliés, Louis de Bavière, seigneur d’Heidelberg, Conrad Boyer de
Boppart, évoque de Metz, le sire de Sarrebruck, damoiseau de Commercy et Barbazan
qui commandait en Champagne ; l’armée lorraine s’élevait à dix mille hommes.
Le 1er juillet 1431, les Bourguignons étaient à Saudaucourt et René à Chàtenois. Toulongeon,
dont les troupes étaient inférieures en nombre et manquaient de vivres, voulait
se retirer de la lutte. Le 2, son armée était à Bulgnéville ; il se couvrit
d’un rempart de chariots ; derrière lui se trouvait une haie, un ruisseau et
une forêt. Barbuzan était d’avis de temporiser, car
il jugeait bien l’embarras de l’ennemi. Les jeunes gens lui dirent insolemment
: Ceux qui craignent les feuilles ne doivent pas venir au bois. Blessé
au vif, il répondit : Je ne veux pas que mon nom soit un déshonneur pour le
duc. René était impatient de combattre ; il eut encore un colloque inutile
avec Vaudémont, puis il s’écria : Trompettes, sonnez ! Barbazan
commandait la droite ; le duc et l’évêque étaient au centre ; le sire de Sarrebruck
conduisait la gauche. Les Lorrains se ruèrent avec tant d’impétuosité que, au
centre et à droite, ils renversèrent les chariots, et il se fit une mêlée : les
cavaliers bourguignons combattaient à pied. Or, le sire de Sarrebruck avait
promis à une Agathe de la rejoindre, de quitter à meshui (à temps) l’armée. Il se retirait, Barbazan lui cria : Où allez-vous ? Le damoiseau répondit : J’ai promis à ma mie ! Jean d'Haussonville
fit comme lui.
René,
pensant que celui-ci allait rentrer en lutte, continua la bataille. Les
chevaliers bourguignons remontèrent à cheval ; le duc René était blessé ; il
était couvert de sang ; il se rendit à Martin Jonear,
écuyer du sire d’Enghien ; celui-ci, reconnaissant le duc, le conduisit à
Antoine, qui lui promit la forte somme, s’il le conduisait dans un petit bois
voisin pour gagner Joinville. Toulougeon survint,
s’empara du duc, le fit conduire à Châtillon-sur-Seine et se retira de l'armée
avec ses soldats, disant qu'il avait ordre de son maître. Antoine fut furieux
de se voir ravir son prisonnier et de ce que Philippe, craignant sans doute de
le sentir si puissant, l’abandonnait dans la lutte. Les Bourguignons perdirent
quatre cents hommes ; les Lorrains en perdirent douze cents ; beaucoup de
seigneurs restèrent prisonniers ; Barbazan était parmi les morts. Cette
bataille fut perdue par la présomption, comme le furent celles de Crécy,
Poitiers et Azincourt.
A la
nouvelle de ce désastre, le blocus de Vaudémont fut levé, Vézelise évacué ; la
duchesse assembla le Conseil et y parut avec ses petits-enfants, ne sachant si
son époux était prisonnier ou étendu parmi les morts. N'ayez crainte, lui dit-0n, le duché est bien gardé.
On
rassembla les restes de l'armée ; en fit des levées ; et on se trouva avec une
force plus grande que celle qui avait combattu ; ainsi, si ce n'eût été la
captivité du duc, le résultat final de la bataille fut uniquement la levée du
blocus de Vaudémont.
On
défendit aux prévôts de reconnaître l'autorité d’Antoine ; la ville de Vézelise
fut investie, et malgré les diversions que fit le comte, elle fut prise au bout
de six jours et saccagée. On prit aussi Toullon (Thelod).
Une trêve
fut conclue jusqu’au 25 janvier 1432 ; on convint de faire juger le différend
par les évêques de Metz et de Verdun. Erard du Châtelet el deux autres
seigneurs. La trêve ne fut pas observée par les lâches qui avaient fui ;
ils continuèrent leur ravages. Le duc René fut conduit dans la tour de Dijon, qui s'appela depuis la tour de Bar.
Des barreaux fermaient les ouvertures ; on en mit même, au sommet de la cheminée
de la tour.
Philippe
permit à René de sortir pour un an moyennant le versement d’un acompte de
20.000 saluts (monnaie où était figurée l’Annonciation) el la mise en otage
des deux fils de René, et d’un grand nombre de seigneurs, s'il manquait à sa parole.
Le duc revint à Bar, puis à Saint-Nicolas-du-Port et
à Bouvières. René eut l’imprudence de prendre Philippe pour juge de son
différend avec Antoine. René et Antoine revenaient ensemble des Flandres et
passaient à Metz ; les habitants tirent don au comte de deux cowes de fort bon vin, cent quintaux d'avoine et pour 20
francs de poxon (poisson). Il leur avait fallu
aller dans les Flandres détruire des bandes de pillards installés dans des châteaux
sur la lisière de la forêt d’Ardenne.
Le duc
rendit à Conrad de Boppart, évêque de Metz, Nomeny, Saint-Avold, Baccarat et le
ban de Delme, comme compensation des 10.000 saints que celui-ci avait avancé
pour la rançon du duc.
Antoine
était en désaccord avec Philippe le Bon sur le prix de la rançon de René ; puis
il se défiait et de lui et des évêques pour juger son différend avec René : il
le soumit à Sigismond, empereur, qui était alors à Constance assistant au
concile. Les légats prononcèrent cette sentence arbitrale que le duché
appartenait à Isabelle, et, en conséquence, à René, au nom de sa femme, et relovait
de l’empire ; qu'il fallait en faire hommage à l’empereur.
Le duc
donna des fêtes à Pont-à-Mousson ; les Messins accourus furent attaqués, bien
qu’escortés de quarante soldats, en passant dans un bois par le damoiseau de
Commercy, escorté de cent cinquante soldats. Les Messins indignés vinrent, sous
la conduite de Jean de Baudoche et d’autres, attaquer
Commercy. Ils avaient trente-cinq chars chargés de bombardes et de vivres. Un
assaut fut donné ; une sortie y répondit. Le sire de Richemond commanda qu’on fît la paix ; le damoiseau dut payer 20.000 saints, et promit de
mettre fin à ses brigandages. Il ne tint pas sa parole et continua ses
ravages.
Nouvelle
attaque ; nouvelle paix ; René eut le tort de consentir à ce que Vaudémont fût
exclu de cette paix. Antoine, irrité, pria Philippe de faire reprendre à René
sa prison : un héraut de la Toison d’or fut envoyé pour lui signifier de
rentrer le 1er mai 1430.
Le 9
juillet 1435, le duc René donna à Gérard de Haraucourt cinq cents écus d’or en
rentes sur la saline de Château-Salins, en outre, ce qu’il a indivis avec
l’évêque de Metz au ban de Réméréville et villages du dit ban (Courbesseaux, la
tour de Buissoncourt, Velaine-sous-Amance et Erbéviller)
; c’était sans douté pour compenser ce seigneur de sa rançon après la bataille
de Bulgnéville.
René
rentra donc en sa prison à la date fixée ; il fit son occupation des belles
lettres et de la peinture qu'il avait apprise auprès de Hubert et Jean van Eck.
Louis
d’Anjou, son frère, que Jeanne II de Naples, la dernière des Duras, avait
institué son héritier, vint à mourir ; Jeanne mourut trois mois plus tard,
instituant René son héritier ; il héritait ainsi de ses prétentions sur
Naples, la Sicile, la Provence et l’Anjou. H peignait une perdrix quand le
messager lui apporta cette nouvelle ; il continua de peindre, puis il dit un De
profundis.
Philippe
lui proposa un traité léonin, il ne l’accepta pas.
Isabelle voulut
profiter des royaumes qui étaient dévolus à son époux, elle laissa le duché
aux bons soins des évêques de Metz et de Verdun et partit pour Naples. Le roi
d’Aragon assiégeait Naples ; Visconti de Milan, allié d'Isabelle, envoya contre
lui les galères des Génois ; Isabelle débarqua et dans une bataille livrée à
Gaële, elle s'empara d’Alphonse d’Aragon ; avec 4.000 écus que le pape lui
donna elle conquit le royaume de Naples.
Cependant
les tentatives faites pour traiter de la rançon de René n’aboutissaient pas.
Vaudémont présenta un nouveau mémoire, mais le duc de Bourgogne ne décida rien.
Les
régents eurent à attaquer La Mothe parce que Gilquin d’Apremont en faisait un refuge de pillards ; il rendit la ville pour une somme
d’argent. Ils attaquèrent la forteresse d’Etrepy que défendait Armand de
Cervelle, petit-fils de celui qu’on appelait l’Archiprêtre. En 1436, une armée
de routiers fut battue à Sercoeur-sur-Durbion, entre Rambervillers et Epinal ; cinq cents
routiers retranchés dans le village furent brûlés.
Pothon de Xaintraille ravageait les environs de Metz en décembre 1434 ; le Reffon le prit, mais il dut le mettre en liberté, parce que le roi de France intervint
en sa faveur. A la fin de 1437, quatre mille Ecorcheurs envahirent le Barrois ;
ils perdirent quatre cents des leurs à Vaubécourt.
René
essaya encore de traiter de sa rançon avec le duc de Bourgogne ; celui-ci y
mettait des conditions inacceptables ; il obtint encore une liberté provisoire
en donnant en otage son fils aîné ; il passa par Pont-à-Mousson, et se rendit
près de Philippe dans les Flandres où fut conclu le traité définitif de sa
délivrance. René cédait ses possessions de Flandre ; il payerait 400.000 écus
d’or, à la taille de soixante-dix au marc de Troyes; il livrait en gage Longwy et
Prény jusqu'à paiement entier, ainsi que Neufchâteau et Clermont-en-Argonne ;
quarante seigneurs viendraient comme otages, si René ne s’acquittait pas. René
ferait hommage pour le marquisat de Pont-à-Mousson, si le duc Philippe faisait
la preuve de la légitimité de cette prétention ; enfin René donnerait sa fille
Yolande en mariage à Ferry de Vaudémont. Ce traité fut conclu à Lille, le 28
janvier 1437. Le doyen de Saint-Thiébaut dit que Philippe quitta à René la
moitié de sa rançon.
Pour
payer cette rançon, les Etats accordèrent un impôt de saints par conduit ou
ménage ; les trois évêques de la province imposèrent à leurs sujets un sou par
conduit. Ce fut là le premier impôt mis sur les peuples de Lorraine et de Bar ;
toutes les recettes des duchés provenaient jusqu’alors du domaine du prince.
L’écu d’or valait dix livres dix-neuf sous cinq deniers tournois : la somme
totale était donc de 2.392.500 livres tournois ; c’était une rançon
exorbitante.
Le duc,
devenu libre, s’empressa d’aller à Naples ; il emmenait avec lui des seigneurs
lorrains avides de combats et de gloire, un Haraucourt, un de Lenoncourt, etc.;
il passa par Angers et ne se pressait pas; il perdait son temps. Enfin, il
arriva à Naples. Après des succès et des revers, il obtint du roi d’Aragon, qui
n’avait point d’enfants, qu’il adoptât Jean, son fils aîné (1442).
Le comte
Antoine, mécontent des arrangements qui avaient été pris, entra en campagne et
prit les châteaux de Xeuilley et Haroué. Les régents, que René avait nommés
avant son départ, les évêques de Metz. Verdun, un Du Châtelet et un autre,
entrèrent en campagne contre lui ; ils évitèrent de livrer une bataille,
prirent le château de Mandres-aux-Quatre-Tours, qui dépendait du comte de
Blâmont, et vinrent devant Vaudémont ; n’espérant point prendre le château,
ils ravagèrent les environs.
Antoine
de Vaudémont revint sur eux à l’improviste. il tue, il fait des prisonniers ;
le grand étendard de Lorraine tombe entre ses mains ; il le met à Vézelise. Il
ravage les terres de ses ennemis personnels, Haussonville, Savigny ; il réunit
une armée d’aventuriers qu’il partage ou trois corps ; le premier prend Mirecourt
et le met au pillage ; Antoine, à in tête du second, brûle Dun et Stenay ; le troisième
prend Rembercourt el Varennes.
A cette
époque Charles VII avait repris Paris ; il n’avait plus d’emploi à donner à ses
mercenaires ; il pensa venir au secours de René, son beau-frère ; Lahire et
ses troupes de renom vinrent en Lorraine ; Vézelise et Charmes furent pris ;
puis cette armée se dispersa ; il ne resta que les garnisons mises dans les
châteaux ; elles faisaient des sorties four ravager le pays. Les gens des
campagnes se défendirent et en tuèrent un grand nombre. Une trêve entre les
belligérants fut signée le 15 août, elle devrait durer jusqu’à Pâques 1440, le
27 mars.
L’évêque
de Metz, Conrad Bayer de Boppart, avait fait des dépenses énormes pour le
service de Lorraine; pour se compenser, il mit une légère imposition. Vautrin
Raser, cure de Condé-sur-Moselle (Custines), ancien serviteur de Louis d’Anjou,
se rendit à Naples, prétendant que Conrad se livrait à de scandaleuses
extorsions; il revint, ayant obtenu de René l’ordre de l’arrêter. Guillaume de
Dommartin, Vautrin de Thuillières et Godard invitèrent Conrad à se trouver à Alliance
pour parler d’affaires. Il vint avec Thierry Boyer, Andomin d’Oriocourt, châtelain de Nomeny, et le mayeur de Vic. Pendant la nuit, ils se
saisirent de lui à l’improviste et le conduisirent au château de
Condé-sur-Moselle. Cette arrestation causa une indignation universelle. Il
resta en prison dix semaines ; il fut maltraité, et, dans cet état, il promit
de ne rien réclamer des sommes qui lui étaient dues par le duc ; il lui
abandonnerait les villes et châteaux de Nomeny, Rambervillers, La Garde, Baccarat
et les salines engagées précédemment. Les compagnons de l’évêque durent payer
une rançon considérable. Le prélat, après qu’il fut mis en liberté, protesta
contre la violence qu’on lui avait faite et le traité imposé ; il fit la guerre
contre ceux qui voulaient prendre possession des villes susdites.
Cette
guerre dura toute l’année ; elle se termina par une trêve en 1441. Alors
Isabelle revint à Nancy ; détrompée, elle accorda 24.000 florins à l’évêque
pour le dédommager.
En cette
année des routiers s’attaquèrent, à La Mothe et s’en emparèrent ; de là, ils
vinrent piller Saint-Nicolas-du-Port, emmenèrent
prisonniers ses principaux habitants ; des chevaliers lorrains les poursuivirent
et leur reprirent leur butin. Les routiers vinrent aussi à Verdun ; l’évêque,
Louis de Haraucourt, vint à leur rencontre ; ils se mirent en bataille, mais le
prélat eut l’habileté de les prendre à revers, prit leurs chevaux ; ils
s’enfuirent.
En
octobre 1440, Antoine de Vaudémont, avec le damoiseau de Commercy, des Picards
et des Flamands, conduits par Simon de Loboin, réunit
une armée de deux mille chevaliers et quatre mille fantassins, aspirant tons à
faire du butin. Louis, second fils de René, défendit Bar, mais n’accepta pas la
bataille. Ils commirent toutes sortes d’excès ; ils vinrent à
Novéant-sur-Moselle et allaient y mettre le feu, lorsque l’abbé de Gorze, qui
en était le propriétaire, réussit à les dissuader, car ils étaient, se
disaient-ils, gens d'honneur, ne faisant ta guerre que pour la gloire.
Charles
VII voulut faire la paix ; il vint avec vingt mille hommes à Neufchâteau,
Saint-Mihiel et Vaucouleurs. Le damoiseau de Commercy calma l'orage qui allait
éclater sur lui, en acceptant de faire hommage au roi et de lui payer 20.000
saluts. Les Verdunois donnèrent au roi 10.000 saluts et deux bombardes.
Charles Vil retourna à Reims et, jugeant à son tour la cause du comte de
Vaudémont, lui déclara qu’il n’avait aucun droit au trône de Lorraine tant
qu'il resterait des descendants de René et d’Isabelle. Antoine mourut en 1447
; son tombeau, qui est aussi celui de Marie d’Harcourt se trouve aux
Cordeliers, à Nancy. Ferri de Vaudémont s'attacha à René, son beau-père, et le
servit en Italie.
Le prince
Louis était alors le régent du duché ; mais Louis de Haraucourt traitait toutes
les affaires. L’inutilité de ces guerres et les ravages qu’elles causaient inspirèrent
aux seigneurs lorrains de se liguer pour trois ans, déclarant que leurs difficultés
seraient soumises au régent Louis, et terminées par son arbitrage. Parmi ces seigneurs,
on voit les noms de Haraucourt, Lenoncourt, Ferri de Ludres, Ferry de Parroy,
Philippe de Lenoncourt, etc...
Cependant
René, dont les affaires en Italie n’allaient pas au gré de ses désirs, revint
en Provence ; il voulut conclure une alliance avec Philippe de Bourgogne ; il
proposait le mariage de sa fille Marguerite avec Charles, comte de Charolais,
avec cette clause que lui inspirait sa rancune contre Antoine de Vaudémont, que
les enfants, nés de ce mariage, succéderaient aux duchés de Lorraine et de Bar
avant ceux d’Yolande, épouse de Ferri de Vaudémont. Heureusement, Charles VII
averti d'un projet si funeste à la France et à la Lorraine, l'empêcha d’aboutir.
Le
damoiseau de Commercy recommença ses brigandages en 1443 ; avec trois mille
routiers, il ravagea le pays messin. Le bâtard de Vergy lui infligea une défaite, et Louis, marquis de Pont, éleva en face du château
de Commercy une forteresse pour le contenir.
La mort
de ce jeune prince obligea René, son père, à revenir en Lorraine ; il vint avec
Charles VII, qui, ne sachant comment occuper ses troupes, tenta de réduire les
trois villes épiscopales Metz, Toul et Verdun ; cette guerre se faisait sans
motif, à moins que ce ne fût pour venger un outrage fait à la duchesse. Elle
venait à Pont-à-Mousson entendre prêcher les indulgences accordées par le pape
Eugène IV ; des Messins embusqués pillèrent ses bagages. Les bourgeois de Metz
auraient consenti à reconnaître le roi pour leur seigneur s’il voulait se
retirer ; le roi prit son temps ; il mit un prévôt à Epinal, fit avec le dur mi
pèlerinage à Saint-Nicolas ; de leur côté, les citains de Metz mirent leur ville en état de défense. Dix mille hommes assiégeaient la
ville et prirent d’abord autour de la place villages et châteaux. C’était en
1444. A la sommation de se rendre, les bourgeois répondirent : Nous vous
faisons savoir pour et au nom de la cité que nous aimerions mieux tous mourir,
qu’il nous fût reproché que nous eussions une fois renvoyé le grand aigle.
La famine
pressait la ville, elle n’aurait pas tardé à se rendre, si les envoyés, mandés
à Pont-à-Mousson, bien avisés, n’eussent pensé qu'il valait mieux faire la
guerre par l’argent que par les armes. Ils soudoyèrent en secret les
conseillers du roi, et le traité entre Charles VII, René et les Messins fut
vite signé. Les mercenaires n’avaient pas leur satisfaction, mais les Messins
les menacèrent, on pendirent quelquesuns ; les autres s’en allèrent.
Le roi,
passant devant Toul, demanda 2.000 francs pour droit de sauvegarde ; les
bourgeois résistèrent, et leurs faubourgs furent brûlés ; devant ce spectacle,
ils cessèrent leur résistance, ouvrirent leurs portes et se soumirent au roi.
Les Verdunois acceptèrent de même la sauvegarde du roi et payèrent 2.000
francs. L’empereur Frédéric III, apprenant le traitement fait à ces villes
impériales, protesta auprès du roi et du duc ; mais des occupations le
retinrent ailleurs, il ne put donner suite à sa réclamation.
Henri VI
d’Angleterre envoya son frère, le duc de Suffolk, proposer à René son mariage
avec Marguerite. Celui-ci y consentit, mais comme son trésor était vide, il
céda pour dot à Marguerite le royaume de Majorque, laissant au roi d’Angleterre
la peine de le prendre.
René
était peu solvable ; pour s’acquitter auprès de Philippe de Bourgogne, il
payait la solde des garnisons bourguignonnes de Prény, Longwy. Neufchâteau et Clermont-en-Argonne
; l’urgent recueilli auprès du ses sujets pour su rançon avait été employé à.
donner des fêtes magnifiques en Anjou ; les dames y accouraient et, parmi
elles, on vit Anne Sorel, bien connue de Charles VII. Il remit à Jean de Calabre
le duché de Lorraine, eu 1445, le 1er juillet ; le 1er novembre il lui céda le marquisat de
Pont-à-Mousson.
Jean
avait toutes les qualités sérieuses de sa mère ; il voulut faire renaître la
prospérité dans le pays ; le 20 avril 1440, il institua mi grand gruyer pour la
Lorraine et le Barrois. Cet officier forestier dut tenir six séances par an à
Nancy et à Amance pour juger les causes forestières ; douze à Dompaire pour les
Vosges ; douze à Bar et à Pont-à-Mousson pour le Barrois. Il était assisté dans
ces jugements par les gruyers particuliers, les clercs et jurés comme
accusateurs, receveurs et greffiers. Il devait visiter les bois et installer
les gardes.
Les
revenus de la Lorraine étaient descendus pendant ces guerres de 50.000 francs à
5.000 ; ceux du Barrois, de 20.000 francs à 3.000. Il prit une mesure douloureuse,
mais nécessaire, ce fut d’annuler les ventes, donations, aliénations faites à
la légère des biens publics ; du moins celles qu’il était impossible de justifier.
Cette
mesure excita beaucoup de mécontentement ; Jacquemin de Beaumont, à Bitche, se
fit l’interprète des mécontents ; il se révolta et vendit la place de Bitche au
seigneur de la Petite-Pierre ; le duc vint s’en emparer et ce coup termina la
révolte.
Pour calmer
les esprits, René institua l’Ordre du Croissant, comprenant cinquante
chevaliers. Pour y être admis, il fallait être noble des quatre lignes sans
mésalliance et sans vilain cas de reproche ; le code de cet Ordre est tout une
invitation à la bienfaisance, à la justice et à la vaillance.
René et
Jean prirent une part glorieuse dans les combats que l’armée de Charles VII
livra aux Anglais pour reconquérir la Normandie, de 1448 à 1451. Après ces
guerres, Jean revint en Lorraine.
Isabelle
mourut le 27 février 1453 ; René remit la Lorraine à Jean, comme c’était le
droit ; mais il garda le duché de Bar.
Le roi
René voulut se remarier ; il épousa Jeanne de Laval. Ce mariage ne lui fit pas
quitter une Albertaz qui faisait fondations et
jolis tableaux ; elle avait de jolis enfants. La d’Albertaz avait à ce point gagné l’esprit du roi de Sicile que les enfants qu’elle eut de
lui furent légitimés... bien injustement ; chacun connaissait les scandales
de cette femme, René faisait semblant de les ignorer.
JEAN
II (1453-1470).
Mory
d’Elvange dit qu’il commença son règne par la prestation du serment devant la
chapelle Saint-Georges qu’il respecterait les privilèges des trois Ordres. Ce
serment fut fait en présence des seigneurs parmi lesquels nous notons Jacques
et André de Parroye, Gérard de Haraucourt, etc... Le
duc fit alliance offensive et défensive avec Frédéric 1er, comte
palatin du Rhin.
Ce fut
Jean, et non pas René, comme on l’a dit, qui demanda à Charles VII la révision
du procès de Jeanne d’Arc : elle était donc Lorraine.
Le duc
alla en Italie, laissant son duché sous la régence du sire de Foug et du comte de Lenoncourt. Les Florentins l’appelaient
pour commander leurs troupes ; il devait rester trois ans et recevoir par an
une solde de 12.000 florins. Il eut bientôt dégoûté Sforza de ses attaques ;
les Florentins furent si satisfaits de ses services qu’ils lui firent une
gratification de 70.000 florins, et il revint à Nancy au hou t d’un an. Cette somme
lui permit de dégager les Vosges engagées au marquis de Bade.
De
grandes fêtés suivirent son retour : on vit à Laneuveville vingt-quatre
gentilshommes entrer en lice. C’est alors que les envoyés de Ladislas V, roi de
Bohême, passèrent à Nancy, allant à Paris demander la main de Madeleine, fille
du roi, pour leur prince ; pendant trois jours des fêtes saluèrent leur
présence.
Alors
Nancy se bâtissait ; on édifia les deux tours de la Craffe, les deux rues des
Grandes et Petites Bordes se remplissaient de maisons.
Jean,
nommé gouverneur de Gènes par le roi de France, retourna en Italie ; il
triompha d’une agression de Frégoze, doge de Venise ;
puis, il partit pour arracher Naples à la domination aragonaise ; il débarqua
à Castellamare ; les subsides qu’on lui avait promis
ne vinrent pas, mais ses soldats lorrains, angevins et provençaux étaient
enthousiasmés de lui, et le 9 juillet 1460 il vainquit les Aragonais à Sora,
sur les bords du Saro. Il n’osa attaquer Naples, il
occupa les Pouilles. Le pape envoya contre lui Scanderberg ; devant ce capitaine renommé, Jean s'enferma dans Troja ; bientôt la ville lut prise d'assaut. Le duc parvint à s’échapper et revint en
Lorraine, en 1461.
Le 15
août de cette année, il assista au sacre de Louis XI. Comme il pensait toujours
à Naples, il demanda des subsides au roi ; celui-ci répondit : J'aviserai.
Pour lui permettre de faire l’expédition méditée, les Etats votèrent un
subside de 100.000 francs ; l'évêque de Toul, Guillaume Filâtre,
lui fit un prêt considérable. Le duc laissa son duché à son fils Nicolas, marquis
de Pont-à-Mousson, avec le titre de lieutenant-général ; il lui forma un
Conseil de régence composé de Jean de Fénétrange, Gérard de Haraucourt, sénéchal,
Jacques de Haraucourt, bailli de Nancy, Warry de
Fléville, bailli d’Allemagne, Philippe de Lenoncourt et Philippe de Stainville.
Il partit
pour Naples en 1461 ; Ferry de Vaudémont, son envoyé à Venise, ne put amener
les Vénitiens à s’allier aveu; lui. Parmi les seigneurs de sa suite figurait
Jacques Galcotto, sire de Campobasso. Cette campagne
fut compensée de succès et de revers, et Jean revint à Nancy en 1463.
Il mit
une contribution sur son marquisat de Pont-à-
Mousson, pour se procurer les ressources nécessaires à une troisième expédition
en Italie ; il voulut étendre cette levée à toute la Lorraine, mais les Etats
s’y opposèrent et le duc dut reconnaître qu’il ne pouvait mettre aucune
imposition sur ses Etats sans te consentement des Etats généraux. En
désespoir de cause, il tenta avec quarante compagnons d’aborder, sous un
déguisement, Frédéric d’Aragon ; mais arrivé en sa présence, craignant d’être
reconnu, il ne tenta rien. Revenu en Provence, il intercepta à Orgon une
dépêche de Louis XI qui avertissait le roi d’Aragon du péril qu’il courait ; le
duc en conçut contre le roi une vive irritation.
Aussi
s’allia-t-il à Charles, comte de Charolais, dans la Ligue du Bien-Public contre
Louis XI. René l'en avait dissuadé d’autant plus que le roi venait de prêter
22.000 crus à Marie d’Anjou, reine d’Angleterre. Le nombre des hommes que Jean
amenait aux ligueurs était restreint, mais c’étaient des chevaliers superbes,
tous entraînés à la guerre. Lui-même était parfaitement armé ; son cheval était
bardé de fer ; il était digne d’être honoré, dit Comines. Il avait avec
lui Campobasso, le sire de Baudricourt et Galiot ; il
partageait le commandement des troupes avec le Charolais. René le rappela à
l’obéissance et lui dit de se retirer ; Jean avait déjà vu que tous
cherchaient, non le bien public, mais le leur.
En
octobre 1465, se fit avec Louis XI la convention de Saint-Maur-des-Fossés ;
Jean y mit sa signature au troisième rang, entre François II de Bretagne et
Charles de Charolais. Le roi sachant que le duc de Lorraine avait travaillé à
celle pacification et considérant qu'il était son parent, renonça, à tous les
droits acquis sur Neufchâteau, Montfort, Frouard, Passavant et la moitié des
droits sur la ville et la seigneurie de Grant, dont les garnisons étaient
onéreuses au trésor royal. Il promit aussi 200.000 écus d’or, 500 lances et
huit mille hommes pour aller à Naples et le gouvernement pour le roi René de la
ville et de la châtellenie de Vaucouleurs, à la charge d’en payer les frais.
Jean,
plein de confiance, accompagna Charles de Berry par ordre du roi, pour occuper
la Normandie, apanage de celui-ci. Il eut le mérite de faire échouer une
tentative de Charles de Bourgogne pour s’emparer du duc de Berry. Louis XI
consentit à donner Anne, sa fille aînée, en mariage à Nicolas, marquis de
Pont-à-Mousson. La dot était de 365.000 livres, gagées sur des villes de
Champagne, dont la garnison serait française ; elles seraient rendues après
paiement de la dot. Cette dernière clause mécontenta le duc ; le roi l'apaisa
en lui promettant de lui céder Epinal, dont les habitants, d’ailleurs, se
donnaient à lui, moyennant qu’ils auraient les mêmes libertés que ceux de Metz,
Toul et Verdun : ceci se passait en 1465. Or, en 1463, Epinal attaqué et
surprix par les routiers, l'ut sauvé par son patron, saint Gœric ; puis, Thiébaut de Neufchâtel, maréchal de Bourgogne, à qui le roi l’avait
donné, le surprit par ruse. Les habitants en appelèrent au Parlement de Paris,
puis au roi, qui leur permit de choisir leur seigneur. Le maréchal se retira,
et Nicolas prit possession de la ville. Sur un retour offensif, Nicolas
rassembla ses troupes, mais Louis XI commanda aux belligérants de se tenir en
paix ; le Bourguignon se retira si précipitamment qu'il abandonna ses bagages.
Châtel, Rambervillers et Chaligny furent ravagés dans ces circonstances.
La mort
de l’évoque de Toul, Jean de Chevrot, fut l'occasion de troubles nouveaux et
plus dangereux. Les chanoines de Toul partagés en deux partis, nommèrent pour
lui succéder, les uns, Antoine de Neufchâtel, fils de Thiébaut, maréchal de
Bourgogne, et les autres ensuite élurent Jean Clézentaine. Le duc de Bourgogne
appuya la première élection près du pape qui l'approuva. Le duc de Lorraine et
le maréchal se brouillèrent alors de nouveau : Antoine mit des garnisons
bourguignonnes dans les châteaux de Maizières, Bussy Liverdun, et ces soldats
firent des courses dans le duché. Nicolas les poursuivit sans succès ; ce qui
l'irrita au plus haut point, c’est qu’à Bainville-sur-Moselle une embuscade
surprit des gentilshommes lorrains qui furent ou tués ou pris comme
prisonniers. Il s'en prit donc à la ville de Toul ; mais un subside qu'il en
reçut, l’arrêta à temps. Il mit garnison dans les villes du temporel, à Void ; en six jours, il prit Maizières ; mais il éprouva
des revers ; Maizières repris reçut une nouvel garnison qui, avec celles de Liverdun, Châtel et Chaligny firent de
nouvelles courses.
Antoine
de Neufchâtel, cause de tant de maux, menait une vie peu édifiante ; Jean, qui
était absent, fit prier les chanoines d’élire un autre évoque ; ils n’osèrent
entrer dans cette voie.
Le
maréchal de Bourgogne entra en Lorraine avec six mille hommes pour défendre son
fils ; il répandit ses ravages sur cinq cents villages qui furent incendiés on
pillés. Nicolas était trop jeune et trop indolent pour délivrer le pays ; ses
conseillers le secondaient mal. Le maréchal de Fénétrange rassembla une armée :
les prévôts firent des recrues ; les seigneurs armèrent leurs vassaux ; cette
armée exaspérée ravagea le territoire de Toul ; on arrachait les vignes, on
coupai! les arbres, ou détruisait les maisons. Devant de pareils ravages
Charles le Téméraire conseilla à Thiébaut de Neufchâtel de donner une fin à
cette guerre. Celui-ci ne tint compte de ce conseil ; il rassembla deux mille
cinq cents Flamands et mercenaires, traversa le Barrois, laissa du Fay, son gendre, à Liverdun, il attaqua Condé (Custines) et
le brûla. Pour venger cette attaque audacieuse, le maréchal de Fénétrange
assiégea Liverdun et le prit au bout de six semaines. La garnison de quatre
cents hommes obtint une capitulation ; mais les habitants payèrent une somme
considérable, les murs furent rasés et Liverdun demeura comme une ville
champêtre ; le
château fut brûlé et les archives de l'évêché de Toul, qui s’y
trouvaient, turent anéanties, sauf un tiers qui fut déposé à la collégiale de
Saint-Georges. Un chef de bande fut pris dans la foret de Haye, il avait un
riche drapeau figurant une licorne avec celle devise : « A moi ne tient
». Le maréchal voulut venger cet échec ; mais un de ses capitaines, Thierseein, fut tué et un drapeau semblable fut pris.
En mars
1468, Chaligny fut attaqué par les Lorrains ; la résistance dura jusqu’au mois
d’août ; alors les étrangers se retirèrent et cent vingt habitants furent
conduits dans les tours de la Graffe. Ils rachetèrent leur liberté par une
forte somme, ils promirent d’être bons Lorrains à l’avenir. Les châteaux de
Chaligny, Bainville-sur-Moselle, Brixey, Maizières
furent détruits ; Châtel seul resta au maréchal de Bourgogne.
Restait
la question de l’évêque de Toul ; le pape, après avoir consulté le roi, disait
qu’il n’y avait qu’à le garder. Les chanoines écrivirent au Saint-Père que,
depuis sept ans, les maux tombaient sur le diocèse ; le procureur de Lorraine
les engagea à nommer à sa place Jean de Lamballe. L’archidiacre de Port
combattait cette résolution ; mais celui de Vittel la défendait : le nouvel
évêque fut élu.
Le pape
lança l’excommunication contre les chanoines et contre ceux qui les avaient
influencés. Antoine de Neufchâtel établit son officialité à Luxeuil, et son
frère Henri envahit le duché avec trois mille hommes, le ravageant à nouveau.
Les
affaires en étaient là, quand Jean II mourut, 1470. L’évêque de Metz
revendiquait Epinal. il avait fait appel à l’empereur Frédéric lit qui soumit
lu question à la diète de Spire ; l’obstacle qui s’opposa à une décision, fut
précisément la mort du duc de Lorraine. Revenons en arrière. Que faisait donc
Jean II pendant que tant de choses se passaient en Lorraine ? La Catalogne
révoltée contre dom Jean II, frère d’Alphonse II, s’offrit à René qui était le
beau-frère de Jean Ier. Le roi René leur proposa son fils Jean II de
Lorraine ; les Catalans l’acceptèrent. Les Etats généraux de Lorraine,
assemblés à Pont-à-Mousson, accordèrent un impôt de 2 gros par conduit dans les
villes et d’un demi-gros dans les villages ; les chevaliers et maints prélats
donnèrent la grosse somme à Jean ; Louis XI avait promis, mais il ne donna rien
; René donna 100.000 francs et deux cents archers ; Jean réunit huit mille
hommes ; les Lorrains, les Angevins, les Provençaux, le suivirent avec enthousiasme
; Ferry de Vaudémont commandait sous ses ordres. Les Catalans insurgés
augmentèrent son armée ; il se trouva à la tête de vingt-cinq mille hommes et
fit son entrée à Barcelone. Vaudémont secourut Saréal près de Taragone et le 1er avril 1469, il
battit dom Jean, prit Castillon de Augennes, Girone, Rosas, Vich, Fraga, Tortose, Lérida; le comte de Campobasso était avec lui.
Vers la fin de 1469, le comte de Vaudémont, affaibli de santé, se retira de
l’armée et vint mourir à Joinville. Jean de Lorraine entra en Aragon, lorsque
derrière lui s’éleva une insurrection formidable suscitée par dom Jean. Le duc
tomba à son tour dans une maladie de langueur, fit un pèlerinage à
Notre-Dame-de-Montserrat et expira le 13 décembre 1470. Il y eut des soupçons
qu’il mourut empoisonné.
Dans son
testament, Jean de Beauvau était nommé son exécuteur testamentaire, mais le
testament était sans doute apocryphe, car un bâtard y est nommé, que le due
n’eut pas. Tl eut pourtant deux fils naturels et deux filles naturelles aussi ;
l'une fut mariée à Jean d'Ecosse et l'autre à un Beauvau. Il fut enterré à Barcelone
; mais René voulut qu’on ramenât ses restes à Nancy et qu’0n lui lit un
mausolée dans la chapelle de Saint-Georges.
NICOLAS
(1470-1473).
Les
seigneurs oui étaient en Catalogne appelèrent le marquis de Pont-à-Mousson,
Nicolas, à se mettre à leur tête ; il refusa ; on parla du bâtard de Calabre,
fils de Jean II ; les soigneurs n’en voulurent point, et prirent le parti de
rentrer en France ; ils infligèrent une défaite aux Aragonais qui les
poursuivaient. Parmi ces seigneurs furent Campobasso, Conrad d’Haussonville.
Hermann de Prény.
Le
nouveau duc fut retenu à Paris, non pas par sa fiancée Anne, fille de Louis XI, mais avait alors a sou pouvoir le dit, seigneur certaine... Anne qu’était
fille de Robert, marchand d’Amiens, qui était, dit-on, gentille, mais qui... ne
lui était guère fidèle. Les Etats envoyèrent solliciter René 1er de reprendre la couronne ducale, mais il ne veut songer qu’ci celui qui
gouverne les rois. Les seigneurs revinrent à Nicolas ; mais celui-ci,
captivé par cette personne indigne, ne fit aucune réponse à MM. de la
chevalerie qui furent en grand courroux.
Mons de Salm a mérité pour être duc, mais Nicolas ne vaudrait tant
seulement être comte de Salm.
En sire
de la Roche habitait en Alsace un château inaccessible, d’où il faisait des
incursions tant en Alsace qu’en Lorraine ; le comte de Salm, aidé de l’évêque
de Strasbourg, attaqua ce château ; il succomba sous les coups de l’artillerie
et cette forteresse fut rosée. La ville de Marmoutiers,
servant de repaire à ces aventuriers, eut le même sort. Les seigneurs,
abandonnés du duc, se liguèrent et, se tenant à Charmes, attaquèrent Châtel ;
les Bourguignons surprirent le troupeau de Charmes mal gardé, s’en emparèrent
et le rentrèrent à Châtel, malgré la poursuite qui leur fut faite. Les Lorrains
eurent encore à subir la perte de Jean Lambert, le meilleur tireur de leurs
bombardes. Pour faire abandonner le siège, Thiébaut de Neufchâtel prit un
singulier moyen ; il eut recours au comte de Clermont. Or, celui-ci était un
ami de la Robert ; Nicolas en était dépité. La Robert, stylée par Clermont,
promit à Nicolas qu’elle romprait avec celui-ci, si le duc donnait au comte de
Salm l’ordre d’abandonner le siège de Châtel. Le duc, aveuglé par sa passion,
donna, en effet, cet ordre au comte, mais le comte de Salm donna cette réponse qu’il
n’exécuterait point d’ordre dont viendrait vergogne à son seigneur. Le
maréchal, n’ayant pas eu par ce moyen le succès espéré, assembla ses troupes
pour marcher contre les assiégeants ; le comte de Salm fit faire des abatis
pour ralentir leur marche. Les Lorrains indignés de la conduite de leur duc,
ralentissaient leur ardeur ; les Bourguignons leur proposèrent un
accommodement qu’ils s’empressèrent d’accepter ; les Lorrains se retireraient
en emportant leur matériel ; les habitants, contents d’être délivrés du siège,
les aidaient à l’emporter et à le mettre en sûreté à Charmes. Le Bourguignon
arriva devant cette ville avec huit mille hommes ; Jacques de Haraucourt y
commandait ; on le somma de se retirer ; il refusa. Les Bourguignons, apprenant
qu’en Lorraine le ban et l’arrière-ban étaient convoqués, se retirèrent. Salm,
renforcé de sept à huit mille hommes, les poursuivit ; mais il perdit trois
cent vingt hommes dans une contre-attaque qu’ils firent.
Jean Wisse, sire de Fénétrange, obtint enfin du duc Nicolas
qu’il vint en Lorraine ; à Bar, il fut reçu, le 1er avril 1471, par
René de Vaudémont. Les seigneurs, entre autres le comte de Lenoncourt,
Haraucourt. Parroye, etc., vinrent à sa rencontre
jusqu'à Gondreville. A l’approche de Nancy, il fut reçu par une procession avec
bannières en tête ; les enfants criaient : Noël ! Devant la porte de la Craffe,
il lui fut demandé de prêter le même serment que ses prédécesseurs. Il était
doux, affable, son arrivée fut célébrée par de grandes fêtes ; puis il fit un
tour dans les villes du duché.
Il se
plaignit plus tard aux Etats qu’on eût fait un arrangement avec les
Bourguignons sans que son nom ait été prononcé : Simonin des Armoises, le
tonnerre sur les princes, lui répondit hardiment que ses sujets étaient
prêts à donner leur sang et leur vie pour lui mais que cela lui servît de
leçon.
Bégner comme ses prédécesseurs avec le
concours des Etats ne lui plaisait pas ; il partit de Lorraine sous le prétexte
de se rendre en Catalogne. Louis XI, à qui il demandait des subsides dans ce
but, l’engagea à s'unir à lui contre Charles, comte de Charolais ; Nicolas répondit
qu’en tenant l’ennemi en échec à Châtel, il faisait sa part. Le roi n’insista
pas ; mais le duc vit bien que le fourbe monarque l’avait leurré en lui parlant
du mariage de sa fille. Charles, pour le gagner à sa cause, lui promit le
mariage de sa fille Marie ; c’était la même fourberie. Il vit bien que le roi
entendait le retenir à Paris ; pour en sortir, il fallut user de ruse ; il fit
une promenade à Vincennes ; des chevaux y étaient préparés, il les monta, et
revint rapidement à Joinville. Charles lui proposait un traité d’alliance
offensive et défensive ; les Etats le trouvèrent avantageux. Alors, en 1472, il
prit prétexte de faire un pèlerinage à Saint-Nicolas ; il se détourna par le
gué à Tomblaine ; il prit le chemin des Flandres ; il emmenait avec lui Simonin
des Armoises et vingt-cinq gentilshommes superbement vêtus ; il signa
l’alliance offensive et défensive le 25 mai 1472.
Après cet
acte, le duc ne put que se réconcilier avec l'évêque de Toul, Antoine de
Neufchâtel ; un accord fut signé avec lui à Luxeuil, le 22 décembre 1472.
Nicolas rendit les archives ; de Lamballe, le concurrent de l’évêque, se
désista ; les citai ns de Toul, las de l’absence de leur évêque,
l’accueillirent. Antoine réclamait douze années de ses revenus ; le duc lui donna
6.000 florins et tout fut apaisé.
Nicolas
accompagna Charles le Téméraire en Normandie ; celui-ci était émerveillé de la
belle tenue des chevaliers lorrains et de leur bravoure ; mais le duc de
Lorraine vit bien qu’il le leurrait comme le roi. Aussi revint-il à Nancy et ne
s’occupa plus que de fêtes ; il mariait ses serviteurs et assistait à leurs
noces ; il avait abandonné la Robert ; il s’éprit de la fille du sergent de
ville Simonin, qui surpassait la Robert et était plus qu’elle soucieuse de plaisirs.
Le duc n’était entouré que de gens de conduite légère ; c’est ce que disaient
les chansons ; les Messins surtout se moquaient. Le duc s’en irritait et voulut
brûler leur ville ; il s’en ouvrit à l’évêque de Toul qui s’excusa de l’y
aider.
Un
Berthold Krantz avait à se venger des Messins ; il
inventa une machine dont il se promettait merveille pour prendre Metz. C’était
un chariot portant des poutres qui, en s’arrêtant sous la herse d’une porte de
la ville, l’empêcherait de s’abaisser et livrerait passage pour y entrer. Le
duc, à qui le plan fut soumis, l’agréa ; il réunit avec soin huit mille hommes
entre Pont-à-Mousson et Metz ; il les réunit à Gondreville ; à la nuit il les
ramena vers Metz ; l’avant-garde y arriva au petit jour. Des chariots chargés
de tonneaux remplis de soldats passèrent comme voitures de marchands. La machine
resta engagée sous la porte Serpenoise et obstrua le
passage ; cinq cents Lorrains entrent ; mais le poste prend l’alarme; Horelle, le boucher, descend la herse qui brise la voiture
; le peuple, les soldats tombent sur les Lorrains qui se retirent jusqu’à la
porte et sont massacrés. Les Allemands de l’armée du duc refusent d'avancer,
ne voulant pas combattre à pied ; Gérard de Halancourt est retiré par les pieds et par les mains par dessous la machine ; il est
sauvé. Les Lorrains perdirent trente-trois des leurs ; les Messins eurent trois
hommes tués. Le duc perdit le grand étendard et quatre personnes notables
(Salm, Rosières-aux-Salines), etc... Le duc se retira après quatre heures,
disent : Ne les ai lien cette fois, bref les aurai ; il ne voulut pas qu’on
fit ravage de peur de représailles. Les Messins dégagèrent les environs de leur
ville, réparèrent les remparts et portèrent a Frédéric III leurs plaintes
contre le due, le comte de Salm et le comte Palatin.
Le duc
songeait à son mariage avec Marie de Bourgogne. Tout en attendant cet
événement, il fit des préparatifs formidables et réunit vingt mille hommes. Un
jour, il alla à Saint-Jean du Vicil-Aître ; il fut
pris de vomissements ; on le rapporta an palais, il y mourut ; il était enherbè (empoisonné) ; par qui ? son serviteur le
Glorieux ? Non, puisqu’on perdant le duc, il perdait tout. Louis XI ? Il n’y a
pas de preuves.
Il
laissait de Anne Robert une fille au berceau ; elle fut appelée Marguerite de
Calabre.
Il avait
des sentiments religieux, malgré les désordres de sa conduite ; en 1472, il
fonda le couvent des Cordeliers de Raon-l’Etape. Il était immoral, mais il
était bon, humain et juste. Il n’avait pas les talents de Jean II, son frère ;
il n’accrut la Lorraine que de la ville de Sarrebourg. En 1464, les
bourgeois s’étaient donnés à Jean II qui n’en voulut pas ; Nicolas, sans
craindre de déplaire à l’évoque de Metz, les accepta avec la condition de payer
leurs dettes.
A cette
époque on avait déjà commencé à brûler les sorciers, ou prétendus tels. La
première exécution fut faite en 1372 (Chronique du doyen de Saint-Thiébaut).
Les légendes venues d’Allemagne entretenaient le souci et la crainte des
sorciers : la légende du roi des Aulnes, en allemand, Eilenkœnig,
dont on fit Elénkin, Eliquin,
Hennequin ou Marie Hennequine : ce roi de la Haute-Chasse
allait au Sabbat ; malheur à la personne qui était rencontrée ; le bruit que
faisait la troupe était la remolière (roue à
aiguiser). L’assemblée, disait-on, se faisait en liant du lac de Retournemer ;
il y avait aussi les fées ; puis Culà sous forme de bouc. Il y a soixante- dix
ans, on faisait peur aux enfants avec ces contes ; en 1470, la peur que toute
la société en avait amenait des soupçons ; ces soupçons, basés sur des
remarques futiles, prenaient corps ; l’accusation venait, suivie de
l’interrogatoire, de la torture qui était horrible ; les victimes, pour abréger
leurs maux, disaient oui à tout ce qu’on leur demandait. On n’arrêtait pas ces
cruautés avant que le cahier du greffier ne fût rempli. Devant ces aveux,
l’évêque signait le renvoi au bras séculier ; les échevins de Nancy révisaient
et approuvaient la procédure ; les malheureux étaient condamnés à mourir sur le
bûcher. Par pitié, on les étranglait avant de les livrer aux flammes. On lit
aux Archives de Meurthe-el-Moselle, à Nancy,
les dossiers de Parmentier et de la femme Malgras, de
Champenoux, et de cent autres... La rumeur publique était le grand argument
pour les condamner.
RENÉ
II (1473-1508).
Les Etats
se demandaient à qui, après la mort de Nicolas, appartiendrait le duché : les
uns pensaient an duc de Bade, fils de la seconde fille de Charles II ; d'autres
proposaient le bâtard de René 1er et de l’Albertaz.
Plus justes furent ceux qui pensèrent à Yolande, fille aînée de René Ier,
qui avait un beau fils, René, comte de Vaudémont, âgé alors de vingt-deux ans.
Les Etats députèrent Jean de Witt à Joinville près du prince et de sa mère :
ils promirent de venir à Nancy vers le 15 août.
Charles
le Téméraire se hâta de le faire enlever à Joinville, lui promettant sa fille
Marie en mariage, promesse dérisoire, puisque René avait déjà épousé Marie
d’Harcourt, comtesse de Tancarville. Louis XI apprit aussitôt tôt cet enlèvement ; il en vit les conséquences funestes pour ses
intérêts ; il enleva aussitôt à Paris le neveu de Frédéric III, déclarant qu’il
ne le mettrait en liberté que quand René le serait. Charles, «attendant de
l’empereur qu'il flattait, le titre de roi, se hâta de renvoyer René à
Joinville pour obtenir la liberté de l'autre prince.
René hâta
sa venue à Nancy, le 2 août, la, population vint en procession au-devant de lui
et de sa mère jusqu'à la croix Nouvion, près de Ludres. Le duc baisa la relique
de saint Georges ; arrivé devant la Collegiate, il
fit le serment accoutumé de ses ancêtres. Au peuple, il dit : Ne ferai rien
qui serai aimé de tous. Aux Etats : Sans voire conseil ne ferai rien.
Il se rendit bientôt à Vézelise; les partisans de Bourgogne profitèrent de
cette courte absence pour disparaître. La duchesse lança de Vézelise un
manifeste dans lequel elle rappelait ses droits à la couronne ducale et déifierait
les céder à son fils aîné, mais elle entendait garder le titre de duchesse, et,
c’est sous ce titre que René Ier, son père, lui alloua 100.000 écus
d’or. Après avoir fait une visite à Joinville le duc prit en main le
gouvernement. Il était jeune, mais il avait reçu une brillante éducation ;
Didier de Bisfroff, son précepteur, lisait les saints
Pères ; il avait copié de sa main tous les écrits de saint Jérôme. René avait
fréquenté à Florence Georges-Antoine Vespuce ; il
s’était lié avec Améric Vespuce.
Il était pieux ; il alla faire, pour son père, un pèlerinage à Toul, un pied
chaussé et l’autre nu.
Après la
mort de Nicolas, ses envoyés se hâtèrent de conclure une trêve avec les Messins
; elle fut changée en paix définitive le 10 août 1473.
René Ier voulait faire le fils d’Albertaz marquis de
Pont-à-Mousson ; René II, aidé de sa mère, et des Etats résista à un tel
dessein ; il prit pour lui-même le marquisat, et Jean de Calabre consentit à
entrer à son service ; il renonça même à ses prétentions en 1485, et renouvela
authentiquement cet acte en 1507.
Louis XI
se hâta de lui proposer par des envoyés son alliance ; René savait les vues du
Téméraire sur ses Etats. Charles était à la tête de son armée dans le
Luxembourg ; il attendait d’être nommé roi par l'empereur ; il promettait pour
cela à Maximilien, fils de Frédéric III, la main de sa fille Marie. Frédéric
vint à Metz. Les Messins craignaient tout de Charles et, pour se le rendre
favorable, lui envoyèrent cent mesures de vin ; le duc de Bourgogne les rassura
sur ses intentions. René craignait encore plus son redoutable voisin. Charles
demanda d’entrer dans Metz avec ses troupes, pensant y être proclamé roi ; on
lui offrit de le recevoir accompagné de cinq cents personnes. Charles en fut
mécontent ; Frédéric se rendit à Trêves, où devait se faire le couronnement du
Téméraire. Mais Louis XI et Jean de Bade firent observer à l’empereur le danger
de ce qu’il allait faire; que bientôt le nouveau roi lui disputerait à
lui-même la couronne impériale ; Frédéric persuadé se retira furtivement à
Cologne.
Charles,
pour hâter l’exécution de ses visées secrètes, demanda à René le libre passage
dans ses Etats avec son armée et vint à Thionville. Louis XI pensionnait
secrètement de 12.000 livres Louis de Gournay, le maître échevin de Metz.
L’évêque, Georges de Bade, autorisa Charles à passer par les terres de son
temporel, moyennant que celui-ci lui fît rendre Sarrebourg par le duc René,
avec la clause d’en partager les revenus. Charles promit de lui faire racheter
Nomeny et même Epinal dont lui et René se partageraient les revenus. Cette
convention rendait inévitable une guerre avec le duc de Lorraine.
René ignorait
ce complot, quand il reçut le duc de Bourgogne à Chambley,
à Sainte-Marie-aux-Bois, à Frouard et enfin à Nancy, le 15 décembre. Charles ne
voulut pas loger au Palais ducal, mais chez Vautrin Malhorte.
Celui-ci était accusé d’être un concussionnaire et un espion de Bourgogne.
Après des fêtes brillantes, les deux ducs allèrent à Saint-Nicolas à Luneville ; le 19, ils se quittèrent, c’était le moment
mémo où ou transportait aux Chartreux de Dijon les rentes de Philippe le Bon.
Charles engageait René à faire alliance avec lui, il lui montrait les
inconvénients d’une alliance avec un roi tel que Louis XI, qui, de son côté,
cherchait à brouiller René avec le Téméraire. Dans la perplexité de choisir
entre les deux alliances, René consulta sou Conseil ; les avis étaient
discordants ; on convenait toutefois que le roi était un fourbe. René choisit
l’alliance de Charles ; dès lors, il fallait donner satisfaction à ses
demandes : il accorda le passage par ses Etats aux troupes qui payeraient leurs
fournitures ; il donna pour sûreté aux Bourguignons les quatre places de Prény,
Neufchâteau, Epinal et Darney. Il nommera les gouverneurs et Charles payera les
gouverneurs et les troupes.
Il
arrivait ce qui était à prévoir ; les soldats vécurent sur le pays sans rien
payer ; les habitants maltraités se retiraient dans les églises et se
défendaient; les plaintes en venaient au duc qui les transmettait à Charles ;
celui-ci promit une enquête et ne donna que de belles paroles. Louis XI voulut
prendre ses sûretés ; il occupa le Barrois que tenait toujours René Ier ; « il prétendait agir ainsi pour la sûreté de la Champagne »,
Charles
fit alors un traite avec Edouard d’Angleterre qui, en sa qualité prétendue de
roi de France, lui céda la Champagne, le Barrois... et la Lorraine !
D’un
autre côté, Sigismond d’Autriche, les cantons suisses, les évêques de Bâle et
de Strasbourg, ayant à souffrir de l’ambition de Charles, firent une alliance ;
ils proposèrent à René d’y entrer, lui promettant de le défendre : René donna
son acceptation le 1er mai 1474
Louis
aussi lui promettait l’oubli et lui offrait son alliance ; il répondit que les
Bourguignons étaient au milieu de ses Etats dont ils pouvaient s’emparer en un
instant. Le roi insista et le traité d’alliance fut signé par les envoyés des
deux princes, le sire de Craon et Thirion de Lenoncourt ; celui-ci vint
expliquer à René le sens de l’occupation du Barrois.
Muni des
lettres de Louis XI, le duc s'opposa an passage des troupes bourguignonnes, et
refusa l’occupation des places désignées ; il fit arrêter Vautrin Malhorte ; on lui fit son procès ; mais les preuves
manquèrent, et bien coupable fut celui qui conseilla de l’arrêter, on le
verra bien. Les Messins, conseillés par des gens soudoyés, restèrent
neutres ; les Toulois se déclarèrent hautement pour le duc de Lorraine.
Robert de
Bavière désirait recouvrer des biens aliénés et s’agrandir ; il pria le duc de
Bourgogne de favoriser ses vues ; celui-ci vint mettre le siège devant Neuss.
Une armée, commandée par Albert de Brandebourg, venait lutter contre les
assiégeants ; Frédéric III proposa son alliance à René promettant de le
défendre, mais il devait, de son côté, interdire le passage aux troupes de
Bourgogne ; René accepta le 17 mai 1475. Celui-ci envoya aussitôt à Charles un
gant ensanglanté pour déclaration de guerre. Le messager se sauva à mute bride
après s’être acquitté de sa mission ; ramené près du prince, il reçut de lui
une robe de prix et douze florins : Dis à ton maître que en Lorraine bientôt
serai. Charles pour se venger publia le texte du traité par lequel René
s’était allié à lui.
René
commença la guerre, profitant de ce que l’ennemi était occupé à Neuss.
Lorrains, Suisses, Français, Allemands se jetèrent sur la Bourgogne, l'Artois,
la Franche-Comté et le Luxembourg. René, aidé des quatre mille français
occupant le Barrois, assiégea Pierrefort, qui capitula le 4 juin, la forteresse
fut rasée : le 6 juin, il s’empara de Faulquemont. Comme il était parti
vivement en guerre, les vivres vinrent à manquer ; les Verdunois donnèrent au
général français Craon, 15.000 écus, et celui-ci rejoignit le duc à Ars-sur-Moselle. Les soldats, pendant le séjour qu’y fit l’armée, maltraitèrent les
paysans ; leurs plaintes furent portées à Metz, mais les conseillers qui
étaient à la solde du roi, apaisèrent l’affaire. René et Craon se retirèrent après
moult maur et ravages ; ils assiégèrent Damviller ; les bombardes y firent leur effet et après huit
jours, le sire de Maur-Quentin capitula.
Charles
fit alors un arrangement avec Frédéric ; promit sa fille à Maximilien et leva
le siège de Neuss. Le Pape était intervenu pour faire la paix entre eux ;
Frédéric se retira en Autriche. Ce lâche abandon de ses alliés irrita
profondément les Allemands.
Le duc
Charles ordonna au maréchal de Bourgogne de marcher contre les Lorrains ; mais
il n’avait pas assez de troupes pour le faire ; le duc lui adjoignit
Campobasso. Cet Italien avait servi chez les Lorrains ; René venait même de le
récompenser de ses services jar le don du bas château de Commercy, mais lui,
fort pauvre de meubles et d'héritage, s’était donné à Charles, après la
mort du duc Nicolas.
Les chefs
bourguignons suivirent René dans le Barrois, enlevèrent Landres et Gondrecourt, en Woëvre, assiégèrent
Conflans-en-Jarnisy, où Gratien-Daguerre, ou d’Aguerre,
gascon, se défendit par son artillerie contre six mille assaillants. Jean VII
de Salm, à Briey, faisait beaucoup de mal à l’ennemi. René appelait Craon à Hatton-Châtel ; mais Louis XI changea d’avis ; il ne
coulait pas avoir la guerre à la fois avec Edouard d’Angleterre elle duc de
Bourgogne ; il donna, contrai renient à ses engagements, des ordres secrets à
son général qui sc retira avec ses troupes : mais il rendit encore à René ce
petit service de publier hautement que ce prince approchait avec de grandes
forces, ce qui fit que les Bourguignons se retirèrent pour un instant dans le
Luxembourg, et les Lorrains purent s'emparer des approvisionnements amenés par
les marchands luxembourgeois.
Louis XI fit
sa paix avec le roi d'Angleterre ; Marguerite d’Anjou, veuve de Henri VI, lui
fut rendue ; il la fit également avec Charles le Téméraire. Y comprit-il le duc
de Lorraine ? Nul ne le sait. Charles agit comme si le roi n’avait rien stipulé
en sa faveur. René n’osa faire appel aux Etats de Lorraine paralysés par les
menaces de Charles, s’ils lui prêtaient leur appui. Le duc de Lorraine n’avait
que six mille hommes, y compris les soldats de ses alliés d’Alsace et de
Suisse, et des aventuriers à sa solde, entre autres, J.B. Roquelaure et le
gascon le Petit Génois. En quinze jours, les maladies lui firent perdre un
grand nombre de soldats.
Charles
s’avançait avec Georges de Bavière évoque de Metz, Campobasso et quarante mille
hommes ; six cents hommes d’armes venant de Bourgogne traversèrent la
Lorraine, passèrent à Varangéville ; on les vit, depuis les remparts de Nancy
au-delà d’Essey rejoignant l’armée ennemie, sans qu'on put les inquiéter. Dans
le Conseil on discuta le plan à suivre : les uns voulaient abandonner les
petites places, défendre les grandes et tenir des forces en campagne pour
harceler l'ennemi. Rolin dit qu’il fallait répartir les troupes dans toutes les
places et que Charles perdrait son temps devant chacune d’elles : c’est ce
funeste avis qui fut suivi.
La ville de
Nancy fut armée ; elle formait un rectangle ayant aux extrémités de la Grande
Rue deux portes ; celle de la Craffe et celle de Saint-Nicolas ; il y avait
deux poternes, l'une à la Monnaie, et l'autre au Palais-Ducal ; un fossé, peu
profond l'environnait ; les murs étaient peu élevés ; ils étaient défendus par
des tours. On défendit les approches par des barbacanes ; on rasa les faubourgs
et les bordes, ou maisons de campagnes répandues autour de la ville.
René se
rendit auprès de Louis XI ; il exposa au roi ses maux et le danger extrême de
sou pays ; le maître diplomate feignit de n’y point croire.
Le
Barrois fut envahi le 20 septembre ; Briey fut assiégé ; la blessure faite à
son chef Gérard d’Aviller par un coup de feu arrêta
la défense ; les habitants voulurent capituler. Charles, par politique, les
accueillit avec bonté ; tes villes et les châteaux se rendaient ; le 27
septembre, ce fut le tour de Pont-à-Mousson ; le 29, Dieulouard et Amance
liront leur soumission. Le duc de Bourgogne vint à Essey, en passant par Condé,
Pixerécourt, Malzéville ; il passa la Meurthe au gué de Tomblaine et se logea à
Laneuveville et dans les environs. Le 1er octobre, il se rendit à Saffais,
où il fit un camp retranché à la manière des Romains.
Louis XI,
apprenant ces succès des Bourguignons, en était importuné, envoya quatre ou
cinq cents lances seulement en observation ; René occupait Ormes, Lemainville
el Haroué ; puis, le roi satisfait de ce que Charles lui livrait le connétable
de Saint-Pol, ordonna à ses troupes de se retirer et
de rentrer en France.
Charles
attaqua Bayou et s’en empara ; il vint devant Charmes, pendant que ses
lieutenants prenaient Ormes et Vézelise ; Mirecourt se défendit mollement. Le
petit Picard, Jean de Savigny et Vautrin de Vaubécourt surprirent Xeugney ; ce petit succès des armes
lorraines excita la colère du Téméraire. Les habitants de Charmes furent les
victimes ; malgré leur soumission, il fit pendre aux saules quarante des
défenseurs de la ville, permit le pillage ; quelques maisons furent incendiées,
et, chose triste à dire, les gens de Châtel venaient exciter les soldats à agir
ainsi. C’était le 10 octobre 1475. Dompaire résista à coups d’arquebuse ; mais
la vue de l’armée ennemie découragea les habitants qui se rendirent; le duc
traita humainement les quatre-vingts défenseurs, mais les habitants furent
traités avec cruauté. L’ennemi passa la Moselle à Charmes et Arches. Saint-Dié,
Remiremont envoyèrent des députés faire leur soumission.
Epinal
avait une garnison de douze cents gascons et Allemands ; les habitants ne
voulaient pas redevenir Messins et mettaient leur espérance dans les Français.
Les défenseurs détruisirent des batteries de l’ennemi; mais quatre gros canons,
placés grâce au brouillard, battirent les murailles. Les citains crièrent du haut de leurs murailles qu’ils se rendraient, si de bonnes conditions
leur étaient faites. La ville avait quinze mille habitants ; Charles ne
voulait pas se les aliéner ; il accorda à l’armée les bagages saufs et aux
habitants leur indépendance à l’égard de l’évêque de Metz ; puis il entra en
ville en grande pompe. Châtenois, Darney, Bulgnéville, Neufchâteau se
rendirent. Le 22 ou le 23 octobre, Vaudémont fut livré par un capitaine
étranger que René y avait mis.
Après un
court repos, Charles vint à Pont-Saint-Vincent ; Lunéville, Einville, Rosières envoyèrent leur soumission ; Campobasso
fut fait seigneur de Rosières : Raon, Deneuvre,
Gerbéviller, Gondreville et Saint-Nicolas se rendirent avant l’approche de
l’ennemi.
Le 25
octobre, Campobasso surprit le troupeau de Nancy, près de la ferme de la
Madeleine : grande perte pour une ville qui va être assiégée.
Les
Bourguignons arrivèrent sur les ruines des faubourgs et s’installèrent dans
les jardins ; le duc mit sa tente entre Saint-Jean du Vieil-Aître et la
fontaine Saint-Thiébaut, à l’abri de l’artillerie de la place. Le 25 et le 26
octobre, on se mit aux tranchées ; le 29, la ville était investie. Une batterie
s’attaqua à la tour méridionale, jointe à la porte Saint-Nicolas par une
courtine (remplacée aujourd’hui par la rue de la Pépinière). La garnison était
de quatre à cinq mille hommes ; sou artillerie parvint à démonter les pièces
des Bourguignons. Un pointeur, nommé Nicolas des Grands Moulins, placé sur la
tour se plaisait le soir à délier l'ennemi par ses chansons ; on le criblait de
flèches sans jamais l’atteindre. Un canon des assiégés éclata ; ils disaient aux
assiégés qui cil riaient : Demain nous aurons la place et serez pendus.
Cependant
la famine était dans la place ; Louis XI apprenant le coup de Ferrette, dont
nous parlerons, permit à Charles de se venger des Lorrains, s’ils y sont pour
quelque chose. René, instruit de l’extrémité à laquelle la ville était réduite,
autorisa Jean de Calabre à capituler en demandant l’amnistie pour les habitants
et la liberté de s’en aller aux étrangers. Charles, qui était impatient d’en
finir, accorda avec joie tout ce qu’on lui demanda, tout en feignant céder aux
instances du légat du pape. Le dédié des troupes assiégées fit dire au duc de
Bourgogne qu’il leur était facile de l’enlever, s'ils l'eussent voulu.
Le 30
novembre, il fit, en grande pompe, son entrée dans Nancy ; il se logea au
Palais ducal et fixa les logements de ses officiers. Le cortège fit son entrée
par la porte de la Gratte ; devant Saint-Georges, il fit le serment
traditionnel des ducs. Le 18 décembre, il convoqua les Etats pour le 27 ; et,
comme il fit distribuer de l’argent au peuple, on cria : « Vive le duc de
Bourgogne et de Lorraine ».
Dans la
séance des Etats, il promit d’agrandir la ville et d’en faire la capital de ses
Etats ; il déclara qu’il irait à Ferrette et châtierait ceux qui l’ont pris. On
dit que les seigneurs restèrent froids et muets devant ces déclarations. Digot pense qu’ils applaudirent. Les plus marquants qui
défaillirent à la cause lorraine furent : Jacques de Haraucourt et ses fils,
Perrin, Ferry, Evrard, Louis de Lenoncourt, Gaspard de Raville, Balthasar
d’Haussonville, Simon des Armoises, de Dommartin, Nicolas de Vaudrecourt, Cunin d’Epinal, chevalier de Baccarat, Tolard Radolf, châtelain de Romont, Mougin, clerc juré de Ramberviliers, Huyer Prénette, un des secrétaires de René ; ces seigneurs
étaient si anciens, disait-on, que quatre d’entre eux remontaient au temps
où les Sarrazins étaient les maîtres. Le sire de Bièvre fut nommé
gouverneur de Nancy ; ces seigneurs le prièrent de gouverner comme ses
prédécesseurs, selon les usages, de résider en ville et d’écarter les gens
d’armes. Gui ont fait des dégâts dans le pays ; de faire régner la discipline
dans les garnisons et favoriser le commerce avec la France. Il institua un
Conseil qui compta des Lorrains parmi ses membres.
Les
Messins, que la conquête de la Lorraine effrayait, envoyèrent à Charles une
coupe d’or avec cinq cents florins du Rhin. Charles fit la revue de ses troupes
; prit l’artillerie de Nancy, en chargea quatre-vingts voitures qu’il fit
conduire à Luxembourg ; il y avait entre autres une grosse bombarde de dix-huit
ou dix-neuf cents livres ; elle était portée par deux chariots. Les Nancéiens
étaient consternés de leur malheur ; les Messins en étaient réjouis.
Le 15
janvier 1476, l’armée bourguignonne alla à Bulgnéville et, de là, alla en
Suisse. Les Toulois avaient juré de défendre la cause de René ; Charles s’en
souvint; mais ceux-ci rachetèrent leur imprudence en le recevant magnifiquement
dans leur ville et à la cathédrale. Le duc s’en alla par Neufchâteau, Dombrot, en Franche- Comté.
Qu’était-il
donc arrivé à Ferrette ? Un marchand suisse avait été dépouillé, en 1474, sur
les terres du comte de Romont, Pierre de Hagenbach de Ferrette ; il prit
ensuite des mesures désobligeantes pour les Suisses. Cela pouvait s’arranger,
mais les bourgmestres de Zurich, l’avoyer de Lucerne, les landamans de Schwitz. Uri, Zug,
Unterwalden étaient soudoyas par Louis XI Nicolas de Diesbach avait une pension de 400, puis de 1.200 livres. Ces gens gagnés ne firent rien
pour obtenir la réparation du dommage. Une armée de huit mille Suisses et
Allemands surprit Ferrette, décapita Pierre de Hagenbach ; ils firent subir des
pertes immenses à Romont et au duc de Savoie, frère du comte de Romont. Les traités
conclut entre Louis XI, Frédéric III et le duc de Bourgogne laissaient les
Suisses exposés aux coups de celui-ci.
Vers la
fin de juin 1470, le duc Charles viol mettre le siège devant Granson ; la garnison
capitula ; il lit massacrer les quatre cent cinquante hommes qui la composaient.
Une armée de vingt mille Suisses, animés par la vengeance, vinrent attaquer le
duc ; celui-ci avait une position excellente, il la quitta pour ranger ses
troupes dans un pays coupé de défilés : c’était le 3 mai. Sa cavalerie ne put
combattre ; il perdit mille hommes, ses bagages, son artillerie et des objets
valant un million de florins.
Cette
défaite rendit l’espérance aux Lorrains qui s'étaient retirés à Joinville : le
bâtard de Vaudémont, Gérard d’Avillers, Gatien d’Aguerre,
Jean d’Aigremont, Henri et Ferry de Tantonville. Le bâtard les conduisit à
Vaudémont et, dans la nuit du 13 au 14 avril, grâce à la connivence d’un
officier bourguignon, ils escaladèrent les murs et firent prisonnier le
commandant Amédéc Valberg ; son frère, qui commandait
à Vézelise, se retira à Nancy avec les garnisons des places prises et de Thélod.
Le sire
de Bièvre mit en hâte Nancy en état de défense et, comme il craignait un
soulèvement populaire, il laissa sortir de la ville ceux qui le voulurent.
Louis XI vint faire un pèlerinage à Notre-Dame du Puys pour se rapprocher du
théâtre des événements. René vint à Lyon solliciter de lui un secours, ce fut
en vain ; des marchands allemands, voyant son dénuement, l’équipèrent et
firent la garde autour de lui tant qu’il fut dans cette ville. Apprenant que sa
grand’mère d’Harcourt agonirait, il alla lui rendre les derniers honneurs;
cette femme lui dit : Ne vous chagrinez pas de votre duché perdu ; j’ai de
quoi vous satisfaire. Il répondit qu’il comptait sur Dieu pour le
recouvrer. Elle l’institua son héritier et lui laissa tous ses biens. Elle
mourut le 19 avril ; la Chronique dit qu’il recueillit 200.000 écus ; c’est
une exagération. Il revint à Joinville, près de Yolande. Une ambassade des
Suisses vint le trouver, le priant de se mettre avec eux, qu’ils le
secourraient à leur tour ; Yolande le dissuadait ; mais René prenant exemple de
ceux qui eut fait de grandes choses, Josué, Alexandre, Charlemagne, Godefroy de
Bouillon et Jeanne la Pucelle. Madame, dit-il, patience de moi ayez ; je suis
délibéré chez les Suisses aller, et. à l’aide de Dieu, par leur moyen, mon
duché recouvrerai ».
Il était
bien périlleux de traverser ou la Bourgogne, ou la Lorraine au pouvoir de
l’ennemi ; il demanda à Louis XI quatre cents lances pour l’escorter, le roi
les lui donna avec une somme considérable ; mais le chef de l’escorte reçut
l’ordre de ne faire aucun acte d’hostilité contre les troupes de Bourgogne. Il
passa à Saint-Nicolas, on la garnison de Nancy prenait ses plaisirs ; le
commandant de la troupe française leur dit qu’il va en paix. Pendant que René
assistait à la messe, la femme nu vieux Walter lui donna une bourse garnie. Il
passa par Ogéviller. A Sarrebourg, qui était encore sous son autorité, il
trouva les comtes de Bitche. Saarwerden. Réchicourt qui lui amenèrent huit cents hommes ; il remercia
son escorte, et, accompagné de ses soldats, il gagna Strasbourg et Zurich. Les
confédérés de Strasbourg lui amenèrent douze pièces de gros calibre, entre
autres I’Autriche que conduisaient dix-huit chevaux.
Oswald de Thierstein commandait le contingent de
Strasbourg ; l’avant-garde était sous les ordres de Jean Waldemgem de Zurich et de Guillaume Herter ; Haltenstein conduisait l’arrière-garde : le général en chef était Guillaume Herter ; René
commandait les batteries.
De son
côté Charles faisait des préparatifs ; quatre-vingts pièces passèrent par Metz
; il payait toutes les dépenses, car il avait près de un million d’écus. Il
arriva à Lausanne, côtoya le lac de Genève. Le 11 juin, il investit Morat,
défendu par Adrien de Bertemberg avec seize cents
hommes ; dix jours après, l'armée de secours arrivait ; la bataille allait se
livrer le 2 juin 1476. Pendant la nuit qui précédait, René se fit armer
chevalier par Herter. Le duc de Bourgogne commit la même faute qu’à Granson :
il voulut combattre en plaine, et, selon un ordre de bataille qu’il avait nouvellement
prescrit, il rangea son armée en huit lignes d’infanterie avec six cents
cavaliers sur les ailes ; il était facile de le tourner. Une pluie, oui tombait
à torrents, favorisa l’attaque de Horstenstein qui
tourna l'armée quand le succès commençait à se tourner vers Charles ; les
troupes bourguignonnes se mirent en déroute, il resta quinze cents hommes sur
le champ.
Le
Téméraire alla cacher sa honte dans le château de Verrières, près de
Pontarlier. René revint dans son duché, ayant reçu les promesses des Suisses de
le secourir. Sa part du butin fut la tente de Charles et son artillerie pour
remplacer celle de Nancy.
En
Lorraine, les partisans de René faisaient les plus généreux efforts : les
garnisons de Vézelise et de Pont-Saint-Vincent s’embusquèrent dans le bois du Saulru ; ils tombèrent sur une troupe escortant des
marchands ; Jacques de Moy et quelques soldats
s’échappèrent et se sauvèrent à Nancy. Gatien d’Aguerre,
Philibert de y et Jean de Bascher font, depuis le
château de Fontenoy, des courses contre Gondreville. La garnison de Nancy,
après quelques échecs dans des escarmouches, se blottit dans la ville. Celle de
Mirecourt, harcelée sans cesse, vint pour rejoindre celle d’Epinal ; les cris
des habitants empêchèrent de la recevoir.
René
prolongeait son séjour à Strasbourg à cause d’une émeute. Varin Doron, de Bruyères, vint le trouver et lui dit : Etes-vous
endormi ? Il lui apprend que chaque matin les officiers bourguignons et
leurs soldats vont à la messe dans l’église qui est en face de sa maison. Il
lui propose de lui confier une troupe qui se mettra en embuscade dans sa
maison, et prendra l’ennemi à l’église ; la prise de Bruyères entraînera celle
d’Arches, Epinal, Remiremont jusqu’à Vaudémont ; René y consentit. Harnexaire et sa troupe partirent avec Doron.
Le soir du second jour ils furent dans les bois voisins ; à minuit, ils
entrèrent en silence dans le jardin de Doron et, au
matin, ils enveloppèrent l’église et prirent les Bourguignons à capitulation.
Saint-Dié, Arches, Remiremont chassèrent leur garnison. René voulut anoblir Doron ; il refusa ; il demanda la charge de sergent de
ville à Arches pour lui et sa postérité. Les gens de Lave- line, eux, ne
refusèrent pas d’être anoblis ; on les appela les gentilshommes de Laveline.
Harnexaire se rendit de là à Ambrail, près d’Epinal, avec quatorze cents hommes
provenant des villes réoccupés ; les deux cent quatre-vingts soldats qui y
étaient retranchés tombèrent entre les main des assaillants, après que leurs
barricades furent été renversées. Harnexaire se
retira avec ses captifs et deux cents chevaux ; ceux d’Amelménil se sauvèrent à Nancy par Châtel. La garnison lorraine de Vaudémont fit une
course à Villacourt ; elle fut poursuivie par Haraucourt , qui commandait à
Bayou ; les Lorrains se réfugièrent dans la tour de Belchamp ; ils durent capituler et furent c à Châtel. Pour venger cet échec, le bâtard
de Vaudémont vint, avec d’autres chefs, formant une troupe de deux mille cinq
cents hommes, attaquer Rayon ; ils le prirent d’escalade et firent un grand
butin ; ils prirent des armes, plus de quatre mille resaux de blé, qui furent d’une grande utilité.
Ce succès
les enhardit ; Vautrin de Wisse et d’autres se
joignirent à Vaudémont pour faire le siège de Lunéville ; ils firent
l’escalade du côté de Chanteheux ; l’ennemi apporta des fagots, y mit le feu ;
cinq ou six soldats furent asphyxiés et les Lorrains durent se retirer, en
gardant toutefois deux tours qu’ils avaient prises. Ils envoyèrent des dépêches
à René pour hâter son arrivée.
Ce prince
était à Strasbourg, il demandait aux Suisses leur concours et de l’artillerie.
Les Strasbourgeois mettaient à son service six cents hommes, deux grosses bombardés
et dix serpentines : il fallait huit jours pour les mener à Lunéville. Les
comtes de Bade, de Salm et le sire de Réchicourt accoururent près de lui. La garnison de Lunéville, qui avait perdu cent hommes
dans le premier assaut, voyant les bombardes et batterie contre eux,
demandèrent des ordres à Nancy et se rendirent ; l'ennemi évacua Einville.
Toutes
les garnisons refoulées vinrent à Nancy; ainsi les défenseurs étaient plus
nombreux que les Lorrains. Les Allemands vinrent se mettre en embuscade au-dessous
de Saint-Jean ; alors trois cents Bourguignons vinrent les surprendre ; ils se
défendirent vaillamment, mais ils succombèrent ; l’armée accourue pour les
secourir ne trouva que des cadavres des deux partis. I ne nouvelle embuscade
fut inutile, car le sire de Bièvre défendit les sorties.
La famine
commençait à sévir dans la place; les Lorrains surprirent un nommé Humblot qui s’efforçait de pénétrer dans la ville ; il leur
apprit que le duc de Bourgogne s'approchait, qu’il était à Neufchâteau. Fallait-il
le croire ? Dans le doute, on fit de l’année quatre corps qui se rendirent à
Gondreville, Vaudémont et Rosières ; ce départ permit à l’ennemi de faire
entrer quelques provisions dans la place. Pourtant Charles était loin ; les
Lorrains en furent informés et Malhortie à Rosières, fit pendre Humblot.
L’avant-garde
de l’armée lorraine, à son arrivée devant Nancy, fut attaquée par les
Bourguignons qui étaient aux Grands Moulins ; elle fut mise en déroute. Les
chefs lorrains se fortifièrent à Laneuveville, d’où ils empêchaient les convois
d’entrer en ville ; eux-mêmes, ils étaient dans l’abondance.
Epinal
était affamé par Harnexaire et par les gens de la
campagne qui, par haine de l’ennemi, ne lui vendaient plus rien ; les
habitants de la ville firent savoir à René qu’ils se révolteraient, si René
arrivait chez eux. Les Alsaciens, au nombre de deux mille fantassins et cinq
cents cavaliers, venaient avec des couleuvrines ; ils se réunirent à
Rambervillers.
Une
lettre de Charles, annonçant son arrivée, fut interceptée. La garnison d’Epinal
était de quatre cents hommes, dont la plupart occupaient le château. Ceux qui
étaient dans la ville dirent aux échevins : Que nous ne mourrions,
laissez-nous partir un bâton à la main. — René est bon, répondirent
les magistrats, allez, et que deux d’entre vous restent pour répondre des
dettes. Le duc René approchait ; le château fit une décharge ; le prince
entra en ville, et ceux du château se rendirent aux mêmes conditions que les
autres.
René s’en
retourna en Alsace, laissant trente pièces d’artillerie, quatre cents Allemands
et René d’Aguerre pour les commander. Saint-Dié,
Sarrebourg envoyèrent des secours, ainsi que les prévôtés du pays. Strasbourg
donna encore, et le duc rentra en Lorraine avec six mille hommes et un train
d’artillerie qui lui fut prêté. Il arriva à Laneuveville le 15 septembre et
rejoignit les autres troupes près de Saint-Jean du Vieil-Aître ; il fit le tour
des remparts, accompagné de Renaud Messein. Les Bourguignons n’avaient pas
nivelé leurs travaux d’approche, il en profita et dirigea l’attaque contre la
courtine joignant la grosse tour à la porte Saint-Nicolas. C’était un ouvrage
peu solide. Le duc avait alors quinze mille hommes.
A Toul,
les chanoines et les habitants, apprenant que le duc Charles avait des vues sur
leur ville, se mirent à réparer les remparts, à les armer ; René leur envoya
des officiers pour les commander. Charles s’en plaignit aux Toulois ; ils
répondirent que ces officiers n’avaient point de rapports avec l’armée
lorraine. Les chanoines donnèrent une grosse somme à René ; ils lui abandonnèrent
le tiers du revenu de leurs prébendes et l’impôt de un demi florin par conduit
sur leurs terres; les bourgeois donnèrent 2.400 francs.
A Nancy,
le sire de Bièvre avait une nombreuse garnison, trop nombreuse même pour les
vivres dont il disposait ; il pouvait compter surtout sur des Anglais commandés
par les capitaines Colvin et Midleton.
Les Allemands, commandés par Harnexaire, étaient campés
à l’ouest de la ville et avaient leurs canons en batterie sur son front. René
avait assez d’artillerie ; il mit deux bombardes et une des couleuvrines en face
de la porte Saint-Nicolas, en sorte que les assiégés n’osaient plus s’y
montrer. Colvin, si brave dans le combat et si
patient dans les privations, fut emporté par un boulet. Les Picards et les
Anglais, quoi qu’il ne soit pus en leur usage de manger chair de chenal et
de chien, patientèrent encore huit jours. De Bièvre leur promettait
l’arrivée de Charles et abandonna son plus beau cheval pour nourrir les
officiers. Après huit jours, Charles ne paraissait pas ; de Bièvre prie ses
soldats à genoux de tenir encore, leur fait des menaces, sans lien obtenir. Hutin
de Toullon et Midleton furent envoyés à René ne demandant que la vie sauve et la liberté de retourner
chez eux ; cette demande s’étend ait à toute la garnison. Le 6 octobre, ils se
présentèrent sur le boulevard de la porte Saint-Nicolas ; le bâtard de
Vaudémont les fit conduire à René qui accorda tout ce qu’ils demandaient ; les
étrangers et ceux qui ne voudraient pas rester à Nancy, sortiront avec leurs
biens, leurs chevaux et leurs harnais ; amnistie pour les Lorrains défaillants
qui seront tels qu’avant la guerre. Les seigneurs qui ont failli à leurs
devoirs devront se mettre à l’ordre pour recouvrer leurs seigneuries et
paieront les droits féodaux. Les gens de Chaligny remonteront dans leur village
sans que la cause de leur attachement aux Bourguignons soit recherchée. Les
soldats recevront le prix des prises qu’ils auront faites et Midleton, qui avait fait un prisonnier, en recevra la
rançon.
Quatre
cents Lorrains entrèrent immédiatement dans la place pour prendre possession
des postes les plus importants. Bièvre envoya au due un pastel de cheval ; René
répondit à cette politesse en envoyant des pâtés de venaison, chapons et
viandes délicieuses.
Le 7
octobre, les Allemands sortirent les premiers ; ils furent arrêtés et
dépouillés par les soldats lorrains ; René y mit bon ordre. Le pont-levis
s’abaissa et de Bièvre sortit au son des trompettes. René, à pied, salua le
chapeau à la main et les deux chefs se traitèrent fort courtoisement : Mon
oncle, dit René, vous feriez bien de vous unir à ma cause. Voici les
liens de parenté qui les unissaient : Marguerite, fille d’Antoine de Vaudémont,
avait été épousée par de Croy, dont la sœur était la
femme de Rubempré, mère de Rubempré de Bièvre. La garnison bourguignonne prit
le chemin du Luxembourg et René s’établit à Saint-Nicolas.
Depuis
deux ans les campagnes ne cessaient d’être ravagées ; René commanda aux
laboureurs d'ensemencer les terres. Les soldats voulaient s’en aller, mais
Louis XI envoya de l’argent à René qui put les payer et les retenir.
On apprit
alors que Charles venait à Toul par Neufchâteau ; le 14, il apprit la
capitulation de Nancy ; Toul lui refusa l’entrée dans ses murs. Il était à
Dieulouard le 17 octobre, et voulait aller à Pont-à-Mousson pour faire sa
jonction avec l’évêque de Metz et ses Etats du Nord. Campobasso vint le joindre
avec sa troupe ; Bièvre, le rencontrant à Magny, lui reprocha de ne s’être pas
trouvé au siège de Nancy et, par trois fois, lui dit : Vous êtes un traître.
Il y
avait à Pont-à-Mousson une bonne garnison lorraine ; René vint à Autreville par
la rive droite de la Moselle, pendant que Charles était sur la rive gauche : il
ne voulait pas risquer ses affaires dans une bataille ; à minuit, il décampa
pour aller à Pont-à-Mousson. Le 18, Charles passa la Moselle à Autreville et là
communiqua avec l’évêque de Metz qui fournit des vivres à son armée qui, jusque-là,
vivait de maraude. Le bâtard de Vaudémont venait à Aubreville avec trois cents hommes pensant rejoindre René ; grâce à un petit bois vingt hommes
purent se sauver ; les autres furent tués. Le 19, une bataille se préparait :
Charles était sur le versant de la côte de Sainte-Geneviève ; René était à
Alton ; la pointe de la foret de Fack séparait les
deux armées ; elles n’osaient la traverser ; on se tirait des coups de canon. A
dix heures du soir, René fit allumer des feux pour tromper l’ennemi et se
retira à Pont-à-Mousson. Le 20, Charles vint à Atton et campa sur la croupe de
Mousson, dont le château restait occupé par les Lorrains. Les troupes de René
n’avaient pas reçu de paiement ; les Allemands se mutinèrent, commencèrent à
piller la ville et se retirèrent à Maidières pour s’en aller. René sortit de la
ville avec son artillerie, supplia les soldats, leur montrant le péril d’être
massacrés ; les soldats se rallièrent. Profitant d’un épais brouillard, il
ramena ses troupes à Liverdun pour les conduire à Nancy, sans que Charles s’en
aperçut ; les cavaliers prirent les fantassins en croupe pour passer la
Moselle; René de sa personne en passa trente. Arrivé à Nancy, il mit la ville
en état de défense, rassembla des vivres autant qu’on le put, d’Einville, Rosières, Saint-Nicolas ; malheureusement en trop
petite quantité : les bourgeois déclarèrent qu’il y avait des vivres pour deux
mois. Le commandement des troupes fut donné à Menault,
Gatien d’Aguerre, Petit-Jean de Vaudémont Vautrin du Fay, Pied-de-Fer (gascon),
Pierre d’Oriolles et le capitaine Fortune, qui devait abandonner le parti
lorrain. Le duc dit : « Je serai de retour avant Noël ». Il était plein de
tristesse ; il distribua ses troupes dans les places ; Malhortie, à Rosières ;
les Allemands et un capitaine, à Lunéville ; le bâtard de Vaudémont, à
Gondreville ; Henri et Ferry de Tantonville, à Mirecourt ; Nicolas ou Collignon
de Ville, à Vaudémont ; Vautrin Wisse, à Epinal ;
Jean d’Haussonville, à Saint- Dié, et Harnexaire, à Remiremont.
René vint
à Ràon-l’Etape ; les Allemands réclamant 2 ou 300 florins
qu’il leur devait, l'enfermèrent, disant qu’ils ne le laisseraient partir que
quand ils seraient payés. Un habitant, Cachet, et les dames, avec leurs bijoux,
lui donnèrent le moyen de les satisfaire. Il visita Strasbourg et Bâle : ses
alliés lui promirent des secours à condition que les Suisses donneraient leur
concours, car ils étaient indispensables. Il parla aux Cantons, reçut de bonnes
paroles ; mais les chefs n’accordaient rien, parce que le pape travaillait à
les réconcilier avec Charles, disant que ses malheurs l’avaient rendu plus
sage. René s’adressa directement aux jeunes gens, leur promit quatre florins
par mois ; ils y consentirent et les chefs leur donnèrent des capitaines pour
les commander et des enseignes.
Charles,
qui avait vingt mille hommes, se hâta de venir à Nancy ; le 22 octobre, la
ville se trouva investie. En quinze jours, depuis le dernier siège, les
Nancéiens n’avaient pu détruire les travaux d’approche : une batterie
foudroyait la courtine entre la grosse tour et la porte Saint-Nicolas ; une
bombarde lançait ses projectiles contre la Craffe ; une plus grosse battait
contre la tour Sor ou Sorat,
à l’extérieur de la rue du Haut-Bourgeois. L’évêque de Metz ne laissait les
assiégeants manquer de rien ; mais les Lorrains des campagnes ne leur
apportaient rien. Charles écrivit à Dijon qu’il aurait bientôt recouvré cet
notre pays de Lorraine.
Cependant
les commandants lorrains harcelaient les Bourguignons ; Malhortie, embusqué
près de Ferrières, s’empara de huit voitures chargées de denrées qu’il
partagea avec ses compagnons. Le 1er novembre au soir, le bâtard de Vaudémont
sortit de Gondreville avec quatre cents hommes portant des écharpes blanches
pour se reconnaître, traversèrent la forêt de Haye, et, à une heure du matin,
s’emparèrent du détachement logé à Laxou. L’éveil fut donné dans le camp, mais
personne ne bougea, parce qu’on pensait que c'était René qui venait en forces ;
le bâtard de Vaudémont se retira avec du butin, des prisonniers et trois cents
chevaux. Les assiégés, de leur côté, avaient ouvert le l’eu contre les
assiégeants.
Quatre
cents Bourguignons vinrent à Tonnoy et s’y logèrent en tranquillité, sachant
qu’il y avait des garnisons de leur parti à Bayou, Laneuveville et Richardménil.
Averti par un habitant de Tonnoy, Malhortie entra dans le village, fit main
basse sur ce qu’il rencontre, tue ceux qui résistent ; il emporta des bagages,
beaucoup d’armes et emmena cent quarante chevaux. Au matin, les Bourguignons
vinrent mettre le feu au village et au château pour se venger de Malhortie.
Vautrin Wisse apprenant que deux seigneurs bourguignons
retournaient en leur pays avec deux cents cavaliers, alla, pendant la nuit, se
poster dans un val auprès de Dompaire. En route, il présuma qu’ils allaient à
Fontenoy, occupé par une de leurs garnisons. En effet, les soldats de cette
garnison se défendirent et Wisse repoussé alla en
Franche-Comté, d’où il ramena trois cents têtes de bétail. Ceux de Fontenoy vinrent
à sa rencontre pour lui reprendre son butin ; Wisse les tailla en pièces.
Cependant
Charles le Téméraire ne donnait pas l’assaut à la place pour ménager ses
hommes, espérant que la place mal approvisionnée, ne larderait pas à se rendre.
Or, l’hiver était rude, la maladie sévissait dans son camp, il envoyait ses
soldats à Saint-Nicolas pour se rétablir. Malhortie, renforcé de dix soldats
tirés de Lunéville, les attaqua ; ils se réfugièrent dans l'église en tirant
sur les assaillants ; ceux-ci entrent dans l'église ; les Bourguignons montent
sur l’autel de saint Nicolas, embrassent les genoux de la statue ; les assaillants
avaient un tel ressentiment qu’ils les tuèrent sans pitié. Malhortie trouva dix-huit
cents chevaux dans les écuries de la ville ; des chariots chargés de butin, il
emmena le tout à Rosières. Charles, exaspéré, marcha sur Rosières avec une
partie de son armée ; son avant-garde se laissa surprendre et fut taillée en
pièces dans un lieu fangeux, près de la croix de Saint-André ; un seul homme
s’échappa; Malhortie était partout ; les Bourguignons se retirèrent.
L’hiver
et les armes n’étaient pas seuls contraires aux Bourguignons ; il faut y
joindre la trahison. Campobasso regrettait le service des princes d’Anjou, vu
que la fortune de Charles pâlissait ; il avait déjà proposé à Louis XI de lui
livrer son maître ; mais le roi refusa et prévint Charles que Campobasso était
un traître. Celui-ci pensa que si Campobasso voulait le tuer, ce ne serait pas
le roi qui l’en empêcherait ; il ne le crut pas. L’Italien proposa son service
à René ; celui-ci, moins sévère, lui promit une grande récompense, s’il
l’aidait à recouvrer son duché. En conséquence, Campobasso s’employait à
retarder l’arrivée des munitions. Un outrage qu’il reçut le détacha tout à fait
du parti bourguignon.
En
Suisse, Jean Waldmann, avoyer de Zurich, admirateur
de René, obtint que les troupes suisses fixèrent leur départ au 25 décembre. Le
canton de Zurich demanda qu’une diète fût assemblée le 25 novembre ; les
cantons promirent qu’ils fourniraient les contingents prêts à partir. Louis XI
donna à René 40.000 francs, ce qui lui permit de donner une gratification à ses
soldats. Il avait avec lui Jean de Bassompierre, Jean de Vaudrey et son maître, d’hôtel, Suffren de Baschi. Celui-ci s’offrit pour aller en
Lorraine annoncer l'arrivée des secours ; René accueillit sa demande et lui
dit : Va à Vaudémont, tu demanderas aux officiers de te donner un soldat
pour te guider jusqu’au bord du fossé de Nancy. Les nobles Gérard d’Aviller, les sires d’Apremont et de Tantonville vinrent
avec lui jusqu’à Clairlieu, portant des sacs de
pondre et de provisions ; ils descendirent par Boudonville.
Une grande inondation favorisait leur accès ; ils arrivèrent au boulevard de
la porte de la Craffe et crièrent : Lorraine! Lorraine ! Baschi s’écarta
et arriva an bord d’un fossé qu'il ne put franchir, car la fièvre le dévorait ;
il tomba cidre les mains des Bourguignons. Eu ville, on alluma des torches, on
lira des couleuvrines. Le prisonnier amené devant, le duc ne voulut rien
répondre ; alors le duc ordonna qu’on le pendît à la potence. Alors Campobasso
pria le duc de ne le point faire mourir. Les sires de Chimay et de Bièvre et le
bâtard de Bourgogne disaient : « Les Lorrains ont des prisonniers ; s’ils
les traitaient ainsi que diriez-vous ? » Charles donna à Campobasso un
soufflet ; celui-ci se tut. Baschi conduit près de la fontaine Saint-Thiébaut,
craignant la mort, voulut révéler la trahison de l’italien ; il dit qu’il avait
un secret à faire savoir au duc de Bourgogne. Ou vint pour le dire à Charles,
mais Campobasso veillait à la porte de la tente, il dit : « Le duc a ordonné, exécutez
ses ordres ».
Le
lendemain, Gérard d’Avillers et le sire de Tantonville firent demander qu’on
traitât le prisonnier avec bonté ; il était mort ; on refusa d’abord son corps,
puis on le rendit ; il reçut la sépulture à Saint-Georges. Les assiégés
pendirent des prisonniers en dehors de la grosse tour et de la Craffe. René
prescrivit de traiter de même les officiers bourguignons ; il en périt plus de
cent vingt. Le résultat de ces représailles fut que les Bourguignons n’osaient
plus sortir de leur camp, craignant de tomber entre les mains de l’adversaire
et de subir le même sort.
La
position de Nancy n’en était pas moins difficile ; l’arrivée des deux
compagnons de Suffren mit les assiégés en joie pour quelques jours ; puis le
découragement ils gagnait. « Chaque semaine tuaient deux ou trois chevaux
par faulte de chair de bœuf ou mouton ; tous les chiens, chats, chattes, rats, rattes
mangent en guise de venaison». Fortune laissa tomber son chapeau, comme
par mégarde; dans le fossé; il y descendit, puis il courut, vers les
Bourguignons ; il leur raconta la grande détresse de la ville, ce qui confirma
le duc dans son plan de prendre la ville par famine.
Pied-de-fer
réussit à franchir le camp et se rendit à Rosières ; de là il marcha jour et
nuit pour dire à René à quelle extrémité la vile était réduite. Puis, il n'osa
revenir à Nancy.
Les
assiégés, dont l’inquiétude grandissait chaque jour, envoyèrent Thiéry,
drapier, natif de Mirecourt; eu cinq jours, il arriva auprès du duc : il vit
les bandes armées et réunies. Il revint au bois de Saulru,
prit un fagot et habillé en bûcheron l’apporta au camp. Ou voulut le lui
acheter ; il répondit que c’était pour les Anglais, qui étaient plus loin.
Arrivé près du fossé, il jeta son fagot et descendit dans le fossé par où il
rentra en ville. Les Nancéiens, rassurés par les nouvelles qu’il apporta,
jurèrent de mourir plutôt que de se rendre.
Les munitions
manquaient ; Michel Glorieux avait caché deux tonneaux de poudre, après le
premier siège ; il vint le déclarer à Menault et à
Gratien d’Aguerre. Un canonnier habile, Pierre,
chargea un canon de la porte de la Craffe et démonta deux fois la grosse bombarde
qui faisait des dégâts en ville. Charles devint furieux contre ceux qui avaient
dit qu'il n’y avait plus de munitions en ville ; mais il ne donna pas
l'assaut.
René ne
perdait pas de temps ; il envoya l'auteur de la Chronique Lorraine donner ordre aux garnisons lorraines de se réunir toutes à Saint-Nicolas, le 4
janvier (1477). A Bâle, le duc fut enfermé par les Suisses qui ne voulaient pas
le laisser partir qu’il n’eût donné un acompte. Or, ses ressources étaient
épuisées ; il avait engagé jusqu’à son argenterie ; le comte de Linange supplia les mutins d'avoir patience ; ce fut en
vain. Ce seigneur avait sous ses ordres Oswald de Thierstein qui, disgracié en Autriche, était venu se joindre à lui. Ses biens étaient
considérables ; il engagea ses domaines, ceux de ses deux fils : 1200 florins
lui furent comptés ; il les versa aux Suisses, qui consentirent à se mettre en
marche.
Les
contingents d’Alsace étaient prêts ; ils se rendirent à Saint-Dié ; les
soldats de Colmar, Schlestadt et de Kaiserlautern
étaient commandés par Hermann d’Eptingen ; les chefs
de Strasbourg-, qui se sont distingués à Moral, se distingueront encore à
Nancy. Les Suisses sont au nombre de huit mille ; Ulrich Tralleser commandait ceux de Schalfouse ; Petermann Pot, ceux
de Baie ; Jean Waldeman, ceux de Zurich ; beaucoup de
magistrats et de nobles voulurent combattre sous leurs ordres comme simples
soldats. René assuré de leurs bonnes dispositions, marcha en avant à pied, une
hallebarde sur l’épaule. Il arriva à Saint-Dié pour organiser le contingent
alsacien. Ceux-ci avaient pris le devant ; ils étaient à Ogéviller ; les
Suisses les rejoignirent ; René se trouva à la tête de quatorze mille hommes ;
il apprit que les garnisons réunies formant quatre mille hommes étaient à
Saint-Nicolas.
Apprenant
le mouvement qui se dessinait, Charles envoya, le 3 janvier, une garnison à
Saint-Nicolas avec ordre d’incendier la ville si elle ne pouvait s’y maintenir.
Les Lorrains lui firent la poursuite jusqu’à la Madeleine, près de
Saint-Nicolas, et lui tuèrent cinq à six cents hommes ; le reste gagna le corps
principal devant Nancy.
En
arrivant à Saint-Nicolas, les Lorrains se barricadèrent en attendant René ; le
2, il logea à Badonviller ; le 4, il était à Saint-Nicolas dans l’après-midi.
Quatre mille hommes furent logés sous les Halles, les officiers .suisses dans
les meilleurs hôtels ; les soldats en ville. Les Suisses apprennent que
quelques Bourguignons n’ont pu s’échapper et sont dans l’église et dans plusieurs
maisons. On les rechercha et on les tua sans miséricorde. Un soldat fut trouvé
dans l’église par un Suisse, il le tira dehors et le décapita ; d’autres, liés
ensemble et percés de coups, furent jetés dans la Meurthe ; c’est ainsi que le
duc de Bourgogne avait traité ses prisonniers à Grandson. René ne put ou ne
voulut s’opposer ; il s’occupait à préparer le succès de sa cause. Des
gentilshommes français accourus pour combattre furent accueillis de grand cœur
; Louis XI envoya dans le Barrois Craon avec sept ou huit cents lances ne
faisant nulle guerre, mais voyant qui aurait le meilleur.
Pour
empêcher que les assiégés exténués de fatigue et de faim ne livrassent leur
ville au dernier moment, René fit mettre un fanal au sommet de la tour de
l'église de Saint-Nicolas ; ce signe fut vu de Nancy et ranima tous les
courages. Les Bourguignons, affaiblis par les maladies et les pertes
continuelles, comprirent alors qu’ils ne pouvaient lutter. Le duc de Tarente
était parti avec sa cavalerie, rappelé par son frère ; Nassau et Chimay
donnaient le conseil de se retirer dans le Luxembourg ; le 29 décembre,
Alphonse de Portugal visitant Charles, lui offrit de se charger de faire une
paix honorable. Le duc de Bourgogne ne voulut rien entendre ; les espions
disaient que René amenait vingt mille hommes ; d’autres disaient qu’il n’en
avait que peu. Ce sont ces derniers qui furent écoutés ; le Téméraire disait à
ses capitaines que le légat lui a promis de calmer les Suisses, que l’Enfant
a peut-être réuni ses garnisons et comme un jeune fol veut m’assaillir. Par
saint Georges s’il le fait, il fera grande folie . Les capitaines informés
que c’était bien avec les Suisses que le duc de Lorraine était à Saint-Nicolas,
disaient que René ne les poursuivrait pas dans le Luxembourg, que les Suisses
le ruineraient et que, à la belle saison, on reprendrait avantageusement le
siège ; que le duc devait songer à sa fille, à ses Etats convoités par Louis XI,
et qu’une défaite aurait des suites incalculables. Par saint Georges,
jamais reproche ne serai que devant un enfant me serai enfui ! Ce fut le
dernier mot dit par le duc.
Les
assiégés ne restèrent pas inactifs : pendant la nuit, les bourgeois sellaient
les chevaux, se couvraient de leurs armes et menèrent les canons à leurs
positions. Du côté des Bourguignons, trois corps peu nombreux sont chargés de
contenir les assiégés ; Hutin de Toullon fut mis
devant la Craffe ; John Midleton en face de la porte
Saint-Nicolas et au nord-est à la poterne du palais ; à l’Ouest et au Sud sont
les baillis de Hainaut et de Brabant. Campobasso, à la pointe du jour, s’éloigna
en silence ; mais au lieu d’aller à la Madeleine, passa au-dessous de Vandœuvre
et se rendit à Saint-Nicolas. Conduit à René, il rappela ses bous services
auprès des ducs d’Anjou; il demanda Commercy qui lui avait déjà été concédé, et
s’offrit pour combattre dans son armée. Les Suisses refusèrent de combattre,
s’il était admis non seulement parce que cela blessait l’honneur, mais parce
qu’un traître peut trahir encore. Campobasso dut se retirer ; il passa la
Meurthe à Saint-Nicolas et se rendit au pont de Bouxières-aux-Dames; il le
barricada avec des chariots pour arrêter les fugitifs et les faire prisonniers.
Son frère Angelo Galeotti et Jean de Montfort le rejoignirent avec cent vingt
cavaliers.
Les
Bourguignons étaient démoralisés ; leur nombre n'était plus que de quatre mille
hommes d’armes, soit six mille hommes en tout ; beaucoup étaient blessés ou
malades.
La
Meurthe fait une courbe vers le bois du Saulru, qui
couvrait alors huit cents mètres plus loin les lieux où sont aujourd’hui la
maison du Sacré-Cœur, le cimetière du Sud et les dépendances de la Malgrange.
Ce terrain était en plaine avec des ravins formés par les ruisseaux de Nabécor, de Jarville et de Heillecourt. Charles suivit à
Nancy l’ordre qu’avaient ses troupes à Grandson et à Morat. L’artillerie fut
alignée à trois cents mètres en arrière du ruisseau de Jarville. Derrière,
s’étendait la première ligne; Charles se tenait à droite et à gauche de la
route avec deux mille cinq cents hommes formant le rentre ; l’aile gauche, avec
Jacques Galeotto, s’étendait jusqu’à la rivière ; la
droite, commandée par Josse de Lalanne, s’étendait jusqu’au bois ; derrière le
centre se tenaient les archers ; la cavalerie était placée derrière le ruisseau
de Nabécor ; le centre était commandé par le batard de Bourgogne ; le sire de Bièvre était à droite.
L’armée
était couverte par le ruisseau de Jarville, fort encaissé à cet endroit ;
c’était une position excellente. Charles pourtant paraissait triste en passant
la revue de ses troupes ; pendant qu’on l’armait, le lion d’or de son cimier
vint à tomber, il dit : Hoc est signum Dei ! (C’est
le signe de la volonté de Dieu !)
Les
Nancéiens, voyant tous ces mouvements, sortirent par la poterne du palais,
attaquèrent Midleton et mirent le feu aux tentes ; en
un instant tout le camp fut en flammes. Un soldat bourguignon se jeta dans le
fossé en criant : « Pour Dieu sauvez-moi la vie ; nouvelles vous apporte! » Les hommes montaient sur les remparts essayant de pénétrer le brouillard pour
voir faction ; le clergé, les femmes, les enfants en procession, adressaient à
Dieu leurs prières.
René
assista à la messe, dès la pointe du jour, à l’église Saint-Nicolas ; des
autels étaient préparés sous les Halles pour célébrer des messes, car c’était
le 5 janvier, et, ce jour-là, les Suisses, ni les Allemands n’eussent voulu
manquer de l’entendre. Quand les troupes curent mangé la soupe du matin et bien
bu, elles sortirent au son des tambours et des trompettes. Les nobles se
placèrent devant René qui tenait son étendard figurant l’Annonciation ; il en
confia la garde à Jean de Vaudrey. Sur la route, un
marchand criait : Beuvez le vin de la
Saint-Jean. Les Allemands n’y manquent mie, tous beuvent ce vin, car bon était.
Près de
la Madeleine (aujourd’hui soudière), le duc profita d'un arrêt pour armer
chevaliers plusieurs jeunes nobles. A Laneuveville, on surprit un espion dans la
tour de l'église ; ou le jeta pur lu baie dans le cimetière. On fit halte au
ruisseau de Heillecourt ; les espions annoncèrent que Charles n’avait pas
envoyé d'éclaireurs dans le bois de Saulru.
Autour de
René étaient les représentants des grandes familles : Ferry de Parroye, .Jacques de Savigny, Jean d'Haussonville, les
sires de Saint-Arnaud, Hardémont, Bassompierre, Balthazard d’Haussonville qui désiraient réparer leur
défection, Vautrin de Wisse, Ligniville,
Thomas de Pfaffenhollen, sénéchal de Lorraine.
Vautrin de Wisse émit l’avis que si l’on attaquait
l’ennemi de face, on ferait des pertes immenses ; qu’il fallait entretenir son
attention par des escarmouches et tourner l'adversaire par le bois ; tons
approuvèrent cet avis.
Cent
cavaliers s’avancent sur remplacement actuel de Bonsecours et échangent
quelques coups de lance. Le duc de Bourgogne voit une troupe sur une éminence,
il pense que sa droite est menacée : ce sont les conducteurs des convois et
les vivandiers qui se portent là pour voir le combat.
Pendant
ce temps, l’armée lorraine remonte le ruisseau de Heillecourt jusqu’au point
où se trouve la Malgrange ; il a plu, il y a de l’eau, de la glace les mal
chaussés prinsent tout plein leurs souliers. On
fit halte à Brichambeau, Wisse dit que chacun fasse fidèlement son service et nous déferons les Bourguignons.
Un prêtre monté sur un tertre leur montre l’hostie consacrée, les exhorte à la
pénitence, tous font une croix à terre et la baise dévotement ; le prêtre les
bénit.
René fait
avancer l’armée vers le bois du Saulru ;
l’avant-garde formant l’aile gauche, conduite par Guillaume Herter, comprend
sept mille fantassins et deux mille cavaliers. René, à droite, forme le corps
principal avec huit mille fantassins et deux mille cavaliers ; derrière,
viennent quatre-vingts couleuvrines ; douze on quinze fauconneaux ne servent
pas. Le grand étendard et tous les autres sont réunis au centre pour éviter la jalousie
; des soldats éprouvés en reçoivent la garde. Le due est habillé comme à Morat
; il a une robe de drap d’or, les manches et le reste gris, blanc et rouge.
L’armée
s’ébranle vers dix heures : l’infanterie marche dans un taillis, la cavalerie
suit le chemin de Nabécor ; une neige grosse comme
des noix tombe pendant un demi-quart d’heure et les dérobe à la vue ; les
capitaines d’Oriolles et Manne arrivent sur la seconde ligne des Bourguignons.
Le sire de Rivière fait faire une conversion à ses cavaliers, chargea les
arrivants et met l’attaque en désordre. Alors, on entend le taureau d’Uri et la
vache d’Unterwalden ; le son de ces trompes fait frémir Charles qui les a
entendues en Suisse ; ce sont les soldats de Herter qui abordent l’ennemi ; ils
tirent leurs couleuvrines et mettent en déroute la cavalerie bourguignonne. Les
fantassins résistent, mais les bataillons suisses descendent dans les ravins
de la Madeleine. En quelques minutes, la seconde ligne est dispersée. «Quels
gens voyez qui courent après ces gens ?» — « Ce sont les troupes d’Uri et de
Morat qui poursuivent vos gens qui s’enfuient. »
Les
fuyards retournent au camp ; les gardes des tranchées se joignent à eux, tous
fuient vers Pont-à-Mousson. Campobasso les arrête au pont de Bouxières. les
prend et se retire à Commercy.
En ce
moment René sort du bois et ne voit plus la seconde ligne de l’ennemi ; il
charge la cavalerie et la rejette sur le centre. Charles ne peut plus changer
son ordre de bataille ; son artillerie ne peut se tourner contre l’ennemi ; un
seul coup, qui put être tiré, tua Georges de Bulach et un gentilhomme lorrain. Galeotto croit que tout
est perdu ; il passe la Meurthe au gué des Sables, sur la glace ; il s’enfuit à
Metz sans être inquiété.
Sur le
champ de bataille ce n’est que confusion. Le centre et la droite sont
environnés d’ennemis dix fois plus nombreux : c’est René payant de sa personne
; il est entouré par les comtes de Salin, Bitche, Limange,
les sires de Ribeaupierre, Ligniville,
Nettancourt, Lenoncourt, Haussonville, Jean de Witte, le sire de Gerbéviller,
Thomas de Pfatffenhollen et l’Allemand Jacques Feireler, de Wys, capitaine des
gardes.
Charles,
entoure de ses soldats, lait reculer deux ou trois fois les assaillants, mais
il faillit perdre la vie, un coup de hallebarde le faisait tomber de cheval ;
les siens le raffermissent en selle ; le cercle se resserre autour de lui, le
moment est venu qu’il faut fuir ou mourir. Il fit, par un effort soudain, une
trouée devant lui et courut à Saint-Jean.
Claude de
Beaumont le poursuit et le blesse.
Au
passage du ruisseau de l’étang Saint-Jean, son cheval chargé ne peut le
franchir, il retombe dans la vase et Claude blesse le duc d’un coup de lance.
Celui-ci crie : Sauve Bourgogne ! Son adversaire, qui est sourd,
comprend : Vive Bourgogne ! il fait au duc une horrible blessure à la
mâchoire, il tombe. Des soldats allemands passant par-là lui donnèrent le coup
mortel.
Certains
de la défaite des Bourguignons, les bourgeois sortent de la ville au son des
cloches, ils interceptent le passage aux fuyards entre la ville et Boudonville et les obligent à se sauver du côté de la foret
de Haye. Jeannet de Bidos et J.-B. de Roquelaure arrêtent le bâtard de
Bourgogne dans une chenevière de Laxou. Le chevalier
Olivier de Lamarche, Beaudoin, frère naturel de Charles le Téméraire, le sire
de Neufchâtel, le comte de Nassau, Josse Lalain sont
faits prisonniers. Les Suisses et les Allemands ne font quartier à personne ;
ils tuent même des bourgeois imprudents qui sortent sans porter sur leurs vêtements
la croix de Lorraine ; deux bouchers, Gérard et le Cardinal, qui ramenaient
en ville un troupeau, eurent le même sort.
Les
vainqueurs arrivèrent au pont de Bouxières, quand les Bourguignons achevaient
de le déblayer pour pouvoir passer ; les uns furent tués ; les autres, essayant
de fuir à la nage ou sur des glaçons, furent noyés ; d’autres parvinrent
jusqu’à Metz. René arriva aux jardins de Bouxières avec mille cavaliers, en prévision
de tout retour offensif. A ceux qui le félicitaient, il disait : Le duc est
échappé ; il reviendra, quoique plus tard, et la guerre ne finira. ..
La ville
de Metz était remplie de fugitifs ; ils étaient blessés, gelés, mouraient de
faim et criaient à faire pitié ; il en mourut un grand nombre dans les
hôpitaux. Le duc fit mener les prisonniers au château de Foug ; les gens de la campagne fouillaient les bois, tuaient les soldats et
gardaient les nobles en vue de la rançon. René rentra à Nancy à sept heures,
vint devant Saint-Georges remercier Dieu ; il se rendit à l’hôtel d’Arnoul
parce que son palais était dépouillé de ses boiseries, dont on avait fait du
feu. Il vit devant le palais un monceau des têtes des animaux mangés pendant le
siège. Les soldats furent répartis chez les habitants ; les officiers étrangers
logèrent dans les meilleurs hôtels ; les cavaliers retournèrent à
Saint-Nicolas. Un page de Campobasso vint à minuit dire au duc qu’il savait que
le duc Charles était tué.
L’hiver
était si rude que les Suisses voulurent regagner leur pays sans retard ; déjà
à Saint-Nicolas, ils avaient dit que, si l’on ne se battait pas le 5, ils s’en
retourneraient chez eux. Le duc les accompagna jusqu’à Lunéville, ils lui
dirent : « Si le duc est échappé, faites-le nous savoir, nous viendrons le
combattre ».
On donna
une escorte à Colonna, valet de chambre de Charles, pour chercher le corps de
son maître vers Saint-Jean et l’étang ; une lavandière, qui connaissait le duc,
était avec lui. Enfin, on trouva son corps en partie engagé dans la glace ; un
loup avait entamé une joue ; on le reconnut à une cicatrice qu’il portait au
cou et à la longueur de ses ongles. On le déposa dans la maison de Georges
Marquiez, Grande-Rue. René le fit reconnaître par ses
frères naturels, Antoine et Beaudoin ; Mathieu Lapez, son médecin, Olivier de
la Marche, son chambellan, Denys, son chapelain, le sire de Neufchâtel et ses
valets : tous le reconnurent. Puis il le visita dans sa chapelle ardente et lui
dit : Cher cousin, vos âmes ail Dieu ! Vous nous avez fat moull maux el douleurs. Après les funérailles faites à
Saint-Georges, il fut enterré dans la branche septentrionale du transept. Il
lui fit faire un tombeau avec sa statue par l’imagier Jean Croock.
Les corps
des Bourguignons ont été enterrés au lieu du dernier choc, à Bonsecours ; six
cents corps furent enterrés à Bouxières. Jean Villers de Sarre obtint de bâtir
une chapelle et une habitation dans le premier lieu ; elle ne fut exécutée que
plus tard par Ambroise Charnières ; on lit dans le titre du 21 août 1498 que
cette chapelle fut faite par ordre du roi de Cécile.
Tous les
ans on faisait une procession à cette chapelle; on y portait le casqué de
Charles qui fut retrouvé; les Français, occupant la Lorraine, omirent cette
cérémonie ; Léopold la rétablit, Stanislas l’abolit définitivement en 1737.
Les
Suisses ont conservé les drapeaux pris à l’ennemi dans la bataille ; on les
trouve dans la ville de Soleure.
Le duc de
Lorraine confirma dans leurs biens et privilèges les nobles revenus à lui ; il
dispensa Nancy des tailles (impôts indirects) ; il enleva la seigneurie de Chaligny
au sire de Neufchâtel, ainsi que tous ses biens en Lorraine ; les trois fils de
Jacques d’Haraucourt perdirent leurs biens, ainsi que les autres Haraucourt,
Lenoncourt, de Parroye, etc. ; il distribua à ceux
qui ont combattu pour sa cause les biens de ceux qui s'étaient ralliés à la
cause du Téméraire. Il donna un mois et demi de solde à tous les simples
soldats: A Oswald Thierstein il accorda l’hôtel de
Vautrin Malhôte et le titre de maréchal de Lorraine.
Toutes
ces largesses mirent le duc dans une grande gêne ; il voulut s’indemniser dans
le Luxembourg ; il prit Virton et trois autres places, mais, par son traité
avec Marie de Bourgogne et Maximilien, son époux, il consentit à ce que ces
places fussent rachetables moyennant 20.000 florins. Il voulut aussi gagner
quelque chose en Franche-Comté et en Bourgogne ; mais Louis XI écrivit à Dijon
que l’on ne reconnût d'autre autorité que la sienne, car il voulait défendre
le bien de sa parente et filleule ; il envoya des troupes dans l’Artois et
en Bourgogne. René alla à Paris pour traiter de ces affaires avec le roi ;
celui-ci fit des amitiés au duc, et, pendant ce temps, par trois fois, il
travailla à le faire déshériter par René 1er de la Provence, sans parler du Barrois mouvant que le duc occupait depuis 1476. René Ier,
d’ailleurs, donna la Provence et l’Anjou à Charles du Maine, le troisième fils
de Ferry III de Vaudémont et d’Yolande ; il voulait même donner le marquisat de
Pont-à-Mousson au bâtard de Calabre. Enfin, le 15 novembre 1479, René Ier légua le Barrois mouvant à Yolande et à René, son fils ; en attendant le moment
d’entrer en sa possession, il le leur loua pour 4.000 écus d’or. René possédait
déjà le Barrois non mouvant. Louis XI, tenant René Ier à Paris,
obligea ce prince à lui céder cette ferme, le 9 novembre 1479. René Ier mourut le 10 juillet 1480 à Angers ; Yolande, en 1484 ; elle fut inhumée à
Joinville ; le duc jouit alors du Barrois, non compris la mouvance, ce qui augmenta
sa puissance. Néanmoins, le passé et l’hiver désastreux de 1481-1482 mirent ses
finances en mauvaise situation. Les Etats lui firent des représentations sur
ses dettes qu’il ne payait pas ; ce qui engageait les créanciers du Trésor à
piller les campagnes ; ils lui reprochèrent son état de maison, ses largesses,
son état militaire exagéré. Ils l’engagèrent à épargner le peuple qui était
obéré et, s’il suivait ce conseil, plus tard le pays enrichi lui donnerait des
ressources abondantes.
Le duc
fut mécontent ; il s’empressa d'accepter l'offre des Vénitiens, de le mettre à
la tête de leurs troupes contre le duc de Ferrare, aux appointements de 2.000
ducale par mois, et la solde de ses troupes, li partit une première fois avec
trois cents chevaliers et mille soldats ; une seconde fois, avec deux cents. Les
maladies se mirent dans ses troupes et il revint eu Lorraine à la fin de 1485 ;
malade lui-même, il fut guéri par Jean Bossuet ; Louis XI voulut l’avoir à son
service.
Il était
temps qu’il revint, car Gérard de Rodemack ravageait le Barrois ; il se
plaignit à Maximilien de la conduite de son vassal ; ce prince y mit ordre,
après que René eut pris et détruit Rodemack.
Le comte
du Maine légua ses Etats à Louis XI, le 10 décembre 1481 ; le roi mourut le 30
août 1483. Anne de Beaujeu voulut gagner le duc de Lorraine pour l'aider contre
le duc d’Orléans ; elle lui donna une pension de 20.000 livres, lui promit de
doubler cette pension et de l’aider à s’emparer de Naples qu’il aspirait aussi
à conquérir. Il exigea qu’on lui rendît le Barrois mouvant (Bar, Perthois,
Bassigny, Blaisois) ; quant à ses prétentions sur la Provence et l’Anjou, elles
furent rejetées par le Parlement. En 1484, il jouissait d’un grand crédit à la
cour ; il en fit chasser Commines. Mais sa pension ne lui fut jamais payée ;
voyant qu’on se jouait de lui, il revint dans ses Etats.
Jeanne
d’Harcourt, qu’il avait épousée en 1470, ne lui donnait point d’enfants ; les
Etats généraux l’engagèrent à faire le nécessaire pour contracter un nouveau
mariage. L’official de Toul lui était favorable ; il envoya les pièces de
l’information de celui-ci à Rome, qui délégua l’archiprêtre de Marsal ou celui
de Vosges pour prononcer la sentence. Celui-ci, Aubry Briel,
assisté du procureur Jean Wisse, des médecins Roger
Gauthier et Nicolas Midy, prononça la nullité du premier
mariage. Le 28 août, René épousa, à Orléans, Philippine de Gueldres, qu’Anne de
Beaujeu lui avait recommandée ; les scrupules du duc furent calmés par une
bulle d’Innocent VIII confirmant
la décision de l’officialité.
Disons
rapidement qu’appelé par les Napolitains pour les aider à secouer le joug
tyrannique de leur roi, il prépara une expédition. Il tenta d’enlever Zizim, frère de Bajazet, retenu à Bourgneuf, pour le livrer
au pape, afin de se le rendre favorable ; il échoua. Il obtint du pape de lever
un impôt sur Toul comme sur son duché ; Antoine de Neufchâtel, évêque de Toul,
et les Etats s’y refusèrent. Il partit en 1488 pour Naples ; à Marseille, il
apprit que Ferdinand et ses sujets se sont réconciliés et que Charles VIII veut
faire pour lui-même cette conquête du royaume de Naples, alors il rappela son
artillerie qui était déjà à Avignon et, dit Commines, revint bien honteux.
A son
retour, il trouva les Lorrains et les Messins se faisant une guerre de
mutilations et de massacres. Il défendit à ses sujets d’envoyer des denrées à
Metz ; le roi de France et l’évêque de Trêves négocièrent une trêve. René,
fâché d’avoir tant dépensé partout sans résultat, essaya de surprendre une
porte de Metz en gagnant par argent un des Treize, Jean de Landremont; une
pluie diluvienne fit échouer cette odieuse agression. Le gardien de la porte, Chauvelot, qui était du complot, en vendit le secret ;
Landremont fut exécuté si cruellement que ceux qui en furent témoins ne
voulurent manger chair à la fête des rois. L’empereur Maximilien vint visiter
Metz ; il fit conclure la paix, 29 mai 1493.
Une
lettre de Henri VII d’Angleterre appela le duc de Lorraine à combattre les
Ecossais : le duc s'abstint d'y aller. En 1495, il se présenta à la diète de
Worms pour faire ses reprises sur le bailliage d’Allemagne. On lui demanda de
prêter serment à l’empereur ; il le refusa ; il se borna à le faire dans les
mêmes termes restreints que le faisaient ses prédécesseurs. En 1501, il fit un
traité pour aplanir les difficultés qui restaient même après le traité de 1495
; il promit de rendre les restes de Charles le Téméraire pour être inhumés à
Dijon avec ses pères ; on accorda aux sujets de chaque partie le droit de
commercer dans les deux pays ; on nomma des commissaires pour terminer les différends
qui surgiraient.
René
voulait posséder Toul ; il fit tant de difficultés à Antoine de Neufchâtel, que
celui-ci se démit de son évêché ; il lit nommer Olry de Blâmont qui aurait accordé au duc ce qu’il désirait, si les citains de Toul ne s’y étaient opposés. Il augmenta les
fortifications de Nancy, continua l’œuvre du Palais ducal ; fit construire le
pont de Malzéville ; fit bâtir les halles, des fontaines; fonda le couvent des
Cordeliers, près du Palais ducal.
Un impôt
de deux francs fut mis sur chaque conduit pour des dépenses extraordinaires;
cet impôt, qui devait être perçu une fois, devint annuel; il se payait en
argent ou en nature ; dans chaque prévôté, il y avait un receveur ou cellérier
pour le percevoir.
Epinal
lui fut remis car Henri de Lorraine, évêque de Metz ; mais il devait faire le
serment imposé aux voués. Retiré à Longwy, il partageait son temps entre les
exercices de piété et la chasse ; ayant poursuivi des loups avec ardeur, il fut
refroidi et mourut le 10 décembre 1508.
I!
ordonna que le Barrois ne fût plus séparé de lu Lorraine ; il voulut établir la
loi salique chez ses successeurs par son testament : les Etats généraux ne décidèrent
pas la question.
Ses
enfants furent : Antoine, son successeur ; Claude de Guise, chef de l’illustre
maison des Guise ; il hérita des biens que son père possédait en Normandie,
Picardie, Flandre et Hainaut ; Jean de Lorraine, évêque de Metz ; Louis,
destiné à l’évêché de Verdun, y renonça et prit le titre de comte de Vaudémont
; François, seigneur de Lambèse.
Il était
humain et charitable. A Gratien d’Aguerre, qui
voulait brûler deux villages, il dit : « Si tu veux mal faire, demande-moi
conseil, et tu ne le feras pas ». A un pauvre : « Si tu as souffert, c’est ta
faute, puisque tu ne me l’as pas dit ; maintenant si tu souffres, ce sera la
mienne ». On lui citait le mot de Titus : « Mes amis, j’ai perdu un jour ! » —
Il dit : « A Dieu grâces, Haussonville, n’en ai aucun perdu. »
ANTOINE
(1508-1544).
Pendant
son règne et les règnes suivants la paix régna en Lorraine ; la guerre des
Rustauds, seule, y fit une exception, jusqu’au moment de la guerre de Trente
ans qui, un siècle plus tard, déchaîna tant de maux sur ce pays. Nous n’avons
pas vu que René ait cherché à tirer vengeance de l’évêque de Metz pour les
services qu’il rendit à Charles le Téméraire.
Antoine
fut confié à la cour de France par son père, quand il n’avait que sept ou huit
ans ; il accompagna le roi en Italie ; il fut témoin de la bataille d’Agnadel
avec les Lorrains, Ferry de Ludres et René de Beauvau. A la mort de René, il
était absent ; un conseil de gouvernement fut formé ; Philippe de Gueldres et
Hugues des Hazards, évêque de Toul, en faisaient
partie.
Le jeune
prince fit un pèlerinage à Saint-Nicolas en 1511. En 1515, il assista au sacre
de François Ier ; l’archevêque de Reims l’engagea à épouser Marie
de Bourbon, sœur du connétable de Bourbon, qui fut traître à la France et fut
tué au siège de Rome. Son mariage fut célébré magnifiquement ; le roi y assista
et fit donner des tournois splendides. Son frère, Claude de Guise, épousa de
son côté Antoinette de Bourbon.
Le duc
s’allia avec la France contre son propre intérêt ; il combattit à Marignan ces
Suisses qui oui sauvé sa famille cl lui oui rendu son duché ; son frêne Claude
de Guise allait y périr, quand son écuyer le couvrit de son corps ; le jeune
primat fui retrouvé sous les morts, il avait vingt-trois blessures.
Antoine
eut six enfants ; les aînés moururent en bas âge ; François, son successeur,
naquit à Nancy le 23 août 1517.
Les mines
situées à l’Est des Vosges furent envahies par Sickingen, à la tête de six
mille hommes. Le duc vint contre lui en Alsace et prit Saint-Hippolyte : l’empereur
déclara que Sickingen se bat pour son compte ; Antoine vainquit un corps
d’Alsaciens et se défit de Sickingen en le soudoyant.
Antoine
s’allia encore avec le roi et parut au Camp du drap d’or, mais il se
refroidit avec lui et s’allia avec l’empereur Charles-Quint.
Il
embellit Nancy : il fit la belle porterie du Palais ducal qui contient sa
statue équestre faite par Mansuy Gauvain; il construisit la galerie des Cerfs ;
il projetait de bâtir la ville neuve.
En 1523,
deux prêtres passés au parti de Luther, qui, depuis 1517, agitait toute
l’Allemagne par sa doctrine, vinrent prêcher cette doctrine à Metz ; un moine
passé à la Réforme, Chasteler de Tonnoy, vint prêcher
l’Avent à Vic, cette même année ; les habitants, irrités d’entendre ses
nouveautés, l’arrêtèrent ; il parvint à s’échapper de leurs mains ; mais il
fut repris, et brûlé vif, le 2 janvier 1525. De tous côté s’élevait dans les
peuples d’Allemagne, un mouvement favorable à ces novateurs. De Bâle à
Luxembourg, les paysans se révoltaient contre les nobles et contre les prêtres
: il fut réprimé dans le Sundgau ; mais dans l’Alsace du Nord, il se fit des
rassemblements ; Georges Iltet mit en armes le quart
des jeunes gens, la veille de Pâques, 16 avril 1525 ; trente mille hommes sont
réunis à Altorf ; Trasme Gerber, bourgeois de
Molsheim, est mis à leur tête; Clément Shech,
jardinier, devient prédicateur, et sur le texte de saint Mathieu, XV, 13 : «
Toute plantation que mon Père céleste n’aura pas plantée, sera déracinée ». il
prêchait qu’il fallait anéantir les prêtres, les moines les nobles, incendier
les églises, les couvents, les châteaux ; c'est ce qu’ils exécutaient partout
sur leur passage. Sur le bruit qu’Antoine préparait contre eux une armée en
Lorraine, ils décidèrent d’y envoyer vingt mille des leurs ; ils vinrent à Marmoutiers ; l’abbé Gaspard Ricquer tomba entre leurs mains ; mais dans un moment où ses gardiens étaient ivres,
il parvint à s’enfuir, quatre mille de ces révoltés passèrent les Vosges ; un
lieutenant, envoyé aux informations, les excusait auprès du duc Antoine ; il le
fit décapiter. Des gens des environs de Dieuze, Salm, Vie se soulevaient
également et se joignaient à eux.
Il était
urgent d’arrêter ces désordres. Les prévôts reçurent ordre de lever des
recrues ; à Toul, les chanoines firent un don de 9.000 francs. Antoine demanda
à son frère le comte de Guise qui commandai! en Champagne, de lui envoyer
quelques troupes. En attendant leur arrivée, il fit barrer les passages de la
Sarre, de Blâmont et des Vosges. Les Rustauds, c’est le nom qu'on donnait à ces
envahisseurs, vinrent par Schirmeck et la vallée de Celles. Ils faillirent
surprendre Saint-Dié, mais la ville fut sauvée ; parmi les exploits de ces
bandes, qu’il nous suffise de rappeler l’incendie du monastère de Saint-Sauveur,
dont les religieux vinrent ensuite s’établir à Domèvre-sur-Vezouze.
Antoine
vint à la rencontre du comte de Guise jusqu'à Sorcy, puis il vint à Vie et à
Dieuze. Il renvoya chez eux les soldats de Dompaire et de Châtenois qui commençaient
à se livrer au pillage ; les révoltes de Dieuze se hâtèrent de rejoindre en Alsace
leurs semblables ; la limite de ce mouvement fut Loudrefing ou Louderifang, accompagnant dans ce mouvement rétrograde
quatre mille hommes qui avaient envahi les environs de Dieuze. On conseillait à
Antoine de tenir seulement les défilés des Vosges ; mais rester ainsi en armes
était trop coûteux, il résolut de joindre l’ennemi en Alsace et de le
disperser. De Sarrebourg à Saverne, il y a cinq lieues ; les chemins étaient
coupés par des abatis ; il fallut se faire un passage à travers bois. Le sire
de Béthune à l’avant-garde arriva à la porte de Saverne avant d’être soutenu ;
il fut criblé de blessures et mourut. Quand le duc arriva, il fit donner
quelques coups de petits canons, les ennemis se retirèrent à Saverne ; leur
effarement était si grand qu’ils s’étouffaient pour passer dans les portes.
Quand l’armée lorraine fut sortie des passes de la montagne et arrivée à cinq
cents mètres de la place, Gringoire fut envoyé en parlementaire pour engager
les révoltés à déposer les armes, il fut accueilli par des coups de feu qui
tuèrent le trompette qui l’accompagnait.
Alors il
arriva à Lupenstein une troupe de six mille paysans
qui voulaient entrer dans Saverne. On les surprit pendant qu’ils prenaient
leur repas ; ils se hâtèrent de faire un cercle de leurs chariots, y mirent des
madriers dans les interstices par lesquels ils pouvaient tirer Le comte de
Vaudémont et celui de Guise parvinrent à franchir cette barrière ; l’ennemi se
réfugia dans l'église, on y mit le feu. Les ennemis enveloppés et vaincus
moururent au nombre de cinq à six mille.
Epouvantés
par un pareil spectacle, les Rustauds de Saverne se rendirent à discrétion. Ils
sortaient en jetant leurs armes, le 17 mai, quand un Rustaud injuria un lansquenet
qui riposta d’un coup de son arme ; les lansquenets intervinrent pour soutenir
leur camarade ; les Rustauds reprirent leurs armes ; ils rentrèrent dans Saverne,
mais ils n’eurent pas le temps de baisser la herse devant les assaillants ; il
se fit en ville un grand. carnage suivi de pillage. Gerber, Ilter, Wix de Saverne, moine apostat, furent pendus. On
avait surpris une lettre de Gerber écrivant au chef de vingt-cinq mille autres
Rustauds venant du Sud, que leur soumission n’était qu’une feinte. Th’icrriat reproche ces faits ô Antoine, il dit que le duc
aurait dû tenir les termes de la capitulation. La vérité est que les choses se
passèrent on dehors de tout ordre d’Antoine et des officiers ; que ce prince et
les commandants s’efforcèrent de sauver le plus de malheureux qu’ils purent. Le
comte de Guise trouva une petite fille de trois ans qu’il garda dans la manche
de son vêtement ; il se promit de la donner avec une autre petite fille plus
âgée à Antoinette de Bourbon, sa dame, pour les nourrir el les endoctriner.
Le duc Antoine, les sires de Ludres et de Vaudémont agirent avec une semblable
humanité.
On
conseillait au duc de se retirer, lorsque six mille paysans armés passèrent
près du camp ; les soldats allemands refusèrent de marcher sur eux, parce
qu’ils étaient occupés au pillage.
Le 18,
l’armée fut conduite à Marmoutiers, Vasselonne, Molsheim, sans rencontrer d’ennemis, ni les
jours suivants. Le 20, à la pointe du jour, Nicolas de Ludres avec
l’avant-garde dépassa Solzheim et apprit que les
Rustauds barraient les passages au-delà de Scherwiller ; le chemin était coupé
par une ligne de chariots appuyée aux vignes de chaque côté. Ils occupaient
Scherwiller ; il fallait les en déloger ; ils avaient dix ou douze fauconneaux
et cent vingt arquebuses pour compléter leur défense ; ils étaient deux mille
quatre cents, dit Wolcyr, mais c’était plutôt seize
cents qui défendaient le village.
Le duc
n’avait que trois mille six cents fantassins et sa cavalerie ; une chaleur
étouffante accablait les soldats, qui, loin de l’ennemi, marchaient en
désordre. A six heures et demie du soir, Antoine arriva en face des Rustauds ;
le comte de Guise était d’avis de remettre faction au lendemain ; mi capitaine
allemand dit qu’il reste assez de temps pour combattre avant la nuit.
Le sire
de Ludres, cadet de Nicolas de Ludres, fut chargé de l’attaque du village avec
les Lorrains et les italiens ; les haies qui environnaient le village permirent
d’en approcher sans bruit, et le village fut emporté en un instant ; deux mille
Rustauds s’enfuirent ; le sire de Ludres fut fait chevalier par le duc et reçut faccolade; il n'était déjà, dit Thierriat, mais l’être sur le champ de bataille est un
honneur.
Les
canons de l’ennemi tiraient sur l’armée, mais sans résultat, parce que les
artilleurs ignoraient le tir. L’armée se rangea pour l’attaque ; la droite, commandée
par le comte de Guise, comprenait les Albanais et l’infanterie lorraine était
conduite par le comte de Vaudémont et Jean VII de Salm, bailli d’Allemagne. Le
duc conduisait le centre composé de l’infanterie et des gens d’armes lorrains
et français. La gauche obéissait à du Fay et
comprenait des compagnies d’ordonnance.
Avant
d’engager l’action, Antoine donna l’accolade à de jeunes chevaliers. Les
lansquenets s’avancèrent ; le terrain était inégal ; ils furent repoussés.
Devant les renforts envoyés contre eux, les Rustauds se retirèrent derrière
leurs chariots ; ils firent même, une contre-attaque qui ramena les Lorrains.
Le sire de Ludres établit une batterie de fauconneaux qui mit l’hésitation,
puis le trouble parmi les ennemis. Un chevalier Dobbio s’approcha des chariots, il en détourna quelques-uns : la brèche était ouverte
par laquelle le comte de Vaudémont entra avec son infanterie ; une foule
d’ennemis se ruèrent sur lui ; il perdit son casque et un gantelet. Le sire
Jean de la Marche de Sancy vit sa détresse, vint avec cinq cents hommes et le
dégagea. Les Rustauds se sauvèrent dans les bois ; la cavalerie et les Albanais
les poursuivirent, ils en tuèrent un grand nombre : la victoire était remportée.
L’infanterie prit du repos ; mais Antoine et la cavalerie restèrent en armes
dans la crainte d’un retour offensif de l'ennemi. Rien ne se produisit, les
Rustauds avaient jeté leurs armes.
Antoine
voulut opérer aussitôt son retour : il n’attendit pas les félicitations de
ceux qu’il a sauvés : ses troupes se livraient au pillage ; les Alsaciens
voyaient avec colère les chariots chargés de dépouilles ; puis l’entretien
d’une telle armée épuisait le trésor de Lorraine ; autant de raisons qui
invitaient le duc à rentrer à Nancy au plus tôt. Les abatis faits sur les
routes pour empêcher l’accès des passages des Vosges ralentissaient la marche
de l’armée ; on employa les gens du pays à scier les arbres couchés sur le
chemin. Le retour se faisait par Saint-Hippolyte, le Val de Viller,
Moyenmoutier et Raon-l’Etape.
Dans le
pays, on fit des prières publiques d’actions de grâces ; Clément VII félicita
le duc, ainsi que l’Empereur ; Clément Marot chanta sa victoire ; les félicitations
vinrent de toutes parts, puis les dons généreux : il reçut des chanoines de
Toul, douze tasses de vermeil. Antoine fonda un service annuel dans l’église de
Saint- Nicolas-du-Port ; il devait être annoncé par seize coups de cloche,
parce qu’il était resté seize heures à cheval pendant et après le combat ;
c’était un samedi, il n’avait mangé qu’un œuf de tonte la journée à son repas
du soir.
Pour
arrêter les progrès de l’hérésie, il fit exécuter son ordonnance du 26 décembre
1423 ; il fit mettre à mort deux religieux prêtres qui prêchaient les hérésies
nouvelles ; un jeune religieux fui dégradé ; le curé de Saint-Hippolyte, Wolfgaug Sorrel, qui avait séduit son peuple, fut brûlé
vif. Léon X avait introduit le concordat germanique à Verdun ; Paul III
l'introduisit à Toul sous l’évêque Toussaint de Hocédy.
Les Etats généraux défendirent, sous peine du feu les assemblées et les
discours hérétiques : il fut défendu, sous peine d’amende de tenir des livres
suspects. Il fut interdit de faire des conférées sans la permission de l'évêque
; ordre fut donné de surveiller les prédicateurs.. C'est de Metz que venait le
danger d’hérésie. On punit d'abord les pasteurs. Guillaueme de Furstenberg s’empara de Gorze ; il en fit sa forteresse;
d’où il sortait pour ravager les environs et bloquer Metz. Il obtint la liberté
du protestantisme à Metz ; il occupa Verdun ; il cherchait à pénétrer en
Champagne : le comte de Guise le surprit par une marche silencieuse, le
repoussa jusqu’à Gorze. et s’empara de cette ville, le 15 mars.
Antoine
agrandit ses états de Sarrebourg et Banquenom que l’évêque de Metz lui
abandonna ; ce fut la cause d’un procès avec un prétendant à la possession de
cette dernière ville : il dura cent ans. Le comte d’Isemberg avait acquis auprès des comtes de Neufchâtel, Châtel et Bainville-aux-Miroirs,
le duc s’empressa de les racheter.
En 1535,
il obtint des Etats généraux une imposition extraordinaire de 3 francs par
conduit. Il resta neutre dans la guerre qui se fit entre François Ier et Charles-Quint. En 1538, il négocia la paix entre ces deux souverains et
réclama le duché de Gueldres, dont il était le seul héritier : il échoua dans
ses démarches. Bientôt il s’allia avec Charles-Quint ; il maria sa fille Anne
au prince d’Orange et son fils avec Christine de Danemark, fille de Christian
II ; elle reçut en dot 100.000 florins et des pierreries valant 20.000
florins.
Cette
alliance déplut à François 1er, roi de France ; il contraignit
Antoine à faire, le 22 avril 1538, le serment d’allégeance pour le Barrois
mouvant et de reconnaître que les droits souverains qu’il y exerce, il ne les laissa
que par la tolérance du roi. Il reçut de François 1er le
commandement de cent lances ; il fut sommé plus tard, comme vassal, de livrer Arzant et ses complices, qui avaient comploté contre le
roi.
En 1541,
Charles-Quint vint à Metz ; le chanoine Baudoche lui
lit ce court compliment : Vous soyez le bienvenu, sire. Charles dit à un
officier : Voilà bien peu d'entendement. Il visita les fortifications et
recommanda aux bourgeois de faire bonne garde, car il soupçonnait bien les
visées du roi de France.
Antoine
obtint, le 26 août 1542, des lettres reconnaissant que la Lorraine
n’appartient plus à l’empire. Il ne comparut plus aux assignations données
devant la Chambre impériale. Toutefois le landfried (cotisation pour la paix publique) fut payé par lui et ses successeurs ; des
textes de 1548, 1558, 1567, 1568, 1569, 1594 et 1595 le prouvent.
La prise
de Gorze pour François Ier, qui menaçait la Lorraine, inspira au duc
la pensée d’aller négocier la paix. Il partit de Bar-le-Duc, le 14 octobre 1543
; mais la guerre continua, il revint à Bar.
Le 11
juin 1544, il se mit au lit et mourut peu après. Philippe de Gueldres, sa mère,
lui avait appris à aimer mieux mourir mille fois que commettre un péché mortel. Quand il sentit sa fin approcher, il dit : Pour l'honneur de Dieu qu’on ne
me parle plus que de mon salut.
Le peuple
ne l'appela que le bon duc.
L’année
de sa mort fut achevée la basilique de Saint-Nicolas-du-Port qui est véritablement le chef-d’œuvre du gothique à cette époque ; Simon Moycet l’avait commencée en 1487, il mourut en 1520 sans
avoir vu le couronnement de son œuvre.
FRANÇOIS
1er (1544-1545).
Il est né
le 1er février 1517 ; à l’âge de quinze ans, il fut envoyé à la cour
de France pour y être élevé. On négocia son mariage avec Anne de Clèves ; mais
ils étaient encore trop jeunes pour être unis ; plus tard, Anne devint une des
épouses infortunées de Henri VIII, roi d’Angleterre. Comme nous l'avons vu, il
épousa Christine de Danemark qui lui apporta une dol royale.
Charles-Quint
vint à Metz le 6 juin 1544 ; il prit Commercy, détruisit le pont de pierre,
brûla les halles et ses troupes firent du désordre ; il prit encore Ligny. En
avril, Antoine avait pris ses précautions contre ce redoutable voisin ; il
avait réparé, armé et approvisionné ses places ; ces préparatifs furent
inutiles, l’empereur entra en Champagne, d’où après six semaines, il fut obligé
de se retirer. Le 17 juin fut tué au siège de Saint-Dizier René de Châlons,
prince d’Orange ; son mausolée fut élevé dans la collégiale de Sainte-Maxe ;
Ligier Richier, qui a fait ce chef-d’œuvre, le représente dévoré des vers.
François
parla de la paix à Charles-Quint qui consentit à négocier ; il allait trouver
le roi à son tour pour traiter l’affaire ; il sortait de Bar, quand il tomba
malade. 11 avait obtenu de l’empereur la possession de Stenay moyennant qu’il
fût démantelé.
L’indiscipline
des lansquenets de son armée et les progrès du protestantisme le rappelèrent
dans ses Etats. Il entra à Nancy eu 1545 et fit le serment d’usage. Bientôt il
retomba malade ; il se rendit à Remiremont où on lui amenait des tonneaux d’eau
de Plombières que les médecins prescrivaient pour des bains. Il mourut sans
fixer la régence de son fils.
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